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SA FEMME fans l'appercevoir continuë.

Jamais rien de plus beau ne s'offrit à ma vûe ; Le travail plus que l'or s'en doit encor priser.. que cela fent bon!

Ho

Ah! j'en tiens.

SGANARELLE à part.

Quoi, pefte, le baiser?

Avoüons qu'on doit être ravie,

SA FEMME pourfuit.

Quand d'un homme ainfi fait on fe peut voir fervie,
Et que s'il en contoit avec attention,

Le penchant feroit grand à la tentation,
Ah! que n'ai-je un Mari d'une auffi bonne mine,
Au lieu de mon pelé, de mon ruftre....

SGANARELLE lui arrachant le portrait.

Ah! mâtine,
Nous vous y furprenons en faute contre nous,
Et diffamant l'honneur de votre cher époux:
Donc à votre calcul, ô ma trop digne femme!
Monfieur, tout bien compté, ne vaut pas bien Ma-
dame?

Et de par Belzébut, qui vous puiffe emporter,
Quel plus rare parti pourriés-vous souhaiter?
Qui peut trouver en moi quelque chofe à redire?
Cette taille, ce port, que tout le monde admire,
Ce vifage fi propre à donner de l'amour,
Pour qui mille beautés foûpirent nuit & jour;
Bref en tout & par tout, en perfonne charmante
N'eft donc pas un morceau dont vous foyés contente?
Et pour raffafier votre appétit gourmand,

Il faut joindre au mari le ragoût d'un galand?

SA FEMME.

J'entends à demi mot où va la raillerie,
Tu crois par ce moyen.............

SGANA

SGANARELLE.

A d'autres, je vous prie,

La chofe eft avérée, & je tiens dans mes mains
Un bon certificat du mal dont je me plains.

SA FEMME.

Mon courroux n'a déja que trop de violence,
Sans le charger encor d'une nouvelle offense.
Ecoute, ne croi pas retenir mon bijou,

Et fonge un peu...

SGANARELLE.

Je fonge à te rompre le cou.

Que ne puis-je, auffi bien que je tiens la Copic,

Tenir l'Original!

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Doux objet de mes vœux, j'ai grand tort de crier,
Et mon front de vos dons vous doit remercier,
Regardant le portrait de Lélie.
Le voilà le beau fils, le mignon de couchette,
Le mal-heureux tifon de ta flâme fecrette,
Le drôle avec lequel...........

SA FEMME.

Avec lequel? pourfuis.

SGANARELLE.

Avec lequel, te dis-je..... & j'en créve d'ennuis.

SA FEMME.

Que me veut donc compter par là ce maître yvrogne?

SGAÑARELLE.

Tu ne m'entens que trop,

Madame la carogne: Sganarelle eft un nom qu'on ne me dira plus, Et l'on va m'appeller Seigneur Cornélius.

J'en fuis pour mon honneur ; mais à toi qui me l'ôtes, Je t'en ferai du moins pour un bras ou deux côtes,

SA FEMME,

Et tu m'ofes tenir de femblables difcours?

SGANA

SGANARELLE.

Et tu m'ofes jouer de ces diables de tours?

SA FEMME.

Et quels diables de tours? parle donc fans rien fein

SGANARELLË.

dre.

Ah! cela ne vaut pas la peine de fe plaindre;
D'un panache de cerf, für le front, me pourvoir.
Helas! voilà vraiment un beau venés y voir.

SA FEMME.

Donc après m'avoir fait la plus fenfible offense
Qui puiffe d'une femme exciter la vengeance,
Tu prens d'un feint courroux le vain amusement,
Pour prévenir l'effet de mon reffentiment?
D'un pareil procédé l'infolence est nouvelle,
Celui qui fait l'offenfe eft celui qui querelle.

SGAÑARELLE.

Eh la bonne effrontée ! à voir ce fier maintien.
Ne la croiroit-on pas une femme de bien?

SA FEMME.

Va, va, fuis ton chemin, cajole tes Maîtreffes, Adreffe-leur tes vœux, & fai-leur des careffes, Mais rends-moi mon portrait, fans te jouer de moi. Elle lui arrache le portrait & s'enfuit. SGANARELLE.

Oui, tu crois m'échapper, je l'aurai malgré tol

SCENE VII. ·

LELIE, GROS-RENE.

GROS RENE".

Nfin, nous y voici: mais, Monfieur, fi je l'ofe,
Je voudrois vous prier de me dire une chofe

Hé bien, parle

LELIE.

GROS-RENE

Avés-vous le diable dans le corps,

Pour ne pas fuccomber à de pareils efforts?

Depuis huit jours entiers avec vos longues traites
Nous fommes à piquer des chiennes de mazettes.
De qui le train maudit nous a tant fecoüés,
Que je m'en fens pour moi tous les membres roüés;
Sans préjudice encor d'un accident bien pire,
Qui m'afflige un endroit que je ne veux pas dire;
Cependant arrivé, vous fortés bien & beau,
Sans prendre de repos, ni manger un morceau.

LELIE.

Ce grand empreffement n'eft pas digne de blâme,
De l'Himen de Célie on alarme mon ame;
Tu fais que je l'adore, & je veux être instruit
Avant tout autre foin de ce funefte bruit.

GROS-RENE'.

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Oui, mais un bon repas vous feroit néceffaire,
Pour s'aller éclaircir, Monfieur, de cette affaire,
Et votre cœur, fans doute, en deviendroit plus fort,
Pour pouvoir réfifter aux attaques du fort.
J'en juge par moi-même : & la moindre disgrace,
Lorsque je fuis àjeûn, me saisit, me terrace;
Mais quand j'ai bien mangé, mon ame eft ferme à tout,
Et les plus grands revers n'en viendroient pas à bout.
Croyés moi, bourrés-vous & fans réserve aucune.
Contre les coups que peut vous porter la Fortune;
Et pour fermer chez vous l'entrée à la douleur,
De vingt verres de vin entourés votre cœur.

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Si-fait bien moi, je meure.

Votre dîné pourtant feroit prêt tout-à-l'heure.

Tai-toi; je te l'ordonne.

LELIE.

GROS-RENE'.

LELIE.

Ah! quel ordre inhumain!

J'ai de l'inquiétude, & non pas de la faim.

GROS

GROS RENE'.

Et moi j'ai de la faim, & de l'inquiétude,

De voir qu'un fot amour fait toute votre étude.

LELIE.

Laiffe-moi m'informer de l'objet de mes vœux,
Et fans m'importuner, va manger si tu veux.

GROS-RENE'.

Je ne réplique point à ce qu'un Maître ordonne.

Non,

SCENE VIII.

LELIE feul.

On, non, à trop de peur mon ame s'abandonne, Le pere m'a promis, & la fille a fait voir Des preuves d'un amour qui foûtient mon espoir.

SCENE IX.

SGANARELLE, LELIE.

SGANARELLE.

[Ous l'avons, & je puis voir à l'aise la trogne Du malheureux pendart qui caufe ma vergogne. Il ne m'eft point connu.

LELIE à part.

Dieux! qu'appercois-je ici! Et fi c'est mon portrait, que dois-je croire auffi? SGANARELLE continue.

Ah! pauvre Sganarelle, à quelle destinée
Ta réputation eft-elle-condamnée ?

Faut....

Appercevant Lélie qui le regarde, il fe tourne d'un
autre côté.

LELIE à part.

Cegage ne peut fans allarmer ma foi,

Etre forti des mains qui le tenoient de moi.

SGANARELLE,

Faut-il que déformais à deux doigts on te montre, Qu'on te mette en chanfons, & qu'en toute rencontre,

On

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