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LYCISCAS.

J'aurai fait incontinent.

MUSICIENS.

Non, non, debout. Lycifcas debout:
Pour la chaffe ordonnée il faut préparer tout..
Vîte debout, dépêchons, debout.

LYCISCAS.

Et bien laiffés-moi, je vais me lever: vous êtes d'étranges gens de me tourmenter comme cela: vous ferés cause que je ne me porterai pas bien de toute la journée; car, voyés-vous, le fommeil eft néceffaire à l'homme, & lorfqu'on ne dort pas fa réfection, il || arrive.... que.... on n'eft....

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Diable foit les brailleurs, je voudrois que vous euffiés la gueule pleine de bouillie bien chaude. MUSICIENS.

Debout, debout, vîte debout, dépêchons, debout.

LYCISCAS.

Ah! quelle fatigue de ne pas dormir fon foû!

PREMIER.

Hola? ho.

DEUXIE'ME.

Hola? ho.

TROISIE'ME.

Hola? ho.

TOUS ENSEMBLE.

Ho! ho!

LYCISCAS.

Ho! ho! La pefte foit des gens avec leurs chiens de

hur

hurlemens, je me donne au Diable, fije ne vous affomme: mais voyés un peu quel-diable d'enthousiasme il leur prend, de me venir chanter aux oreilles comme cela. Je....

Debout.

MUSICIENS.

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Quoi toûjours ? a-t-on jamais vû une pareille furie de chanter? par le fang-bleu j'enrage: puifque me voilà éveillé, il faut que j'éveille les autres, & que je les tourmente comme on m'a fait. Allons, ho? Mef fieurs,debout,debout, vîte, c'est trop dormir. Je vais faire un bruit de Diable par tout. Debout, debout,debout! Allons vite, ho, ho, ho! Debout, debout, pour la chalfe ordonnée il faut préparer tout; debout, debout, Lycifcas debout! ho! ho! ho! ho! ho!

Lycifcas s'étant levé avec toutes les peines du monde, & s'étant mis à crier de toute fa force plufieurs cors & trompes de Chaffe fe firent entendre, & concertées avec les violons, commencèrent l'air d'une entrée, fur laquelle fix Valets de chiens danferent avec beaucoup de juftesse & de difpofition: reprenant à certaines cadences le fon de leurs cors & trompes, C'étoient les Sieurs Paylan, Chicanneau, Noblet, Pefan, Bonard, & la

Pierre.

AR

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ACTE PREMIER.

ARGUMENT.

ETTE chaffe, quise préparoit ainfi, étoit celle d'un Prince d'Elide: lequel étant d'humeur galante & magnifique ; & fouhaitant que la Princeffe fa Fille fe réfolût à aimer & à penfer au mariage, qui étoit fort contre fon inclination, avoit fait venir enfa Cour les Princes d'Ithaque, de Meffene & de Pyle: afin que dans l'exercice de la chaffe qu'elle aimoit fort, & dans d'autres Jeux, comme des courfes de chars & semblables magnificences, quelqu'un de ces Princes pût lui plaire, & devenir fon époux.

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SCENE I.

Uriale, Prince d'Ithaque, amoureux de la Princeffe d'E lide, & Arbate fon Gpuverneur, lequel indulgent à la paffion du Prince, le loue de fon amour au lieu de l'en blâmer, en des termes fort galants.

EURIALE, ARBATE.

ARBATE.

Constart tous momens chercher la folitude,

E filence rêveur, dont la fombre habitude,

Ces longs foûpirs que laiffe chaper votre cœur
Et ces fixes regards fichargés langueur,
Difent beaucoup fans doute à des gens de mon âge;
Et je penfe, Seigneur; entendre ce langage:
Mais fans votre congé, de peur de trop rifquer,
Je n'ofe m'enhardir jufques à l'expliquer.

EURIALE.

Explique, explique, Arbate, avec toute licence,
Ces foûpirs, ces regards, & ce morne filence:
Je te permets ici de dire que l'Amour

M'a rangé fous fes loix, & me brave à fon tour:

Et

Et je confens encor que tu me faffes honte

Des foibleffes d'un coeur qui fouffre qu'on le dompte.

ARBATE.

Moi vous blâmer, Seigneur, des tendres mouvemens,
Où je vois qu'aujourd'hui panchent vos fentimens ?
Le chagrin des vieux jours ne peut aigrir mon ame
Contre les doux tranfports de l'amoureule flâme.
Et bien que mon fort touche à fes derniers Soleils,
Je dirai que l'Amour fied bien à vos pareils ;
Que ce tribut qu'on rend aux traits d'un beau visage,
De la beauté d'une ame eft un clair témoignage;
Et qu'il eft mal-aifé que, fans être amoureux,
Un jeune Prince foit & grand & généreux:
C'est une qualité que j'aime en un Monarque,
La tendreffe du cœur est une grande marque,
Que d'un Prince à vôtre âge on peut tout préfumer,
Dès qu'on voit que fon ame eft capable d'aimer.
Oui cette paffion de toutes la plus belle,
Traîne dans un efprit cent vertus après elle;
Aux nobles action elle pouffe les cœurs,
Et tous les grands Héros ont fenti fes ardeurs.
Devant mes yeux, Seigneur, à paffé votre enfance,
Et j'ai de vos vertus vû fleurir l'efpérance;
Mes regards obfervoient en vous des qualités,
Où je reconnoiffois le fang dout vous fortés :
J'y découvrois un fond d'efprit & de lumière;
Je vous trouvois bien fait, l'air grand, & l'ame fière;
Votre cœur, votre adreffe éclatoient chaque jour:
Mais je m'inquiétois de ne voir point d'amour,
Et puifque les langueurs d'une plaie invincible
Nous montrent que votre ame à fes traits eft fenfible,
Je triomphe, & mon cœur d'allégreffe rempli
Vous regarde à présent comme un Prince accompli

EURIALE.

Si de l'Amour un tems j'ai bravé la puissance,

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Hélas!

Hélas! mon cher Arbate, il en prend bien vengeance,
Et fachant dans quels maux mon cœur s'eft abîmé,
Toi-même, tu voudrois qu'il n'eût jamais aimé:
Car enfin, voi le fort où mon aftre me guide,
J'aime j'aime ardemment la Princeffe d'Elide
Et tu fais que l'orgueil fous des taits fi charmans
Arme contre l'Amour fes jeunes fentimens;
Et comment elle fuit, en cette illuftre fête,
Cette foule d'amans qui briguent fa conquête.
Ah! qu'il eft bien peu vrai que ce qu'on doit aimer,
Auffi-tôt qu'on le voit, prend droit de nous charmer;
Et qu'un premier coup d'oeil allume en nous les flâmes,
Où le Ciel, en naissant a destiné nos ames!
A mon retour d'Argos je paffai dans ces lieux,
Et ce paffage offrit la Princeffe à mes yeux,
Je vis tous les appas dont elle est revêtuë.
Mais de l'œil dont on voit une belle ftatuë;
Leur brillante jeuneffe obfervée à loifir,
Ne porta dans mon ame aucun fecret défir,
Et d'Ithaque en repos je revis le rivage,
Sans m'en être en deux ans rappellé nulle image.
Un bruit vient cependant à répandre à ma Cour
Le célèbre mépris qu'elle fait de l'amour;
On publie en tous lieux que fon ame hautaine
Garde pour l'himenée une invincible haine,
Et qu'un arc à la main, fur-l'épaule un carquois
Comme une autre Diane, elle hante les bois,
N'aime rien que la chaffe, & de toute la Grece
Fait foupirer en vain l'héroïque jeuneffe.
Admire nos efprits, & la fatalité:

Ce que n'avoit point fait fa vûë & fa beauté,
Le bruit de fes fiertés en mon amé fit naître

Un tranfport inconnu, dont je ne fus point maître:
Ce dédain fi fameux eut des charmes fecrets,
A me faire avec foin rappeller tous fes traits;

Et

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