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SGANARELLE.

Moi? j'ai dit que c'étoit à ma femme

Que j'étois marié?

LELIE.

Dans un grand trouble d'ame,

Tantôt de mon portrait je vous ai vû faifi.

SGANARELLE.

Il eft vrai, le voilà.

LELIE

Vous m'avés dit auffi

Que celle, aux mains de qui vous avés pris ce gage,
Etoit liée à vous des noeuds du mariage.
SGANARELLE montrant fa femme.

Sans doute, & je l'avois de fes mains arraché,
Et n'euffe pas fans lui découvert fon péché.

SA FEMME.

Que me viens-tu conter par ta plainte importune?
Je l'avois fous mes pieds rencontré par fortune;
Et même quand après ton injufte courroux
J'ai fait dans fa foibleffe entrer Monfieur chez nous,

Montrant Lélie.

Je n'ai pas reconnu les traits de fa péinture.

CELIE

C'est moi qui du portrait ai caufé l'avanture
Et je l'ai laiffé cheoir en cette pamoifon.

à Sganarelle.

Qui m'a fait par vos foins remettre à la maifon.

LA SUIVANTE,

Vous le voyés, fans moi vous y feries encore,
Et vous aviés befoin de mon peu d'Ellebore.

SGANARELLE.

Prendrons-nous tout ceci pour

de l'argent comptant? Mon front l'a, fur mon ame, eu bien chaude pourtant.

SA FEMME.

Ma crainte toutefois n'eft pas trop diffipée,

Et d'où que foit le mal, je crains d'être trompée.

SGA

SGANARELLE.

Hé! mutuellement croyons-nous gens de bien.
Je rifque plus du mien que tu ne fais du tien,
Accépte fans façon le parti qu'on propofe.

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Soit; mais gare le bois, fi j'apprens quelque chofe.

CELIE.

à Lélie apres avoir parlé bas ensemble.

Ah Dieux! s'il eft ainfi, qu'eft-ce donc que j'ai fait?
Je dois de mon courroux appréhender l'effet.
Oui, vous croyant fans foi, j'ai pris pour ma ven-

geance

Le malheureux fecours de mon obéïffance.

Et depuis un moment mon cœur vient d'accepter
Un Himen que toûjours j'eus lieu de rebuter;
J'ai promis à mon Pere, & ce qui me défole.....
Mais je le vois venir.

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CELIE, LELIE, GORGIBUS, SGANARELLE, SA FEMME, LA SUIVANTE.

LELIE.

Monfieur, vous me voyés en ces lieux de retour,

Brûlans des mêmes feux, & mon ardent amour Verra, comme je crois, la promeffe accomplie, Qui me donna l'efpoir de l'himen de Célie.

GORGIBUS.

Monfieur, que je revois en ces lieux de retour
Brûlant des mêmes feux, & dont l'ardent amour
Verra que vous croyés la promeffe accomplie,
Qui vous donne l'efpoir de l'Himen de Célie,
Très-humble Serviteur à votre Seigneurie.

LE

LELIE.

Quoi, Monfieur, eft-ce ainfi qu'on trahit mon espoir?

GORGIBUS.

Oui, Monfieur, c'eft ainfi que je fais mon devoir,
Ma fille en fuit les loix.

CELIE.

Mon devoir m'intéreffe, Mon Pere, à dégager vers lui votre promeffe.

GORGIBUS.

Eft-ce répondre en fille à mes commandemens?
Tu te démens bien-tôt de tes bons fentimens;
Pour Valere tantôt.... Mais j'apperçois fon Pere,
Il vient affûrément pour conclure l'affaire.

SCENE DERNIERE.

CELIE, LELIE, GORGIBUS, SCANARELLE,
SA FEMME, VILLEBREQUIN, LA

Qui

SUIVANTE.

GORGIBUS.

Ui vous améne ici, Seigneur Villebrequin?
VILLEBREQUIN.

Un fecret important que j'ai fû ce matin,
Qui rompt abfolument ma parole donnée.
Mon fils, dont votre fille acceptoit l'Himenée,
Sous des liens cachés trompant les yeux de tous,
Vit depuis quatre mois avec Life en époux;
Et comme des parens le bien & la naiffance
M'ôtent tout le pouvoir de caffer l'alliance,
Je vous viens.....

GORGIBUS.

Brisons-là, fi fans votre congé, Valère votre fils ailleurs s'eft engagé,

Je ne vous puis céler que ma fille Čélie

Dès long-tems par moi-même eft promise à Lélie,
Et que, riche en vertus, fon retour aujourd'hui
M'empêche d'agréer un autre époux que lui.

Tom. II.

VIL

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Allons choifir le jour pour fe donner la foi.

SGANARELLE.

A-t-on mieux crû jamais être cocu que moi?
Vous voyés qu'en ce fait la plus forte apparence
Peut jetter dans l'efprit une faufle créance.
De cet exemple-ci reffouvenés-vous bien;
Et quand vous verriés tout, ne croyés jamais rien.

F 1.N.

L'ECOLE

DES

MARIS,

COMEDIE.

Représentée pour la première fois à Paris, fur le Théâtre du Palais Royal, le 24. Juin

1661.

Par la Troupe de Monfieur Frere
Unique du Roi.

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