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A MONSEIGNEUR

LE DUC

D'ORLEANS,

FRERE UNIQUE

DUROY.

MONSEIGNE

ONSEIGNEUR,

Fe fais voir ici à la France des chofes bien peu proportionnés. Il n'eft rien de fi grand, & de fi fuperbe, que le nom que je mets à la téte de ce Livre, & rien de plus bas que ce qu'il contient. Tout le monde trouvera cet assemblage êtrange: & quelques-uns pourront bien dire, pour exprimer l'inégalité, que c'est pofer une couronne de perles & de diamans, fur une ftatuë de terre, & faire entrer par des Portiques magnifiques, & des Arcs triomphaux fuperbes, dans une méchante Cabane. Mais, MONSEIGNEUR, ce qui doit me fervir d'excuse, c'est qu'en cette avanture je n'ai eu aucun choix à faire, & que l'honneur que j'ai d'être à VOTRE ALTESSE ROY ALE, m'a'imposé une néceffité abfoluë, de lui dédier le premier Ouvrage que je mets de moi-même au jour. Ce n'est pas un préfent que je lui far s

fais, c'eft un devoir dont je m'acquitte & les hommages ne nt jamais regardés par les chofes qu'ils portent. J'ai donc ofé, MONSEIGNEUR, délire une bagatelle à VOTRE AlTESSE ROYALE, parce que je n'ai pû m'en difpenfer; & fi je me difpenfe ici de m'étendre fur les belles & glorieufes vérités qu'on pourroit dire d'Elle, c'est par la jufte appréhension que ces grandes idées ne fiffent éclater encore davantage la basses fel de mon offrande. Je me suis imposé filence, pour trouver un endroit plus propre à placer de fi belles chofes ; & tout ce que j'ai prétendu dans cette Epitre, c'eft de juftifier mon action à toute la France, d'avoir cette gloire de vous dire à vous-meme, ¡ MONSEIGNEUR, avec toute la foûmiffion poffible que je

fuis,

DE VOTRE ALTESSE ROYALE

Le très-humble, très-obeïffant, & très-fidèle ferviteur

MOLIERE.

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39

L'ECOLE
DES

MARIS,

COMEDIE.

ACTE PREMIER.

SCENE I.

SGANARELLE, ARISTE.

SGANARELLE,

́On frere, s'il vous plaît, ne difcourons point

Mon frere, s'il

tant,

Et que chacun de nous vive comme il l'entend;
Bien que fur moi des ans vous ayés l'avantage,
Et foyés affez vieux pour devoir être fage;
Je vous dirai pourtant que mes intentions
Sont de ne prendre point de vos corrections:
Que j'ai pour tout confeil ma fantaisie à fuivre,
Et me trouve fort bien de ma façon de vivre.

ARISTE.

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Je voudrois bien favoir, puisqu'il faut tout entendre, Ce que ces beaux cenfeurs en moi peuvent reprendre?

ARISTE.

Cette farouche humeur, dont la fêvérité
Fuit toutes les douceurs de la fociété,

A tous vos procédés inspire un air bizarre,
Et jufques à l'habit, tout eft chez vous barbare.

C 4

SGA

SGANARELLE.

Il eft vrai qu'à la mode il faut m'affujettir,
Et ce n'eft pas pour moi que je me dois vêtir :
Ne voudries-vous point, par vos belles fornettes
Monfieur mon frere aîné, (car Dieu-merci vous l'êtes
D'une vingtaine d'ans, à ne vous rien céler,
Et cela ne vaut pas la peine d'en parler :)

Ne voudriés-vous point, dis-je, fur ces matières,
De vos jeunes muguets m'infpirer les manières?
M'obliger à porter de ces petits chapeaux,
Qui laiffent éventer leurs débiles cerveaux,
Et de ces blonds cheveux, de qui la vaste enflure
Des vifages humains offufquent la figure;
De ces petits pourpoints fous les bras fe perdans,
Et de ces grands colets jufqu'au nombril pendans :
De ces manches qu'à table on voit tâter les fauffes,
Et de ces cotillons appellés haut de-chauffes?
De ces fouliers mignons de rubans revêtus,
Qui vous font reffembler à des pigeons pâtus?
Et de ces grands canons, où, comme en des entraves,
On met tous les matins fes deux jambes esclaves,
Et par qui nous voyons ces Meffieurs les galans,
Marcher écarquillés ainfi que des volans?
Je vous plairois fans doute équipé de la forte,
Et je vous vois porter les fottifes qu'on porte.

ARISTE.

Toûjours au plus grand nombre on doit s'accommoder,

Et jamais il ne faut fe faire regarder.

L'un & l'autre excès choque, & tout homme bien

fage

Doit faire des habits, ainfi que

du langage:
N'y rien trop affecter, &, fans empressement,
Suivre ce que l'ufage y fait de changement.
Mon sentiment n'eft pas qu'on prenne la méthode

De

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