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d'asile et la clause tacite comprise implicitement dans toute extradition.1

IX. Nous avons déjà vu (au § 42 ci-dessus) que l'exterritorialité n'implique aucun droit d'asile. Par suite l'extradition d'un inculpé qui s'est réfugié, par exemple, dans l'hôtel ou dans la voiture d'un ministre étranger, en cherchant ainsi à se placer sous la protection de ce dernier, ne peut être refusée. Seulement, pour l'extraire de l'endroit où il s'est réfugié, il faudra procéder avec tous les ménagements dus au caractère public de la personne exempte.

X. Aucun gouvernement n'est tenu de recevoir les individus inculpés dont l'extradition lui est proposée, s'il n'a pas contracté un engagement formel à ce sujet. On peut seulement contraindre un étranger incommode, à quitter le territoire et même le faire conduire jusqu'aux frontières de sa patrie, sans toutefois pouvoir imposer aux autorités du pays l'obligation de le recevoir formellement.

Dans plusieurs pays on n'accorde l'extradition des réfugiés qu'en vertu de conventions expresses. Parfois, dans des cas spéciaux, les autorités de ces pays fournissent aux gouvernements étrangers la faculté de s'emparer des personnes poursuivies. Ainsi la loi de la Grande-Bretagne n'accorde jamais expressément l'extradition ni d'un regnicole ni d'un étranger accusé d'un crime commis hors du royaume-uni, et dans les trois traités d'extradition conclus par ce gouvernement avec la France, les États-Unis, le Danemare il n'est spécifié qu'un nombre fort restreint de crimes comme étant de nature à donner lieu à l'extradition.4

§ 63. L'État qui accorde à des réfugiés, et notamment à des réfugiés politiques, l'hospitalité sur son territoire, ne fait

1 Kluit p. 87. Foelix p. 580. 586 (no. 609. 613 éd. 3). Le contraire a été jugé par la haute Cour à Berlin le 10 nvbr. 1855 dans l'affaire d'un Prussien remis aux autorités de son pays.

2 Une convention semblable a été conclue entre la Russie et la Prusse, le 25 mai 1816. Kluit p. 91.

3 Foelix p. 605 (no 641 éd. 3).

4 Gazette des tribun., 21 mars 1843. N. R. S. V, 20. Comparez aussi Phillimore I, 426. Law of extradition by Clarke. 1867.

que remplir les devoirs de bon voisinage et d'une puissance alliée, en leur imposant comme condition de leur séjour l'obligation de s'abstenir de toute tentative hostile ou coupable à l'égard de leur propre gouvernement ou d'un autre. Pour prévenir les conflits et les complications qui peuvent résulter de tentatives semblables, les autorités locales arrêtent les mesures commandées par les circonstances, soit en interdisant aux réfugiés le séjour sur la frontière, soit en fixant le lieu de leur séjour dans l'intérieur du pays (internement), soit en les plaçant sous la surveillance de la haute police, soit enfin en les expulsant du territoire. Dans les États d'une faible étendue territoriale surtout, cette dernière mesure sera à peu près la seule applicable. D'un autre côté un gouvernement a la faculté d'user envers certains individus de mesures moins énergiques, et de se contenter à leur égard de simples garanties morales ou matérielles. Il peut même, en leur conférant le droit de cité ou de naturalisation, les placer sous l'égide et la protection de ses lois. En général les États n'obéissent à cet égard qu'à leurs propres inspirations et ne sont tenus les uns envers les autres à aucune obligation positive. Celui qui a offert un refuge aux sujets de l'autre doit seulement prêter l'oreille aux justes réclamations de ce dernier, les examiner et prendre des mesures en conséquence. Il n'encourra une responsabilité que le jour où, de connivence avec les menées hostiles des réfugiés, en favorisant leurs entreprises coupables, il aura provoqué ou fomenté des troubles dans des États amis.

Si l'Angleterre et l'Amérique du Nord ont adopté sous ce rapport des principes différents de ceux suivis sur le continent européen, cela ne prouve rien contre l'exactitude des propositions sus-énoncées. A certaines époques l'Angleterre elle-même a réclamé contre la conduite politique adoptée par des gouvernements continentaux en faveur de réfugiés anglais, et peutêtre ces réclamations se renouvelleront-elles un jour.1

1 V. un article très-instructif où les propositions indiquées ci-dessus ont été développées avec autant de tact que d'énergie, dans le recueil intitulé: Europa, par G. Kühne. 1853. no. 95. 96.

Chapitre II.

DES BIENS DANS LEURS RAPPORTS INTER

NATIONAUX.

De la distinction des biens.

§ 64. Les distinctions du droit civil entre biens meubles et immeubles, corporels et incorporels, se retrouvent dans le droit international. Il y a en outre des biens qui sont la propriété d'un certain État et d'autres qui ne le sont pas (res nullius). Ces derniers se subdivisent en biens vacants (adespota) et en ceux dont personne ne s'attribue la propriété et qui demeurent communs à tous (res communes). C'est surtout le domaine international qu'il importe de définir d'une manière exacte. On entend par là les droits exclusifs de l'État sur certains biens qui se trouvent sur son territoire et dont il dispose librement, conformément aux règles du droit public interne." Ce domaine possède pour les rapports internationaux, les qualités du domaine privé, savoir celles d'une disposition libre et exclusive. Si l'État protége le domaine privé, cette protection pourtant n'a pas pour effet de l'en rendre maître au point qu'il puisse se l'approprier en dehors d'une nécessité ou d'une réserve expresse. Omnia rex imperio possidet, singuli dominio." Dans ce sens les publicistes ont appelé le droit de l'État sur les biens privés de ses sujets son,, domaine éminent" (dominium eminens).3 L'État et le souverain peuvent en outre acquérir ou posséder des biens à titre particulier, soit dans le pays, soit à l'étranger: dans ce dernier cas ces biens sont soumis aux lois et aux juridictions étrangères, à moins qu'ils n'aient acquis la nature de

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1 V. Ortolan, Du domaine international dans la Revue de législation par Welowski. 1849. II, p. 289. III, p. 5. IV, p. 61.

2 Les personnes ne peuvent faire l'objet du domaine dans des États libres. V. § 58 ci-dessus. Grotius II, 9. 1.

3 Seneca, Orat. 31. Les ouvrages indiqués par Struve, Biblioth. jur. imp. II, 11 et par Pütter, Litter. des Staatsr. III, p. 378. V. aussi Vattel Rutherford, Instit. II, 9.6.

I, 20. 235. 244. II, 7. 81.

servitudes d'État. Les biens possédés ainsi par un État à l'étranger, lorsqu'ils n'ont pas un caractère patrimonial comme propriété de la famille souveraine, forment une véritable portion de son domaine public. Néanmoins aucune nation n'est obligée d'autoriser sur son territoire l'acquisition d'immeubles par une nation ou un souverain étrangers: elle peut exiger encore l'aliénation des immeubles possédés par eux, si cette possession est de nature à porter atteinte à l'indépendance ou à la constitution du pays.2

Territoire d'un État.

§ 65. Le domaine international comprend surtout le territoire ou le pays occupé par une nation dans les limites qui la séparent des nations voisines.3 Peu importe qu'il soit arrondi, morcelé ou enclavé: les droits de souveraineté et d'indépendance sont toujours les mêmes. Quelquefois un ou plusieurs territoires enclavés dans un autre relèvent de la suzeraineté de ce dernier, tout en obéissant à leur propre souverain et à une administration distincte (territoria subordinata); en même temps que, vis-à-vis des puissances étrangères, ils ne figurent que comme portions accessoires du territoire principal. Telle fut, par exemple, la condition de la principauté de Bar dans l'ancienne France: telle a été celle de plusieurs principautés d'Allemagne. 4 Deux ou plusieurs États peuvent encore exercer la souveraineté divise ou indivise d'un territoire étranger (condominium): à ce titre, par exemple, la Prusse et la principauté de Lippe possédaient en commun la ville de Lippstadt.

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1 V. surtout Schmelzer, Das Verhältnifs auswärtiger Kammergüter. Halle 1819. p. 48. 179 suiv.

2 Des dispositions semblables existent dans plusieurs États, p. ex. en Mecklembourg. V. Günther II, 216. Klüber, Droit des gens. § 124. 128. 3 Moser, Grunds. in Friedenszeiten. 361. Idem, Versuche. V, 58. 164. 4 V. Heffter, Beitr. zu dem Staats- und Fürstenrecht. I, p. 289 suiv. M. H. Griebner, s. C. H. Drewer, De jure territorii subordinati. Diss. I et II. Lips. 1727. Merlin, Répert. univ. m. Bar.

5 J. A. Frommann, De condominio territorii. Tüb. 1682. G. J. Wagner, De condominio territorii dissertat. Mogunt. 1719.

Autrefois on admettait encore, surtout en Allemagne, une distinction entre les territoires clos et non clos (territoria clausa, non clausa), selon que la souveraineté était exercée par un pouvoir indivis et unique, ou qu'elle rencontrait des entraves fréquentes dans les exemptions et les priviléges personnels ou locaux. Les révolutions du commencement de notre siècle et l'acte de la Confédération rhénane (art. 34) ont mis fin à cet état de choses, qui d'ailleurs existait plutôt en théorie qu'en pratique.1

Les limites territoriales de tous les États actuels reposent sur une base essentiellement volontaire et de circonstances. Jusqu'à ce jour la science politique n'a pas encore réussi à fixer les limites naturelles des États sur la base des nationalités. Celles-ci ne contiennent que les noyaux des États particuliers. En effet leur développement se rattache à la nature du sol gagné, au climat, aux besoins et aux moyens pour vivre, comme il a été judicieusement observé par Montesquieu. Des États intermédiaires se placent naturellement et forment des transitions entre les nations fortement caractérisées de l'Europe: c'est ainsi que la Belgique et la Suisse forment des barrières naturelles entre l'Allemagne et la France, les Pays-Bas entre l'Allemagne et l'Angleterre.

Limites des territoires.3

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§ 66. Les limites internationales d'un territoire ou d'un État sont physiques ou intellectuelles. Les limites physiques sont la mer, les hautes montagnes, les terrains incultes ou inoccupés. Les rivières, loin d'être des barrières naturelles, forment au contraire de vraies artères de comunication des différentes nations. Lorsque le bord d'un fleuve a été fixé expressément comme limite d'un territoire, il n'est pas permis de l'étendre

1 V. Hildebrand, De territ. clauso et non clauso. Altorf. 1715. Klüber, Oeffentliches Recht des deutschen Bundes. § 277.

2 V. aussi Ideen über das politische Gleichgewicht. Leipzig 1814. chap. IV. R. von Mohl, Politik I, 333.

3 V. les ouvrages indiqués par de Kamptz. § 106. Günther II, P. 170.

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