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Tout navire qui franchit les limites maritimes d'une nation doit se conformer aux dispositions des règlements établis, peu importe qu'il soit entré volontairement ou par suite d'une force majeure. A cet effet les États riverains jouissent de certains droits incontestés, qui sont:

1° le droit de demander des explications sur le but du voyage du navire: si la réponse est refusée ou si elle paraît inexacte, les autorités des lieux peuvent, par des voies directes, prendre connaissance du véritable but du voyage et, en cas d'urgence, prendre des mesures provisoires commandées par les circonstances;

2o le droit d'empêcher que la paix ne soit troublée dans leurs eaux intérieures et d'y intervenir de facto;

3o celui de faire des règlements relatifs à l'usage des eaux qui baignent les côtes, par exemple, le droit de régler les différentes espèces de pêche;

4° le droit de mettre l'embargo et d'établir des navires croiseurs pour empêcher la contrebande (§ 111);1

5° enfin le droit de juridiction.2

Le simple passage d'un navire étranger dans les eaux qui forment les limites maritimes d'un État, n'autorise pas ce dernier à l'assujettir à certains droits de péage, excepté ceux qui grèvent l'usage des établissements de navigation ou des pêcheries. Des concessions volontaires des nations peuvent seules faire naître d'autres droits que ceux que nous venons d'indiquer. Le péage du Sund, qui appartenait à la couronne de Danemark, présentait sous ce rapport un exemple unique en son espèce.3

1 Moser, Vers. VII, p. 801 suiv.

2 Dans les deux premières éditions nous avions émis des doutės relativement à ce dernier point, qui cependant est la conséquence naturelle des autres et admis en outre par l'usage, ainsi que par les auteurs de cette matière spéciale. V. Ortolan, Règl. intern. I, p. 175. Tellegen p. 54. Massé, Droit commercial, § 105.

3 V. là-dessus les ouvrages indiqués par de Kamptz § 176. de Steck, Vers. p. 39. Moser, Kleine Schriften. IX, p. 290 suiv. Vattel I, 23. § 292. Wheaton, Histoire des progrès. p. 105 suiv. La question du droit est traitée d'une manière étendue dans les Mémoires du Gouvernement Suédois relatif au péage du Sund. Stockh. 1839. Réplique du Gouvernement Danois. Ibid. 1840. W. Hutt, On the Sund-dues. London 1839. Lemonius,

Maintenant ce droit de péage est racheté par les puissances et nations maritimes. (Voir l'appendice).

Eaux maritimes en deçà de la mer des côtes.1

§ 76. Si l'eau maritime des côtes est censée appartenir aux États contigus, il s'en suit à plus forte raison que les eaux maritimes situées en deçà de cette portion de la mer doivent être du domaine de l'État contigu, qui se trouve en même temps dans la possibilité d'en garder et d'en défendre les accès et de les tenir sous sa tutelle exclusive. Telles sont:

1° Les canaux artificiels du pays qui communiquent avec la mer. 2

2o Les ports et les havres, soit artificiels soit naturels, qui forment l'accès du territoire.3

Quelques nations, tant par une extension de leurs droits sur les eaux des côtes, que par d'autres raisons, et à la faveur de circonstances particulières, se sont attribué un droit de domaine encore plus large sur certaines portions de la haute mer. Ainsi en Angleterre on comprend sous le nom de „,Kings" ou,, Queens chambers" les baies situées entre deux promontoires dans le domaine de l'État. Une interprétation analogue semble avoir prévalu en France, car le traité anglo-français du 3 août 1839 concernant les limites des pêcheries entre la France et l'Angleterre y a compris les baies d'une dimension de moins de 10 milles.6 On a regardé également jusqu'à une époque fort récente comme mer fermée le golfe de Bothnie dans la Baltique dominé longtemps par la Suède.' Mais le

Verhältnisse des Sundzolles.
Berlin 1845.

Stettin 1841. H. Scherer, Der Sundzoll.

1 Hautefeuille, Droit des nations neutres. I, 241.

2 Grotius II, 3, § 10, n. 1. 2.

3 L. 15. D. de publicanis. Vattel I, 23. § 290.

4 Wheaton, Elem. I, 1. 4. 7. Phillimore I, 213. Hautefeuille I, 240.

5 Wheaton, Elem. I, 1. 4. 7. Hautefeuille I, p. 240.

6 Martens, Nouv. Rec. XVI, 957.

7 Günther II, 53. § 5.

traité de Friedrichsham (517 septembre 1809), par suite de la cession de la Finlande à la Russie, a fixé ce golfe comme limite, et il a prescrit en même temps le partage des îles y situées, d'après leur proximité des côtes respectives de la Suède et de la Russie: le golfe a donc cessé d'appartenir à la Suède et paraît dès lors être commun aux deux couronnes. Enfin le Danemark veut regarder la mer autour de l'île d'Islande et aux côtes de Grönland comme une dépendance de ces pays-là jusqu'à une distance de quinze milles, ce qui n'est pas toutefois resté hors de contestation. 2

Suite: Détroits et portions de la mer enclavées dans les limites territoriales des États.

§ 76. Il va sans dire que les détroits entre deux portions de la mer qui servent à la communication entre ces dernières doivent être réputés libres et communs à l'usage de toutes les nations, lorsqu'on peut les passer hors de la portée des canons des pays adjacents, comme par exemple le détroit de Gibraltar. En cas contraire le détroit sera soumis à la souveraineté de ces États riverains ou de l'un d'eux. Néanmoins on est d'accord qu'aucun peuple ne peut interdire aux autres l'usage innocent de ces voies de communication (§ 33).

Quant à la mer qui s'étend au delà du détroit non-libre, bien qu'elle soit partout ailleurs enfermée par le territoire d'un ou de plusieurs pays, elle ne pourra aucunement être considérée comme une mer close ou domaniale de ces États ou du souverain du détroit, mais le caractère universel de la mer y prévaudra (§ 73. 74). Aussi a-t-il déjà prévalu dans les régulations concernant la mer noire. Il faut convenir à la vérité que les restrictions auxquelles le passage innocent par

1 Martens, Nouv. Rec. t. I, p. 19; t. IV, p. 33.

2 Phillimore I, 204. En ce qui concerne la mer du Nord d'Amérique et le traité y relatif conclu entre la Russie et les États-Unis, v. Wheaton, Intern. L. I, 2. 4. § 5.

3 Voir van Horn, De navigatione et mercatura in mari nigro. Amsterdam 1834 et les traités de 1829. 1841. 1856. 1871.

le détroit est ou peut être soumis, influent d'une certaine manière sur l'usage de la mer qui s'ouvre au delà du détroit, pourvu que le souverain de celui-ci soit assez fort pour maintenir son droit de tutelle pendant la guerre entre tierces puissances. Dans ce sens la fermeture ou la neutralité de la mer Baltique, proclamée en 1780 et en 1800 par les puissances du Nord vis-à-vis de toutes les nations qui n'y ont pas de possessions, n'était pas, quoiqu'elle fût contestée par l'Angleterre, une incongruité blâmable.

Domaine des lacs, des mers territoriales et des fleuves.1

§ 77. Les lacs et les mers purement territoriales sont une propriété incontestable de l'État ou des plusieurs États dont ils sont enclavés, et dans les limites indiquées au § 66. II n'est pas moins certain que l'empire d'un État s'étend sur le cours des fleuves qui passent par son territoire, jusqu'à leur embouchure, c'est-à-dire, jusqu'aux points extrêmes des rivages où leurs eaux quittent le territoire, dussent-elles se confondre déjà d'avance avec celles de la mer dans un bassin plus vaste que celui qui est propre à la nature des fleuves. Les lacs mêmes qu'elles forment dans le voisinage immédiat de la haute mer font encore une partie du territoire, surtout lorsqu'ils sont protégés par quelque langue de terre ou par des îles, comme l'ancien et le nouveau Haff et celui de Courlande. On pourra en dire autant des lacs aux embouchures de fleuves qui sont dilatés par les irruptions de la mer du Nord dans les terres Frises, ainsi que le Zuydersée et la Jahde, qui couvrent d'anciennes terres fermes.

1 Comparez sur cette matière la dissertation très - intéressante de M. Karatheodory: Du droit internat. concernant les grands cours d'eaux. Leipz. 1861.

2 Jacobsen, Seerecht p. 583.

Le St. Laurent en Amérique est-il un détroit ou un fleuve? V. là-
Wheaton, Histoire II, 195.

dessus Phillimore I, 182. III, 4.

4 Une contestation sur les îlots à l'embouchure du Mississippi est rapportée par Wheaton, Elem. I, 2. 4. § 7.

Si le fleuve parcourt ou baigne plusieurs territoires, les États riverains 'se trouvent dans une communion naturelle à l'égard de la propriété et de l'usage des eaux, sauf la souveraineté de chaque État sur toute l'étendue du fleuve depuis l'endroit où il atteint le territoire jusqu'au point où il le quitte (§ 66). Aucun de ces États ne pourra donc porter atteinte aux droits des autres; chacun doit même contribuer à la conservation du cours d'eau dans les limites de sa souveraineté et le faire parvenir à son voisin. De l'autre part chacun d'eux, de même que le propriétaire unique d'un fleuve, pourrait „stricto jure" affecter les eaux à ses propres usages et à ceux de ses regnicoles, et en exclure les autres. Mais le concert européen n'est pas resté dans cette exclusion. Premièrement un fleuve qui serait une voie de communication indispensable pour la subsistance d'une autre nation ne pourrait lui être fermé (§ 32. III). Outre cela on reconnaît avec Grotius, Pufendorf et Vattel, au moins en principe, un droit beaucoup plus étendu, celui d'usage et de passage innocent, lequel ne peut être refusé absolument à aucune nation amie et à ses sujets dans l'intérêt du commerce universel.1

En effet les traités de Paris et de Vienne de 1814 et de 1815 y ont pourvu positivement en sanctionnant à ce sujet des règles communes à toutes les nations de l'Europe et qui se résument dans les propositions suivantes: 2

1o La navigation sur tous les fleuves qui, dans leur cours navigable, séparent ou traversent plusieurs États, est

1 V. Wheaton, Intern. Law. I, 2. 4. § 12. 18. 19 et son Histoire du droit des gens. II, p. 191 suiv. surtout les discussions intéressantes au sujet de la navigation du Mississippi et du St. Laurent.

2 Traité de Paris 1814, art. 5. Acte final du Congrès de Vienne art. 108-117 et 118. Décret de la Diète Germanique du 3 août 1820. V. l'historique des négociations dans Klüber, Actes du Congrès de Vienne. t. III. Le Baron Guillaume de Humboldt a présidé aux travaux du comité international, chargé de cette tâche par le congrès. V. aussi Wheaton, Histoire des progrès. p. 388 suiv. (II, 184). Cremer van den Bergh, Historia novarum legum de fluminum communium navigatione. Lugd. Bat. 1835.

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