Images de page
PDF
ePub

tant à cause de leur grande rareté, que des précautions employées aujourd'hui dans la rédaction des traités.

Traités réglementaires ou cartels.

§ 91. Les traités que l'on comprend pour la plupart sous la dénomination de Cartels (Carta, Cartula, Cartellus) sont ceux qui règlent la conduite politique de plusieurs États ou souverains, soit entre eux, soit envers d'autres, dans un intérêt commun ou individuel, d'une manière générale ou dans des cas déterminés.1

Nous y comptons les suivants :

I. Les traités qui stipulent seulement des rapports pacifiques et d'amitié, et qui comportent l'obligation expresse ou tacite d'une justice réciproque (dikéodosie), conformément aux principes internationaux.

Tels étaient, chez les peuples de l'ancien monde, les traités par lesquels on s'engageait simplement à s'abstenir envers ses amis de toute espèce d'offenses, et, en cas de lésion, à leur accorder une satisfaction.2 Aussi pourra-t-on comprendre dans cette catégorie les traités de reconnaissance qui ont pour objet l'admission de nouveaux corps politiques dans la famille des nations, ou celle de nouveaux titres, pour servir de base à leurs rapports futurs.

II. Les traités par lesquels on règle les conditions du commerce réciproque, ou par lesquels on s'accorde certaines faveurs ou certains droits communs.

A cette catégorie appartiennent, dans l'ancien monde, les concessions du droit de cité et de ,,connubium" entre des peuples

1 Dans les éditions antérieures de notre ouvrage nous avons rangé cette sorte de pactes publics avec Püttmann, De obligatione foederum, Lips. 1753, parmi les alliances dans l'acception la plus large de ce mot. Cependant il ne s'y agit pas toujours d'une véritable association, mais plutôt de promesses ou de concessions soit mutuelles soit unilatérales.

2 Comme chez les Grecs les σύμβολα περὶ τοῦ μὴ ἀδικεῖν. V. Hefter, Athen. Gerichtsverf. p. 89 suiv. et les notes; et sa Prolus. acad. de antiquo jure gent. p. 7 suiv. Des traités semblables forment le premier pas vers des rapports internationaux, et ne se rencontrent plus sous cette forme générale. V. aussi Vattel II, 12, § 171.

alliés, ainsi que les traités de commerce et de navigation tant de l'ancien monde que du monde moderne (§ 243). Ensuite les conventions qui, dans le but de faciliter le commerce international, établissent un système uniforme de monnaies, de mesures, de poids, de péages, ou qui règlent l'extradition des criminels et l'administration de la justice en cas de conflits etc.

Traités de société ou d'alliance.

§ 92. Les traités d'alliance constituent une sorte de société entre les pouvoirs contractants, quoiqu'on ne puisse y appliquer toutes les règles du contrat civil de société. On s'engage par là à contribuer d'après un plan arrêté à la réalisation d'un certain but politique par des moyens soit égaux soit inégaux. L'un des alliés pourrait même se charger seul de l'exécution, accorder à l'autre la totalité des bénéfices et l'affranchir de toute contribution aux pertes, pourvu que cela se fasse expressément; car autrement ce serait une société léonine contraire à la nature d'une véritable société,1 ou bien ce serait une autre espèce de convention, par exemple un mandat, s'il était à propos de donner un nom juridique à toute sorte de conventions politiques.

Le but de l'alliance pourra tantôt être pacifique, tantôt concerner la guerre, autant pour un temps déterminé qu'à perpétuité. Ordinairement il s'agira de mesures vis-à-vis de tierces puissances ou de dangers extérieurs, quelquefois aussi de mesures à l'intérieur des États alliés, ou simultanément des unes et des autres.

Ainsi les alliances peuvent avoir pour but

le maintien de la paix intérieure contre des factions;

le maintien de la paix vis-à-vis de tiers ou entre les parties contractantes;

le maintien de la neutralité;

1 Grotius II, 12. 24. Pufendorf V, 8. 3. Cependant la restriction que nous avons ajoutée,,à moins qu'il n'y ait stipulation contraire expresse," est incontestable à l'égard des personnes capables de contracter. Stryk, De diversis sociorum pactis. Hal. 1708. p. 26. de Neumann, loc. cit. § 731. V. aussi le Code général prussien. I, 17. § 245.

la protection de certaines frontières (traités de barrière); les moyens de défense pour repousser une attaque injuste (alliances défensives);

une guerre offensive pour faire valoir des droits légitimes (alliances offensives).

la suppression de la piraterie et de la traite des nègres.

Il y a eu aussi des alliances d'une portée très - ample et générale, tant à l'extérieur qu'à l'intérieur des États, comme le pacte de famille conclu en 1701 entre les maisons de Bourbon1 et surtout la nommée sainte Alliance de 1815.2

Les engagements contractés par les alliés ne s'appliquent qu'aux cas expressément stipulés (casus foederis), qui tantôt n'ont en vue que certaines éventualités ou certains événements, tantôt sont d'une durée permanente. A défaut de stipulations expresses chaque allié doit user de tous les moyens dont il peut disposer pour atteindre le but commun. Aussi les bénéfices et les pertes se partagent-ils à raison des ressources mises à la disposition de l'oeuvre commune, et, en cas de doute, par moitié entre les parties contractantes. Si toutefois l'alliance a pour but l'intérêt exclusif d'une seule partie, elle jouit seule des profits, de même qu'elle supporte en entier les pertes. Les profits obtenus accessoirement se partagent entre les alliés, en cas d'action commune, pro rata; en cas d'action isolée, ils appartiennent à une seule partie qui supporte aussi les pertes, sauf stipulation contraire.

4

Remarquons en dernier lieu deux espèces particulières d'alliance, qui ont pour objet le maintien d'un certain état de choses légal ou de la possession, savoir les traités de protec

1 Martens, Recueil I, p. 16 éd. 2.

2 Voyez l'Appendice I et supra p. 12. 13. Des stipulations semblables ne peuvent avoir d'autres conséquences légales que celle d'exclure toutes hostilités autant que possible, et en cas de dissentiment d'opinion, de faire admettre des observations amicales et des négociations, de ne consentir à aucune intervention illicite et de se prêter mutuellement assistance.

3 V. Vattel, à l'endroit cité § 88 et Wheaton, Intern. Law. III, 2, § 13 suiv. Nous y reviendrons dans le livre II, chap. 2, en traitant du droit de guerre.

Grotius II, 12. 24. Pufendorf V, 8. 2.

Püttmann, à l'endroit

cité § 21.

tion librement consentis, par lesquels un État se met sous la protection d'un autre, avec les effets expliqués au § 22 cidessus;

ensuite ceux de garantie, par lesquels une partie promet à l'autre la conservation ou l'acquisition de certains droits ou choses, ou bien d'une universalité de biens et de choses. Ils ont pour effet de mettre à la disposition de l'allié, sur sa réquisition, toutes les forces de la partie obligée, autant que l'exige la défense des droits garantis contre des prétentions et des attaques injustes. Néanmoins l'État garant ne répond pas du préjudice souffert par un allié malgré ses efforts, à moins qu'il n'ait promis également de le garantir en cas d'éviction.2

L'alliance la plus intime s'établit par un traité d'union fédérale, dont nous allons traiter au paragraphe suivant.

Suite. Traités d'union fédérale.

§ 93. Les traités d'union fédérale de plusieurs États offrent cette particularité qu'ils se proposent un but commun, qui doit être atteint par des institutions communes et permanentes. Leur efficacité pourra s'étendre aux affaires extérieures comme aux intérieures dans le domaine tout entier des intérêts moraux et internationaux. Leur légitimité repose sur la nature sociale de l'espèce humaine, sur l'obligation de l'État de favoriser le bien-être de ses membres par le développement et l'association la plus complète des forces physiques et morales.3 Aussi ces unions, pour être valables, n'ont-elles nullement besoin d'être reconnues par les États étrangers: l'union fédérale, qui n'est pour ainsi dire qu'une extension des États reconnus déjà dont elle se compose, existe par elle-même: de tierces puissances ne peuvent refuser de recevoir ses représentants communs, ses déclarations communes sans commettre d'offenses,

1 Neyron, Essai historique et politique sur les garanties. Göttingen 1777. Moser, Vers. V, p. 455, et surtout Günther II, p. 243 suiv.

2 Wheaton, Intern. Law. § 10. de Neumann § 259.

3 Suivant l'ancien proverbe :,,Ubi societas ibi et jus est." V. Cocceji

ad Proleg. Grotius § VIII.

et le droit international regarderait un refus de ce genre comme

non avenu.

A cette catégorie appartiennent les confédérations d'États proprement dites, plus ou moins étendues (§ 21), l'union douanière allemande et toute autre union fondée en vue de l'adoption d'un système commercial et industriel commun, soutenu par des mesures communes. La volonté expresse des souverains contractants forme la loi fondamentale de ces unions: à son défaut on a recours aux principes généraux du droit international, notamment au principe suprême de la justice, à savoir d'une juste égalité, ainsi qu'aux règles sociales qui en découlent. Ce sont surtout les suivantes :

Les droits et les obligations des membres fédéraux sont égaux. La part de chacun dans les profits et les charges de l'union se détermine à raison des ressources et des forces par lui apportées.

La majorité ne peut introduire aucun changement dans la constitution fédérale dès qu'un seul membre s'y oppose. Mais aucun ne peut empêcher non plus par son opposition l'exécution constitutionnelle des principes fédéraux, tant que l'union subsiste. Plusieurs membres de l'union peuvent aussi, sans violation de leurs devoirs, concerter entre eux et mettre à exécution des mesures qui ne sont pas contraires à la constitution fédérale et ne portent aucun préjudice aux autres membres. Tel est le sens de la maxime applicable également aux associations politiques: „, in re pari potiorem esse prohibentis causam."1

Dans les cas mêmes où l'on applique le principe de la majorité des voix, les résolutions par elle décrétées ne peuvent obliger les membres qu'autant qu'elles sont comprises dans les devoirs fédéraux. A plus forte raison elle ne peut, sans le consentement libre des co-intéressés, prendre des résolutions

1 L. 28. D. communi divid. V. Ludolph. Hugo, De statu regionum German. (Fritsch, Exercit. juris. t. III, p. 1 suiv.) chap. 6 § 17. Il dit toutefois, avec l'opinion commune, ce qui suit: Quando aliquid commune est ut universis, id ratum est, quod major pars statuerit; quando vero commune est ut singulis tunc potior est causa prohibentis. Gail, De pignor. chap. 20; Anton Faber in Cod. III, 26, defin. I, n. 7.

« PrécédentContinuer »