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ressentir à la partie adverse le caractère égoïste et exclusif de ses procédés.1

La rétorsion peut avoir lieu non- seulement dans les cas où un gouvernement a déjà fait l'application d'un principe préjudiciable à un autre dans certaines espèces, mais aussi dès le moment où il l'a sanctionné. Néanmoins une simple divergence de dispositions dans les lois de deux pays, lorsqu'elles ont seulement l'effet casuel d'exclure les sujets étrangers de certains avantages dont ils jouiraient dans leur propre pays, ne suffira jamais pour justifier des mesures de rétorsion, pourvu que ces dispositions ne soient pas dirigées d'une manière expresse contre les sujets étrangers. Ainsi il est évident que les dispositions d'un code qui établissent des modes ou des ordres de successions particuliers, différents de ceux sanctionnés dans d'autres codes, ne suffiront pas pour motiver des mesures semblables.

D'ailleurs la rétorsion est une mesure essentiellement politique, dont les magistrats et les particuliers ne peuvent faire usage qu'en vertu d'une autorisation de leur gouvernement, rendue dans les formes légales, qui détermine en même temps le mode et les conditions de la rétorsion, ainsi que les personnes qui sont appelées à en profiter.2 Les règles particulières à cette matière sont du domaine du droit public interne.

Si les circonstances ne permettent pas d'appliquer à un gouvernement étranger des mesures identiques sur les mêmes objets, la rétorsion s'effectuera par voie d'analogie et selon les circonstances données. Ainsi, par exemple, si le commerce d'un certain pays venait à être frappé dans un autre de droits exorbitants ou qu'il y éprouvât des difficultés sérieuses, le gouvernement lésé y répondrait en imposant les produits similiaires de droits analogues.

1 J. Gothofr. Bauer, Opusc. t. I, p. 157 seq.

2 Struben, Rechtl. Bedenken V, 47. Spangenb. II, p. 321.

Chapitre II.

LE DROIT DE GUERRE.1

Définition de la guerre.

§ 113. La guerre se manifeste extérieurement comme un état d'hostilités existant entre plusieurs puissances, pendant lequel elles se croient autorisées à faire réciproquement usage entre elles de violences de toute espèce. C'est la définition matérielle de la guerre. Mais considérée au point de vue légal, la guerre ne sera un droit qu'autant qu'elle présente un état régulier de violences et de destruction, lequel se propose un but légitime, et continue à l'être jusqu'au moment où ce but sera atteint. La guerre, en d'autres termes, est l'emploi extrême de violences légitimes. Tantôt d'un caractère purement défensif, elle cherchera à repousser une agression injuste, et à cet effet elle préviendra même des menaces suspendues au-dessus d'elle.2 Tantôt réellement offensive, elle exigera le redressement des offenses ou des injures éprouvées par une juste et pleine satisfaction. C'est ce qui constituera la justice de sa cause. grand Frédéric déjà écrivit en ce sens dans son Anti-Macchiavel (chapitre 26) ces paroles remarquables: „Toutes les guerres qui n'auront pour but que de repousser des usurpateurs, de maintenir des droits légitimes, de garantir la liberté de l'univers et d'éviter les violences et les oppressions des ambitieux, sont conformes à la justice."

Le

Quoiqu'il en soit il deviendra souvent très-difficile de se rendre compte de la justice d'une guerre. Les auteurs sont

1 Les monographies relatives à cette matière, notamment celles publiées par Alberic Gentile, J. Gottl. Fréd. Koch et Joach. E. de Beust, sont indiquées par d'Ompteda § 290. 291. de Kamptz § 271. 272. de Clausewitz, dans son ouvrage intitulé: Vom Kriege. Berlin 1832. t. I. p. 105, retrace une histoire générale de la guerre. Comparez aussi l'Histoire du droit de guerre et de paix de 1789-1815 par Marc Dufraisse. Paris 1867.

2 V. ci-dessus § 30 et Guil. Schooten, De jure hostem imminentem praeveniendi. Specim. jurid. Lugd. Bat.

d'accord là-dessus. Ceux-là même en conviennent qui ont cherché minutieusement de faire une analyse des différentes causes d'une juste guerre, et ont inventé une espèce de responsabilité juridique à l'égard de celui qui prend les armes sans sujet légitime. Il n'existe en effet sur terre aucun juge qui puisse, d'une manière infaillible, prononcer sur la justice d'une guerre. Ajoutons que celle-ci est dirigée par le hasard, sans qu'il soit possible de prévoir d'avance ses nombreuses péripéties. En faisant succéder à l'ordre le chaos, elle fait sortir pourtant de ce dernier un ordre de choses nouveau, quelle qu'ait été la cause de la guerre. Seulement les résultats moraux d'une guerre injuste ne seront pas ceux d'une guerre légitime. Jamais aussi des intérêts purement politiques, des intentions moralement bonnes mêmes, dès qu'elles ne sont motivées par aucune lésion imminente ou déjà accomplie, ne suffiront pour purifier une guerre de son caractère illégitime. Mais nous regardons comme oiseuses toutes les discussions abstraites sur la légitimité dés guerres de religion, de vengeance, d'équilibre politique. Cette question puise ses éléments de solution. dans les circonstances particulières à chaque espèce et dans les principes internationaux que nous avons retracés dans le livre précédent.

Parties belligérantes.

(Jus belli activum et passivum).

§ 114. Un état de guerre ne peut exister valablement qu'entre parties qui ne sont pas empêchées d'avoir recours dans leurs contestations à des violences arbitraires et qui n'en sont responsables à personne. Ces parties sont d'abord les corps qui jouissent d'une indépendance absolue et ne relèvent d'aucune

1 Parmi ces auteurs figurent Grotius et Vattel III, § 183 suiv. 190. Déjà Cocceji, dans son commentaire sur Grotius III, 10, 3 suiv. a montré jusqu'à quel point la distinction entre le droit naturel et le droit positif est insuffisante sur ce point. Le grand nombre d'écrits concernant cette matière sont indiqués par d'Ompteda § 294. 298. 299. de Kamptz § 274,

280. 281.

puissance supérieure, comme les États souverains;1 puis les individus vivant isolément en dehors des conditions sociales, tels que les flibustiers, les pirates et autres. En ce sens il peut y avoir même une guerre entre les diverses fractions du même corps politique, quoiqu'elle ne constitue pas un état de guerre régulier, produisant les effets d'une guerre politique entre plusieurs États, ainsi que cela est déjà remarqué par le jurisconsulte romain Ulpien, qui s'exprime ainsi :,,In civilibus dissensionibus, quamvis saepe per eas respublica laedatur, non tamen in exitium reipublicae contenditur: qui in alterutras partes discedent, vice hostium non sunt eorum, inter quos jura captivitatum aut postliminiorum fuerint." Mais la guerre civile revêtira le caractère d'une guerre internationale, dès que la partie révolutionnaire se sera complétement émancipée du corps d'État, auquel elle appartenait jusque-là, et qu'elle aura gagné une existence territoriale à part. 3

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Des guerres privées et des guerres entreprises par des particuliers pour leur propre compte, peu importe qu'ils soient sujets de la même ou de différentes puissances, ont disparu dans l'état moderne de l'Europe. Des sociétés formées de la réunion d'un certain nombre de particuliers, telles que les compagnies commerciales, ne sont pas non plus en droit de faire la guerre sans une autorisation de leurs souverains. Il faut naturellement excepter le cas où, protégées par leurs murailles de pierre ou de bois, elles ont cessé, comme autrefois la Ligue hanséatique, d'obéir à aucune puissance souveraine. 5

1 de Kamptz § 273.

2 Loi 21. § 1. D. de captivis.

3 Halleck, XIV, 25.

4 V. sur les moeurs féodales du moyen âge Ward, Enquiry I, p. 344. II, p. 209 suiv. La guerre de trente ans encore fournit quelques curieux exemples à ce sujet : nous nous contentons de citer les ducs de Mansfeld et Bernard de Saxe. Ward II, p. 312. L'expédition de Schill, désapprouvée par le roi de Prusse, ne tombe pas sous le même point de vue.

5 Sur le caractère éminemment politique de cette Ligue on peut lire Ward II, p. 276 suiv. Pütter, Beitr. zur Völkerrechtsgesch. p. 141. La question de savoir si des compagnies de commerce ont le droit de déclarer la guerre, a été examinée spécialement par Ch. Fr. Pauli, De jure belli societatum mercatoriar. Hal. 1751.

Du reste nous distinguons parmi les parties belligérantes les parties principales des auxiliaires qui ne prennent part à la lutte principale que d'une manière secondaire.

Puissances auxiliaires.1

§ 115. Par parties auxiliaires on entend en général celles qui portent des secours à l'une des parties belligérantes. Les secours, tantôt d'une nature générale et non limitée, comprennent toutes les forces ou les ressources dont dispose la puissance auxiliaire; tantôt, d'une portée spéciale et restreinte, ils consistent en prestations ou fournitures déterminées d'avance par rapport au nombre et à l'étendue, notamment dans l'envoi de troupes, de subsides, dans l'autorisation d'occuper une place d'armes ou un port ou de jouir de quelque autre avantage qui a pour but de rendre plus solide le système d'attaque ou de défense de l'une des parties belligérantes vis-à-vis de l'autre, et qu'on doit continuer à fournir jusqu'au moment où le but commun de la guerre sera obtenu. C'est là le point décisif, qui distingue l'entrée dans l'état de guerre ouverte de la stricte neutralité (§ 144).

Il arrive rarement que le secours fourni soit l'effet d'une intervention spontanée: le plus souvent il a été convenu et stipulé d'avance. C'est alors que le cas d'alliance (casus foederis) sera énoncé dans un traité de garantie qui a pour objet une guerre soit offensive soit défensive, et qui ne repose pas nécessairement sur la réciprocité. Si le traité de garantie est d'une portée générale, le ,,casus foederis" se déploie dès que le territoire allié est envahi ou menacé d'invasion. Les principes relatifs aux conventions publiques s'appliquent à ces sortes de traités: mais leur application rencontre très- souvent des difficultés et fait naître des conflits sérieux. Souvent des circon

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1 d'Ompteda § 318. de Kamptz § 287. La théorie de cette matière est expliquée par J. J. Moser, Versuche X, 1. Vattel III, § 78 suiv. Martens, Völkerr. § 292 suiv. Klüber § 268 suiv. III, 2. 11. Halleck XVII, 4 suiv.

2 Vattel III, § 91.

Schmalz p. 269. Wheaton

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