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valide tout entière à prendre les armes. Dans ce sens le code général de Prusse (Introduct. § 81) déclare que le chef seul de l'État prend les mesures nécessaires pour la défense du territoire contre des ennemis étrangers. Si, aux termes de représailles générales, le souverain, lors de la déclaration de guerre, ordonnait à tous les sujets de courir sus aux ennemis": cette formule toutefois, suivant l'explication fournie déjà par Vattel,1 ne signifiait autre chose qu'une autorisation accordée aux sujets d'arrêter les personnes et les choses appartenant à l'ennemi. Elle a cessé depuis d'être en usage (§ 110). Néanmoins elle pourra encore être remplacée par la levée en masse des sujets ordonnée par le gouvernement.

Les sujets non appelés aux armes des puissances belligérantes ont naturellement le droit de s'opposer directement aux troupes ennemies, dès qu'elles s'écartent de l'observation des lois de la guerre. Tous les autres actes d'hostilité commis par eux sur les personnes ou sur les biens privés de l'ennemi ne constituent pas seulement une infraction aux lois de la guerre, mais en même temps aux lois pénales protectrices des personnes et de la propriété, et que par suite elles sont justiciables soit des tribunaux ordinaires du pays, soit des cours martiales de l'ennemi.2

1 Loc. cit. § 227. obs. 206.

Voyez aussi Fr. E. a Pufendorf, Jur. univ. IV,

2 Abegg, célèbre criminaliste, observe là-dessus dans son ouvrage intitulé: Untersuchungen aus dem Gebiet des Strafrechts, p. 86: La raison apparente pour résoudre la question dans un sens contraire, serait que l'État dont le territoire, par suite des vicissitudes de la guerre, a été occupé par des troupes ennemies, n'a le devoir ni l'intérêt de les protéger contre des attaques du dehors, après qu'un état de violence a succédé à la situation légale. A l'exception de ces guerres à outrance (bella internecina) dont nous ne verrons sans doute plus le retour, la guerre ne met pas un terme à l'état des choses légal, au point d'affranchir les citoyens de l'observation des lois envers certaines personnes. Il faut surtout renoncer à l'opinion qui ne fait consister la valeur des lois criminelles que dans l'efficacité de leur protection. Une question différente sera celle de savoir, jusqu'à quel point la légitime défense ou d'autres motifs de guerre sont de nature à modifier le caractère du droit criminel, au point d'assurer l'impunité ou une atténuation de la peine, ou même la grâce du coupable. V. aussi Frisius Rinia van Nauta, De delictis adv. peregrinos, maxime adv. milites hostiles. Groning. 1825. Heffter, Lehrbuch des Criminal - Rechtes. § 37.

Corps francs; Guerillas; Francs-tireurs; Corsaires..

§ 124. Tant à côté que séparément des troupes régulièrement organisées, disciplinées et commandées, il y a souvent des individus armés qui, de leur chef et tantôt réunis en bandes ou corps, tantôt isolément, font la petite guerre contre l'ennemi. Ce sont là surtout les nommés guerillas, les francstireurs dans les guerres sur terre.1 Ils ne seront soumis aux lois communes de guerre et assimilés aux troupes régulières que dans les cas suivants:

1° lorsqu'ils prennent part aux hostilités en vertu d'ordres formels du chef de leur parti, ordres dont ils sont en état de justifier;

2° lors d'une levée en masse ou d'une guerre à outrance, ordonnée ou approuvée par le gouvernement;

bien entendu que ceux qui y participent, agissent conformément aux dispositions réglementaires prescrites à l'insurrection. S'il n'y en a pas et que l'insurrection, la levée en ou la guerre à outrance soit seulement proclamée en termes généraux, il faudra du moins que les individus, en s'opposant à l'ennemi, soient reconnaissables pour celui-ci par leur nombre ou par certains insignes ou par des commandants militaires.

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Dans tous les autres cas l'ennemi ne sera nullement obligé de respecter ces particuliers comme soldats en règle. On les a nommés pour cela brigands, briganti, quoique cette qualification ne soit pas moralement applicable à toutes les catégories de ces combattants.

De pareilles distinctions doivent être faites relativement à la guerre maritime.

1 V. l'excellent exposé de M. Lieber, On Guerilla Parties. New-York 1863. Comparez Halleck XII, 8 ss. et pour les temps passés J. J. Moser, Nachtrag zu den Grundsätzen des V. R. 1750. et le même dans ses Versuche d. E. V. R. IX, 2, 49.

2 V. pour la guerre de 1870 à 1871 M. Rolin - Jacquemyns dans la Revue internationale II, 660.

Il y a d'abord des armateurs (privateers en anglais),1 qui équipent des navires pour aller en course contre un belligérant en vertu des commissions ou lettres de marque qui leur ont été délivrées par leur propre gouvernement ou par un gouvernement étranger en guerre. Ils obéissent aux ordres de l'amirauté et font partie de la marine militaire.

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Les lettres de marque sont un legs du moyen âge et de son système de représailles. Les nations s'accordent sans doute depuis longtemps sur le caractère barbare de cet usage, et de plus en plus on y a renoncé. Nous aimons à rappeler à ce sujet la disposition d'un traité de commerce conclu en 1785 entre la Prusse et les États-Unis (art. 23), qui déclare la course abolie entre ces puissances, disposition qui à la vérité n'a pas été reproduite dans les traités de 1799 et de 1828.3 La Russie donna un autre exemple de s'abstenir de lettres de marque, dans la guerre qu'elle soutint de 1767 à 1774 contre la Turquie, guerre connue par la victoire navale remportée par Orloff sur la flotte turque à Tschesmé. Enfin la déclaration du 16 avril 1856 a proclamé la course abolie pour toujours (voir l'appendice). Pour qu'elle soit regardée comme la loi générale du concert Européen il n'y manque que l'adhésion de l'Espagne, des États-Unis de l'Amérique septentrionale et du Mexique. A l'égard de ces États les anciennes règles de mer serviront encore de loi, savoir: Les puissances belligérantes seules ont le droit de délivrer ces commissions: il est défendu à un gouver

1 V. l'ouvrage classique de Martens: Versuch über Kaper. Göttingen 1795. trad. en français ibid. Hautefeuille, Droits des neutres. I, 327. Halleck XVI, 11.

2 de Kaltenborn dans Pölitz-Bülau, Jahrbücher für Geschichte und Politik. 1849. t. II.

3 Nau, Völkerseerecht. 1802. § 279 cite encore le traité entre l'Angleterre et la Russie, mais il contient seulement quelques modifications dans le régime des lettres de marque. Des clauses analogues se retrouvent dans une foule d'autres traités, sans avoir jamais été exactement exécutées. Hautefeuille p. 338.

4 Franklin (Works t. II, p. 448) a condamné la course. V. Wheaton, Histoire p. 223 (éd. 2. II, 371). Hautefeuille I, p. 339. Wurm (Zeitschrift für Staatswissensch. t. VII, p. 344 suiv.) cite plusieurs autres exemples de guerres qui n'ont pas vu de lettres de marque.

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nement allié d'en faire usage, aussi longtemps qu'il veut faire respecter sa neutralité. La commission toutefois peut être accordée aussi à des étrangers et à des sujets neutres, pourvu que les traités ne s'y opposent pas. De même elle peut être donnée à des navires marchands qui par là obtiennent la faculté de capturer des navires ennemis. Le gouvernement qui délivre des lettres de marque, en détermine en même temps les clauses et les conditions.3 Les corsaires qui sont en mesure de justifier de leur mandat d'une manière régulière et qui se sont conformés à leurs instructions, jouissent seuls de la protection des lois internationales. Ceux qui ont accepté des commissions des deux parties ennemies, sont traités en pirates,4

Pratiques licites de la guerre."

§ 125. Comme pratiques licites ou conformes au but de la guerre on regarde non-seulement la force ouverte, mais aussi des ruses. L'honneur et l'humanité toutefois imposent à ce sujet aux nations des limites que la raison de guerre seule permet de franchir exceptionnellement.

Est réputée comme pratique absolument illégale et contraire à l'esprit de l'humanité l'empoisonnement des sources et des eaux du territoire ennemi, proscrit également par les lois musulmanes. L'emploi d'armes empoisonnées fut déjà défendu au moyen âge par l'Église: jusqu'au xvr° siècle on rencontre cependant des exemples de cet usage barbare. Nous compre

1 Hautefeuille I, p. 350. 351. t. IV, p. 252 en cite plusieurs exemples. Ibid. t. I, p. 345. Halleck XVI, 16.

2 Martens § 12. Hautefeuille I, 345 et sous réserves Halleck XVI, 10. 3 Pour la France v. le règlement des prises du 11/ 11/28 mai 1803. Martens, Recueil. t. VIII, p. 9. Ortolan, Règles internat. II, p. 354. Surtout de Pistoye et Duverdy, Tr. des prises. I, p. 157. Riquelme I, p. 266. 267.

4 Martens (§ 14) et Valin contestent en outre qu'on puisse prendre des commissions de plusieurs gouvernements alliés: les neutres auraient de quoi se plaindre. Comparez Hautefeuille I, p. 351 et Halleck XVI, 15.

5 Nous félicitons les États-Unis du Nord de l'Amérique de posséder l'excellent,, Code of Instructions for the Government of Armies in the field“ cité déjà au § 119.

Chap. 1. X. de sagittar. Ward t. I, p. 252. 253.

nons dans la même catégorie en général toutes les armes qui occasionnent des douleurs inutiles ou des blessures difficiles à guérir, telles que des boulets à pièces, ceux mêlés de verre et de chaux, doubles ou taillés, et sans doute aussi les fusées à la congrève lorsqu'elles sont tirées contre des hommes; l'emploi de chiens braques et de troupiers sauvages qui ne connaissent pas les lois de l'honneur militaire et de l'humanité en guerre.1 Enfin le carnage causé parmi des personnes qui n'opposent aucune résistance et qui en sont incapables, est l'objet d'une réprobation universelle. Une guerre à outrance même qui a été déclarée contre un gouvernement, ne lui permet pas d'avoir recours à des procédés semblables.

Les règles de la guerre proscrivent également, lorsqu'il ne s'agit pas d'actes de représailles ou de précaution tendant à prévenir des désastres irréparables, les ravages du territoire ennemi et les destructions des récoltes et des habitations. Quelquefois les belligérants y seront forcés momentanément dans le but de faciliter certaines opérations de guerre. Mais en général on devra désapprouver des mesures pareilles, comme p. e. la dévastation du Palatinat par Louis XIV et l'usage anglais, suivi encore pendant la guerre d'indépendance de l'Amérique septentrionale et dans les Indes orientales, où l'on regardait comme licites les dévastations du territoire ennemi, dès qu'elles avaient pour but de faire obtenir des contributions des habitants, de contraindre les troupes ennemies à quitter des positions occupées par elles pour couvrir le pays, enfin de nuire à l'ennemi et de le ramener à la raison, en cas de révolte et de rébellion.2

Les lois de l'humanité proscrivent encore l'usage des moyens de destruction qui, d'un seul coup et par une voie mécanique, abattent des masses entières de troupes, qui, en réduisant l'homme au rôle d'un être inerte, augmentent inutilement l'effusion du sang. Citons l'emploi de boulets ramés dans une bataille sur terre, de boulets rouges ou de couronnes foudroyantes dans une bataille navale, projectiles qui souvent

1 R. de Mohl, Staats- und Völkerrecht I, 765.

2 de Martens, Völkerr. § 274 (280).

Heffter, droit international. 3e éd.

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