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dans plusieurs traités jusqu'au dix-huitième siècle.1 La pratique l'a reconnu comme règle fondamentale pendant fort longtemps.2 Enfin il a été professé par plusieurs des principaux

accord avec l'amiral, celui-ci a le droit d'amariner le navire et de l'envoyer au lieu où lui-même aura armé, et les marchands sont obligés de payer le fret de ce navire de même que s'il avait porté leur cargaison au lieu pour lequel elle était destinée, et rien de plus.

Si, par événement, les marchands éprouvent quelque lésion en raison de la violence que l'amiral leur aura faite, celui-ci ne doit leur répondre de rien, puisqu'ils n'ont pas voulu faire d'accord avec lui pour le rachat de ce navire qui était de bonne prise, encore par une autre raison, parce que souvent le navire vaut plus que les marchandises qu'il porte.

Mais cependant, si les marchands ont annoncé le désir de faire un accord, comme il est déjà dit ci-dessus, et que l'amiral s'y soit refusé par orgueil ou par esprit de jactance, et, comme il a été dit, emmène avec les marchands la cargaison sur laquelle il n'avait aucun droit, ceux-ci ne sont pas obligés de payer le fret, en tout ni en partie, à cet amiral: au contraire, il est obligé de leur rendre et restituer tout le dommage qu'ils éprouveront ou qu'ils auront possibilité d'éprouver par l'effet de cette violence.

Mais lorsque le navire armé se trouve avec le navire capturé en un lieu où les marchands ne pourraient pas réaliser l'accord qu'ils ont fait, si ces marchands sont des hommes connus, et tels qu'il n'y ait point à craindre l'inexécution de l'accord fait avec eux, l'amiral ne doit point leur faire violence; et s'il leur fait violence, il est obligé de payer le dommage qu'ils souffriront; mais si, par événement, les marchands ne sont pas des gens connus ou ne peuvent pas payer le rachat, l'amiral peut agir comme il a été dit."

1 Notamment dans un traité entre les villes de Pise et d'Arles (1221), dans un traité entre Édouard III d'Angleterre et les villes maritimes de Biscaye et des Castilles (1351), dans un autre entre le même souverain et les villes de Lisbonne et d'Oporto (Pardessus, à l'endroit cité, et de Steck, Handelsvertr. p. 211); ensuite dans les traités entre l'Angleterre avec les pays suivants: la Bourgogne. (1406), Gênes (1460), la Bretagne (1486), le duché d'Autriche (1495), le Danemark (29 novembre 1669 art. 20). V. Nau, Völkerseerecht § 175.

2 Dans une lettre de Louis XI au roi de Sicile, qui se trouve dans Leibnitz, Codex juris gentium prodrom. no. XVIII. il est question d'un ,, usus in hoc occidentali mari indelebiliter observatus, res hostium et bona, etiamsi infra amicorum aut confoederatorum triremes seu naves positae sint, nisi obstiterit securitas specialiter super hoc concessa, impune et licite jure bellorum capi posse." Grotius, J. B. ac P. III, 1. 5. 4. note e, a mentionné cependant une décision néerlandaise de 1438 eu faveur de la liberté de marchandises neutres à bord de navires ennemis.

publicistes du xvII° siècle.1 En Angleterre et dans plusieurs autres pays il a continué à être regardé comme la seule règle véritable du droit international, à laquelle les traités seuls permettent de déroger. La jurisprudence américaine a même déclaré libre la cargaison neutre d'un bâtiment de guerre ennemi, pourvu qu'elle ne contienne pas d'objets de contrebande et que les propriétaires, lors de la capture du bâtiment, n'aient opposé aucune résistance.2

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Néanmoins ce système, en apparence si simple, n'avait pas prévalu partout. En France notamment nous rencontrons une maxime différente, proposée par de Mornac d'après l'analogie du droit romain:,,Robe d'ennemi confisque celle d'ami“; et comme corollaire cette autre: Le navire neutre qui porte des marchandises ennemies, est confisqué." Il paraît que les parlements ont refusé pendant longtemps d'appliquer ce dernier principe. Cependant il se retrouve encore dans l'ordonnance de la marine de 1681, et ce fut en 1744 seulement qu'il fut effacé définitivement des lois françaises.3

Le pavillon couvre la marchandise.

§ 164. L'application des anciennes règles que nous venons de décrire, dans les guerres des grandes puissances maritimes, ainsi que l'introduction de l'usage de délivrer des lettres de marque, donnaient lieu à des plaintes incessantes de la part des peuples pacifiques. Les belligérants, sur de simples soupçons, saisissaient les navires neutres et les conduisaient dans leurs ports respectifs, pour les soumettre au jugement des

1 V. surtout les auteurs cités par Wheaton, Intern. Law IV, 3, § 16 (19) et Histoire des progr. p. 56: Alb. Gentilis, Hisp. advoc. I, 27. Grotius III, 6, 6 et 26. I, 5, note 6. Zouch, Jus fecial. II, 8, 5 et 6. Bynkershoek, Quaest. I, 13 et 14. Heineccius, De navium ob vectur. merc. comm. II, 8 et 9. Robinson, Collectan. marit. p. 25. 26. 149. 171. 176. Loccenius, De jure marit. II, 4. 12. Vattel III, 115.

2 Wheaton, Intern. Law IV, 3, p. 176 suiv. t. II. (édit. franç. p. 112) et p. 257, § 28 (édit. franç. p. 191, § 31).

3 Wheaton, Histoire p. 61 et 142 (2o édit. p. 150. 253). Oke Manning p. 203-280. Ortolan II, p. 74.

tribunaux chargés de statuer sur la validité des prises. Les visites faites à cette occasion servaient souvent de prétextes pour entraver le commerce neutre. Les peuples pacifiques durent songer dès lors à se garantir contre ces abus par des conventions spéciales, portant en substance que les parties contractantes renonçaient à la visite et à la saisie des navires respectifs dans le cas où l'une d'elles se trouverait engagée dans une guerre maritime, tandis que l'autre resterait neutre, pourvu qu'il ne s'agît pas d'objets de contrebande. Le pavillon neutre dès lors devait couvrir les propriétés ennemies, en même temps que des propriétés neutres pouvaient être saisies à bord des navires ennemis.1 Cependant la concession de l'un de ces principes n'impliquait point de plein droit la concession de l'autre.2

C'est la France surtout qui, dans ses déclarations officielles comme dans ses décrets les plus célèbres, a formulé le principe:,,Navire libre, marchandises libres," c'est-à-dire, le navire libre rend libres les marchandises qu'il porte, quel que soit leur propriétaire. Nous le rencontrons déjà dans les capitulations conclues en 1604 par la France avec la Sublime Porte. Rarement on la voit d'une manière moins généreuse s'écarter de ce principe à l'égard de quelques États faibles, par exemple, des villes hanséatiques. Les Provinces - Unies des Pays-Bas ont cherché également à introduire dans leurs

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1 Wheaton, Histoire p. 69. 144 (162. 254). Moshamm, Ueber die neuesten Ansichten, nach welchen die auf neutralen Schiffen geladenen Güter behandelt werden. Landshut 1808. Ferd. Conte Lucchesi - Palli, Principi di diritto publ. maritimo. Napol. 1841, et Furneaux, Abridged history on the principal treatises of peace with reference to the question of the neutral flag protecting the property of the Enemy. London 1837. 2 Jouffroy p. 197. Wheaton, Intern. Law IV, 3, 20 (22).

3 Flassan, Diplomatie française I, p. 225 suiv. Les traités conclus avec les autres puissances sont indiqués par Büsch, Bestreben der Völker etc. Hamburg 1800. p. 56 suiv. Le traité le plus récent est celui conclu avec le Texas du 25 septembre 1839 art. 4. Nouveau Recueil t. XVI. p. 989.

Dans les traités de navigation du XVIIIe siècle entre la France et les villes hanséatiques, et notamment celle de Hambourg, on retrouve la maxime du Consolato del Mar. V. Nau, Völkerseerecht § 177.

traités de commerce le système dont nous venons de parler. L'Angleterre au contraire n'a consenti qu'en de rares occasions à souscrire à un système qui consacrait la liberté de la navigation neutre. Dans le traité d'Utrecht (1713), et implicitement dans celui d'Aix-la-Chapelle, elle accorda aux peuples neutres la liberté, ou pour nous servir d'une locution des publicistes anglais, le privilége de libre navigation comme exception de la règle. Les puissances maritimes de l'Europe faisaient également de nombreux efforts auprès des États barbaresques en faveur de ce principe.1 Ensuite les peuples du Nord se réunirent pour résister à l'ambition démesurée de l'Angleterre, pour protéger le commerce maritime de leurs sujets, et empêcher l'anéantissement de leur marine marchande. Les traités auxquels la déclaration du 28 février 1780 servait de base, proclamèrent d'une manière uniforme le principe fondamental: que les effets appartenant aux sujets des puissances en guerre, étaient libres sur les vaisseaux neutres, à l'exception des marchandises de contrebande; principe qui devait s'appliquer désormais à toutes les nations qui n'en avaient pas adopté de différents. Ces dispositions furent renouvelées dans les traités constitutifs de la seconde neutralité armée (16 et 18 décembre 1800). Mais cette nouvelle ligue des États du Nord ne fut pas de longue durée. L'Angleterre leur imposa bien des restrictions par le traité connu sous le nom de convention maritime de 1801.2

Dès lors la liberté du commerce et de la navigation neutre fut suspendue entièrement durant la guerre de l'Angleterre avec la France en suite du système continental. Ce n'est qu'après la pacification universelle en 1814 et 1815 qu'on retourna à des maximes plus sages et modérées, soit dans les traités soit dans la pratique. Dans les dernières guerres les puissances maritimes en ont donné des preuves réitérées. Enfin la déclaration adoptée pendant les conférences de Paris, le 16 avril 1856, a énoncé en principe

1 Büsch, loc. cit. p. 242 suiv. Nau, Völkerseerecht § 130.

2 de Martens, Nouv. Causes célèbres II, p. 167. Wheaton, Histoire p. 316 (II, 86).

que le pavillon neutre couvre la marchandise ennemie, l'exception de la contrebande de guerre; et

que la marchandise neutre, à l'exception de la contrebande de guerre, n'est pas saisissable sous pavillon ennemi. Ni l'Espagne ni les États-Unis de l'Amérique septentrionale ni le Mexique n'ont, il est vrai, jusqu'ici adhéré formellement à cette déclaration. Mais du moins la jurisprudence Espagnole n'est pas tout-à-fait étrangère aux principes de la déclaration,1 et quant aux États-Unis leur gouvernement a non-seulement fait application des dits principes dans plusieurs traités, mais il les a aussi reconnus expressément, pourvu qu'on fasse encore des concessions plus larges à la liberté du commerce maritime en temps de guerre. (Voir l'Appendice.)

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Dans cet état des choses nous osons constater qu'au moins entre les signataires principaux et adhérents de la déclaration de Paris la règle du Consolato del Mar à l'égard de marchandises ennemies sur vaisseaux neutres ne peut plus être invoquée comme existant en vigueur. La guerre de Danemark contre l'Autriche et la Prusse a déjà fourni la preuve que les puissances signataires se croient liées par ladite déclaration qui à la vérité n'a fait qu'exprimer la volonté générale, le „,consensus omnium", dont il serait difficile et non pas sans blâme de s'écarter.3

Pour les marchandises neutres trouvées à bord de navires ennemis personne ne contestera qu'elles resteront au propriétaire neutre, sauf les cas de contrebande et de stipulation contraire dans les traités, qui pourtant ne sont pas appliqués dans toute leur rigueur lorsque les marchandises sont chargées à bord du navire ennemi avant le commencement de la guerre.

Du reste la question relative à la liberté du commerce neutre se rattache naturellement à celle qui a pour objet le droit de visite des belligérants (§ 167). Qu'il suffise de faire

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2 Wheaton, Histoire 461. 462 (II, 55). Ajoutez le traité avec la Russie du 22 juillet 1854. (Martens, N. Rec. général. XVI, 1, p. 571.)

3 Mr. Phillimore (III, Préface p. X) est très - réservé sur ce point. Mais le gouvernement anglais est resté fidèle à la déclaration. Comparez the ordre in Council du 7 mars 1860 relatif à la guerre avec la Chine.

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