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saurait y voir une insulte. Un manque de politesse autorise certainement la rétorsion, mais il ne donne aucunement lieu à une demande en réparation, qu'il faudra au contraire admettre en cas de violation d'une des règles strictes du cérémonial.

Nous allons examiner à présent d'abord les règles traditionnelles du cérémonial en dehors du commerce diplomatique, qui fera l'objet des chapitres suivants.

Droit de préséance.

§ 195. Toutes les fois que les représentants des diverses puissances se rencontrent personnellement, il devient nécessaire de déterminer les places qu'ils doivent occuper respectivement. C'est ce qu'on entend par le droit de préséance. C'est la personne, il est vrai, qui devrait donner de l'importance à la place par elle occupée, et non pas la recevoir de celle-ci; cependant, comme les usages ont établi entre les divers États certaines distinctions de rang, en même temps qu'ils ont donné aux places une certaine importance, la puissance d'un rang plus élevé peut incontestablement réclamer à son profit la préséance sur celles d'un rang inférieur. Les souverains au contraire ou leurs représentants qui jouissent d'un rang égal, sont en droit d'exiger que les places soient distribuées entre eux de manière à ce qu'il n'en résulte aucune reconnaissance d'infériorité des uns vis-à-vis des autres.

La place d'honneur ou la première, qui est due à la personne du rang le plus élevé, varie naturellement selon qu'il s'agit d'être assis ou d'être debout, dans l'ordre linéal (c'està-dire, lorsque plusieurs personnes marchent à la suite l'une de l'autre) comme dans l'ordre latéral (in latere, lorsque plusieurs personnes se trouvent placées l'une à côté de l'autre). 1

Pour les actes publics, l'usage a établi également un certain ordre dans les places d'honneur. Dans le préambule et dans le corps de l'acte, la plus haute personnalité nommée sera

1 V. Lünig ou Moser, Hofrecht; et en résumé Klüber, Droits des gens § 101-103; de Martens, Manuel diplomatique § 39 et son Guide diplomatique.

à la première place, celle qui la suit immédiatement à la seconde, et ainsi de suite. Les signatures sont ordinairement rangées sur deux colonnes: dans celle à droite (dans le sens du blason), la place supérieure est la première: la même place dans la colonne à gauche, vis-à-vis de la première, est la seconde; la place inférieure de la colonne droite est la troisième, et ainsi de suite.

Lorsque les puissances intéressées sont d'un rang égal, ou qu'il y a contestation à cet égard, il faut recourir à certains expédients. Tels sont:

l'arrangement par lequel on convient de se dispenser de l'observation de toutes les formalités;

le recours au sort;

l'alternat, c'est-à-dire un changement de places conventionnel soit périodique soit soumis au sort;1

des reversales, ou une déclaration par laquelle un souverain fait connaître que par tel acte émané de lui, il n'entend pas porter préjudice à ses droits pour l'avenir;

enfin une déclaration réciproque par laquelle les parties conviennent qu'un acte passé entre elles ne doit pas tirer à conséquence pour l'avenir.

Un souverain qui vient rendre visite à une Cour étrangère, y est traité avec les plus grands égards. Il est d'usage d'accorder au prince étranger, même d'un rang égal, la préséance et la main d'honneur. Louis XVIII évita pourtant de se soumettre à cet usage, lorsqu'il traita chez lui les souverains alliés. 2

Dans les traités ou conventions passés entre des puissances d'un rang égal, qui admettent l'alternat, chacune d'entre elles Wheaton II, 3 (Dana § 157). Phillimore II, 49.

1 Klüber § 104. Halleck V, 14.

2 de Chateaubriand, Congrès de Vérone. tome II, p. 345 (édit. de Leipzig).

3 V. Protocole du Congrès de Vienne du 19 mars 1815 art. VII (§ 208 ci-après et l'appendice). Les tentatives de régulations ultérieures à ce sujet ont échoué contre l'indifférence de la Grande-Bretagne et d'autre part par suite de prétentions trop exclusives de quelques autres cours, enfin par suite de la révolution de juillet 1830. Plusieurs cours voulaient nommément que les maisons grand-ducales ne fussent pas comprises dans l'alternat.

occupe, tant dans l'introduction que par rapport aux signatures la première place dans l'exemplaire qui lui est destiné. Il se peut aussi que chacune des parties contractantes délivre à l'autre une expédition du traité, mais qui alors n'est signée que par elle seule.1 En dernier lieu il faut recourir au sort ou à l'un des autres modes ci-dessus indiqués.

De la courtoisie.

§ 196. Tous les souverains, ainsi que les membres des familles souveraines, ont le droit de prétendre à une certaine courtoisie, c'est-à-dire, à ce que, dans leurs relations réciproques, verbales ou par écrit, certains titres leur soient accordés. On emploie à cet effet les titres indiqués déjà au § 53, al. IV et 55 ci-dessus, auxquels, dans les allocutions du moins, il n'est pas permis d'en substituer d'autres d'un rang inférieur.

Il est en outre d'usage que les têtes couronnées adoptent le titre de frères ou de soeurs dans leur correspondance réciproque, ainsi que dans celle avec les princes qui ont droit aux honneurs royaux. Les épouses des souverains jouissent des

mêmes prérogatives.2

Un style différent est établi entre le Pape et les souverains catholiques. Ces derniers, auxquels se conforment aussi les princes protestants par déférence, donnent au Pape le titre de très-saint Père ou de Sainteté, et reçoivent de lui celui de fils très-aimé (carissime in Christo fili, dilectissime fili).

Les têtes couronnées seules peuvent exiger que, dans les allocutions, on emploie à leur égard le terme de Sire.3

Les autres honneurs et distinctions qui forment la courtoisie des États, reposent sur des usages d'amitié et de parenté, ou font partie du style de chancellerie. Sous ce dernier rap

port, nous y reviendrons au chapitre II ci-après.

1 Moser, Versuche VIII, p. 276. 277. Klüber, Actes du Congrès de Vienne t. VI, p. 206. 207. VIII, 117.

2 Moser, Opusc. academ. p. 413.

3 Sur l'origine de ce terme v. Lünig, Theatrum ceremoniale p. 20. 88.

§ 197.

Cérémonial maritime.1

Le cérémonial maritime international est d'une nature particulière. On l'observe dans les cas suivants: 1° lorsqu'un navire passe sous le canon d'une forteresse ou d'une place maritime étrangère, ou lors de son entrée dans une rade ou dans un port étrangers;

2° dans des occasions solennelles, lors du séjour d'un navire en port étranger;

3o lors de la rencontre de deux navires en pleine mer.

Le cérémonial maritime consiste dans certaines pratiques, notamment dans l'échange du salut des navires. On distingue différentes manières de faire ce salut.

1o Le salut de pavillon plié, usité autrefois même entre les navires de guerre. Ce salut est de la plus grande humilité et même avilissant, si l'on amène le pavillon tout bas. Aussi les nations ne se soumettent-elles plus à cette dernière manière de saluer.

2o Le salut du canon tiré à un certain nombre, ordinairement inégal, de coups. Le nombre le plus considérable est en général de 21 coups. Cependant les coutumes des divers États le dépassent souvent.

Dans des circonstances solennelles on tire à boulet.

3o En arborant et en faisant flotter le pavillon.

4o En amenant les voiles hautes, en amenant ou ferlant le pavillon ou le mât de perroquet.

5o Le salut d'une ou de trois salves de mousqueterie, joint à celui du canon.

1 V. Bynkershoek, Quaest. juris publici II, § 21. de Réal V, p. 993. J. J. Moser, Vermischte Abhandlungen aus dem Völkerrecht II, no. 6. Le même, Versuche II, p. 481 et Beiträge II, p. 441. Fr. Charles de Moser, Kleine Schriften IX, p. 287; X, p. 218; XII, p. 1 suiv. Bouchaud, Théorie des traités de commerce p. 41. de Cancrin, Abhandl. I, § 80. Pestel, Selecta capita juris gentium maritimi § 7. Encyclopédie méthodique. Marine, t. II. m. Honneurs; t. III. m. Saluer. Klüber, Droit des gens § 117 suiv. de Martens, Europ. Völkerrecht § 154 suiv. Surtout Ortolan I, 349. Riquelme p. 254. Phillimore II, 39. de Cussy, Droit maritime

I, 2, § 61. Halleck V, 16.

6° L'arrêt du navire rencontré et l'envoi à bord d'un ou de plusieurs officiers de l'autre navire. Enfin:

7° Le salut de la voix, répété à plusieurs reprises et en nombre inégal.

Relativement à l'observation de ces diverses manières de salut, nous ne pouvons, en dehors des prétentions particulières de certaines nations et des conventions conclues à cet égard, admettre, comme règles générales du droit international, que les suivantes:

I. Chaque puissance a la faculté de régler sur son territoire maritime ou dans ses propres eaux la manière de salut des navires, pourvu qu'elle ne contienne rien de blessant pour la dignité des autres puissances.1 Tel serait, par exemple, l'ordre donné à des navires étrangers d'amener tout bas leur pavillon lors de leur entrée dans un port.2 Sous ce rapport il est ordinairement d'usage que les navires de guerre étrangers, lors de leur passage devant une forteresse ou une place maritime, ou lors de leur entrée dans un port, saluent par des coups de canon. On leur rend le salut par le même nombre de coups. Il en est de même à l'égard du salut des navires. de guerre entre eux.3 Les bâtiments de commerce sont obligés quelquefois d'abaisser la voile de hune.

II. En pleine mer et dans le territoire maritime d'une tierce puissance il n'y a aucune obligation générale de se saluer pour les bâtiments qui se rencontrent.4 Dans les mers

1 Les lois maritimes des principales puissances contiennent de pareilles dispositions. V. surtout pour l'Angleterre Laws of the admirality, t. II, p. 303 (Phillimore II, § 36. 37 suiv.); pour la France les Ordonnances du 31 octobre 1827 et du 1er juillet 1831 (Nouveau Recueil par de Martens et Murhard X, p. 380. 381) et le décret du 15 août 1851 (V. Cérémonial officiel. Par. 1868, p. 162); pour l'Espagne Abreu, Colleccion Phil. IV, P. VII, p. 642. Carol. II, P. I, p. 549; pour l'Amérique du Nord, Halleck V, 27.

2 Encyclopédie, Marine t. II, p. 389. Ortolan I, p. 370.

3 Moser, Kleine Schriften IX, p. 297. de Martens, Völkerr. § 155. Les navires d'un rang plus élevé répondent quelquefois par un nombre moindre de coups. Ortolan p. 371.

4 de Martens § 155. demandent un premier salut.

Encore de nos jours les vaisseaux amiraux
Ortolan p. 371.

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