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Toutefois les États n'ont jamais reconnu l'inviolabilité d'un ministre étranger qui se trouve en dehors du territoire où il était envoyé. Ils ont au contraire, dans toutes les occasions urgentes, maintenu le principe qu'ils n'étaient pas tenus de respecter le caractère public d'un ministre, dès qu'il se trouvait en conflit avec leurs propres droits et intérêts. Un gouvernement a quelquefois fait arrêter, lors du passage sur son territoire, le ministre d'un souverain avec lequel il était en guerre. D'autres fois l'arrestation d'un ministre a été prononcée à cause de dettes personnelles ou d'engagements civils. L'arrestation du maréchal de Belle-Isle en 1744 et celle du comte de Wartensleben en 1763 fournissent à cet égard des exemples mémorables.1 Il n'existe non plus aucun doute qu'un ministre étranger ne puisse être arrêté, poursuivi et puni à raison de crimes commis par lui dans le territoire d'une tierce puissance.?

Certainement un agent diplomatique ne doit point, à moins d'ordres formels à ce sujet, s'immiscer dans les démêlés qui ont éclaté entre le gouvernement auprès duquel il est envoyé, et un tiers.3 En cas contraire on pourra demander qu'il soit rappelé à ses devoirs. Mais d'un autre côté il est protégé par son caractère international sur le territoire où il réside, lors même qu'il tomberait entre les mains d'une puissance ennemie contre laquelle il n'aurait commis aucun acte d'hostilité. Il faut en

celles où leur maître les a envoyés, il faudra qu'ils soient munis de passeports pour éviter tous fâcheux accidents, car, à leur passage, ils ne peuvent prétendre à d'autres égards que ceux qui sont accordés par le droit des gens aux étrangers selon leur rang et leur fortune; mais la correspondance mutuelle des nations veut qu'un caractère si éminent soit respecté partout." Vattel IV, 84 émet une opinion analogue. Cependant tout dépend ici de la bonne volonté de la tierce puissance. La vraie opi

nion est soutenue par Merlin V, § 3, no. 4; § 5, no. 14. Ward, Enquiry II, p. 556 suiv. Wheaton, Internat. Law III, 1, 11 (édit. franç. p. 20).

1 de Martens, Erzählungen I, p. 152. 170. de Martens, Causes célèbres I, p. 285.

2 V. un exemple dans les Causes célèbres recueillies par le baron de Martens I, p. 311.

3 Comparez de Martens, Erzählungen I, 302.

4 Telle fut la position du comte de Monti à Danzig. V. de Martens, Causes célèbres I, p. 210.

dire autant de la correspondance d'un ministre avec son gouvernement et vice versa, expédiée d'un territoire neutre ou à un tel et par des navires neutres.1 Enfin aucune raison de droit ne pourra autoriser un belligérant à enlever l'agent diplomatique de son adversaire sur le territoire ou même sur le navire d'une nation neutre.2

I. Différents ordres d'envoyés titrés.

§ 208. Il n'existe Il n'existe en principe aucune différence fondamentale entre les agents diplomatiques de diverses puissances accrédités à une même Cour. Néanmoins le cérémonial des Cours et la pratique générale des États ont introduit certaines classifications, en même temps qu'ils distinguent dans la même classe entre les envoyés ordinaires et les envoyés extraordinaires. Pendant longtemps ces derniers jouissaient d'une supériorité de rang sur les premiers: cette distinction toutefois n'est plus reconnue aujourd'hui.

D'après les usages les plus récents, la première classe comprend :

les légats a ou de latere, ainsi que les nonces du Pape 3 et les ambassadeurs des puissances temporelles.4

La seconde classe comprend:

1 Wheaton, Intern. Law III, 1, 20 (édit. franç. p. 19). Phillimore, IV, 368. Halleck XXVI, 18. Ortolan II, 218. Marquardsen, der Trentfall p. 68.

2 Il y en a des exemples. Le dernier est l'affaire du Trent (1861). Nous nous référons là-dessus aux dépêches très-instructives échangées à cette occasion, et pour le tout à l'ouvrage précité de M. Marquardsen.

3 C'est par erreur que Bielfeld, dans ses Institutions politiques t. II, p. 272, semble vouloir distinguer entre les legati de et a latere. Une différence existe seulement entre les légats a (ou de) latere et les nonces, en ce que les premiers sont nommés parmi les cardinaux.

4 En espagnol: embaxadores, en italien: ambaciatori, peut-être par une dérivation du mot espagnol: embiar (envoyer) ou du mot latin (du moyen âge) Ambactia, en allemand Ambacht Amt (emploi). Pinheiro sur Vattel IV, 70 donne une étymologie étrange de ce mot.

les agents accrédités auprès des souverains, portant le titre d'internonces,1 d'envoyés, de ministres plénipotentiaires et de ministres.

La troisième classe:

les chargés d'affaires accrédités seulement auprès des ministres des affaires étrangères, peu importe d'ailleurs qu'ils portent le titre de ministres ou non; les consuls chargés d'une mission diplomatique particulière de leur gouvernement. Les agents diplomatiques portant le titre de ministres résidents accrédités auprès d'une Cour, forment une classe intermédiaire entre les agents de seconde et de troisième classe.2

Ces distinctions de rang n'existaient pas dans l'ancienne pratique des États. On ne connaissait que les ambassadeurs et les agents. Peu à peu les autres titres ou qualifications ont commencé à être usités dans plusieurs Cours. D'ailleurs la diversité de rang n'établit aucune différence entre les divers agents par rapport à leurs fonctions diplomatiques, à leur capacité de négocier et à la validité des actes par eux reçus. Les ambassadeurs seuls jouissent à un degré éminent du caractère représentatif, peut-être d'après l'exemple des cardinaux - légats qui, selon le langage de l'Église romaine, sont considérés comme les fils du saint - père.

Choix de la personne du ministre public.

§ 209. Le choix du ministre dépend exclusivement de la volonté du souverain qui le constitue. Ni le sexe ni la naissance ou le rang social ne présentent ici un obstacle absolu.

1 L'Autriche envoie des internonces à Constantinople depuis le règne de Léopold I (1678). V. Vehse, Geschichte des österreichischen Hofes VI, p. 121. La cour Romaine en a envoyé le plus souvent.

2 Voir l'Appendice. Comparez sur les origines de ces dénominations Merlin, loc. cit. sect. I. Schmelzing, Völkerr. § 281; notamment de celle de,, Ministre - résident" Wurm, dans la Revue intitulée: Zeitschrift für Staatswissenschaften X, p. 558. Gutschmidt (resp. Ferber) de praerogativa ord. inter legatos § 39.

Il est rare que l'on choisisse des femmes pour être appelées aux fonctions de ministre public; l'histoire en offre cependant quelques exemples.1 I importe seulement que le ministre choisi soit agréable à la Cour près de laquelle on l'envoie. Car, ainsi que nous l'avons déjà fait remarquer (au § 197 ci-dessus), celle-ci n'est tenue en aucune façon de recevoir une personne qui lui est désagréable ni de traiter directement avec elle.

On peut, selon le caractère et l'importance de la mission, envoyer à une Cour plusieurs ministres, d'un rang soit égal soit inégal, et dont les fonctions sont déterminées par leur pouvoir. D'autre part un seul ministre peut être accrédité près de plusieurs Cours à la fois, ou par plusieurs souverains près de la même Cour.

Quant au rang ou à la classe du ministre à envoyer, le choix en appartient exclusivement au gouvernement qui le constitue. Cependant il est généralement observé aujourd'hui:

1° que, d'après le principe de la réciprocité, les puissances ne s'envoient que des ministres de la même classe qu'elles reçoivent de leur côté. Quant aux États de second et de troisième ordre on consulte à cet égard leurs ressources matérielles et les convenances.

2° qu'aucune puissance jouissant des honneurs royaux ne reçoit chez elle, en qualité de ministres de première classe, les agents diplomatiques d'une puissance qui ne jouirait pas des mêmes honneurs.

Toutefois il serait difficile de prouver que le droit d'envoyer des ministres de première classe n'appartient qu'aux États qui peuvent prétendre aux honneurs royaux. Il est constant que des souverains d'un rang inférieur se sont envoyé quelquefois des ambassadeurs. Bien plus, comme les ambas

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1 Des exemples sont cités par Leyser, spec. 671. med. 10; Merlin sect. III, no. 3. Mirus § 127. 128. Suivant Gessner, de iure uxoris legati et iure legatae. Hal. 1851. p. 42. la Maréchale de Guébriant a été seule ambassadrice de son chef. A la vérité on envoie quelquefois des

émissaires en jupons, chargés de missions secrètes.

2 V. déjà Vattel IV, 78. Merlin sect. II, § 2, no. 1, et en outre

Moser, Versuche t. III, p. 5 et Beiträge t. III, p. 7.

sadeurs jouissent à un degré éminent du caractère représentatif, il est évident qu'on doit choisir un ministre de ce rang pour représenter son souverain dans des affaires purement personnelles, par exemple, dans une affaire matrimoniale. Par suite ce droit ne devrait être refusé pas même au souverain le plus faible. La question des frais, à la vérité, conseille sans doute en pareil cas d'avoir recours à quelque expédient.

Expédition de l'agent diplomatique. Établissement de son caractère public.

§ 210. Le ministre, du jour de sa nomination, est revêtu d'un caractère public par rapport à l'État qu'il représente. Les instructions qu'il reçoit de son gouvernement, déterminent la conduite qu'il doit tenir pendant le cours de sa mission, tant envers la Cour à laquelle il est envoyé, les membres du corps diplomatique etc., que relativement à l'objet même de sa mission. Indépendamment du chiffre qu'il reçoit pour la correspondance avec sa Cour, il est encore d'usage de lui remettre le chiffre banal," celui qui est connu de tous les ministres de la même puissance et dont, dans l'occasion, ils se servent dans leur correspondance mutuelle.1

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Tout ministre chargé de certaines affaires ou de certaines négociations, doit être muni d'un plein pouvoir rédigé par écrit, qui indique l'objet et les limites de son mandat. Ce pouvoir forme la base unique de la validité des actes passés par le ministre, et non pas les instructions qui ne sont destinées qu'à lui seul, à moins qu'elles ne soient explicatives du pouvoir et qu'elles ne doivent être communiquées par lui.

Tout ministre est en outre muni régulièrement (et lorsqu'il s'agit d'une mission générale et permanente exclusivement)

1 Les termes consacrés ici sont: la double-clef, c'est-à-dire, le chiffre chiffrant et le chiffre déchiffrant; puis le chiffre banal. V. J. L. Klüber, Kryptographie. Tübingen 1809. Callière, Sur la manière de négocier. chap. 20. Mirus § 160 suiv.

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