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d'une lettre de créance. Le souverain qui l'envoie communique dans cette lettre le but général de la mission au souverain auprès duquel il doit être accrédité, en priant ce dernier d'ajouter foi à ce qu'il lui dira de la part de son gouvernement. Les agents diplomatiques de troisième classe ne reçoivent pas de lettres de créance: ils sont accrédités directement par leur ministre chargé des affaires étrangères auprès de son collègue à l'étranger.

Il résulte de ce qui précède que le caractère public de l'agent diplomatique envoyé à une Cour étrangère, ne se développe dans toute son étendue et ne lui assure la jouissance de tous ses droits, qu'après que le gouvernement près duquel il doit résider, a été informé de sa mission d'une manière officielle. Toutefois il n'est pas nécessaire qu'il soit déjà reçu d'une manière plus ou moins solennelle. On s'accorde au contraire généralement à reconnaître que, la Cour une fois prévenue de sa mission, le ministre public doit jouir de l'inviolabilité la plus éminente depuis le moment qu'il touche le territoire de l'État auprès duquel il est accrédité, jusqu'à celui où il le quitte, ou, en cas de guerre et de renvoi, jusqu'à l'expiration du délai qui lui a été accordé pour s'éloigner. L'expédition et la remise de passe-ports ne sont qu'un mode de constater le caractère officiel du ministre vis-à-vis des autorités locales du territoire qu'il doit traverser.

Pour ce qui touche les droits et les prérogatives résultant du cérémonial diplomatique, ils ne se produisent naturellement avec tous leurs effets, que du jour où le gouvernement étranger, après avoir obtenu une notification de l'arrivée du ministre, a pris les dispositions nécessaires pour le recevoir, et que le ministre a observé toutes les formalités nécessaires pour se présenter à la Cour; en un mot, du jour où il a été admis à l'audience du souverain.3

Il n'est plus d'usage aujourd'hui de charger un ministre d'un plein pouvoir qui l'autorise à traiter avec toutes les puissances (actus ad omnes populos). Lamberti, Mémoires VIII, p. 742; IX, p. 655. Mirus § 136–141. 2 Mirus § 132-134.

8 Merlin observe avec raison à ce sujet (V, 3, 3, à l'endroit cité déjà au § 201): „Il est certain que son caractère public ne se développe dans

S'il survient un changement dans le grade du ministre, on observe à son égard le même cérémonial qu'envers le nouveau ministre arrivant pour résider avec ce titre. Ainsi, lorsqu'un ministre reçoit l'ordre de sa Cour de déployer momentanément le caractère d'ambassadeur à la Cour où il se trouve accrédité avec un titre moins élevé, il présente dans une audience et sa lettre de rappel et sa lettre de créance.

Droits des personnes diplomatiques en général.

§ 211. Depuis longtemps il est d'usage, tant dans les Cours que dans les républiques souveraines, aussi jalouses les unes que les autres de la dignité de leurs représentants diplomatiques, de revendiquer, en faveur de ces derniers, certains droits et certaines prérogatives qui dépassent de loin les besoins réels.

Ces droits se manifestent:

tantôt sous la forme d'une interprétation extensive et traditionnelle de l'inviolabilité et de l'indépendance dues au ministre public d'une puissance étrangère, qui ont abouti au système d'exterritorialité expliqué au § 42 ci-dessus;1 tantôt sous la forme de certains honneurs et de certaines distinctions accordés au ministre public par une espèce de convention tacite et qui composent son caractère cérémonial.

Sous ce double rapport il n'existe aucune loi formelle et généralement obligatoire." Ce n'est que sur certains points

toute son étendue, que lorsqu'il est reconnu et admis par le souverain à qui il remet ses lettres de créance. Mais pour ce qui est de la protection du droit des gens, de la sûreté et de l'inviolabilité de sa personne, il doit en jouir dès qu'il a mis le pied dans le pays où il est envoyé, et qu'il s'est fait reconnaître."

1 On trouve déjà ce système dans Grotius II, 18, 4. Il est vrai que les auteurs l'ont souvent contesté depuis; par exemple Cocceji, tout récemment Pinheiro - Ferreira et Evertsen dans sa dissertation citée plus haut.

2 Les,,Immunités accordées par l'empereur (Charles V) aux ambassadeurs" (v. de Réal, Rousset et de Martens, Erzählungen I, 369) sont sans doute aussi apocryphes que les lois sus- indiquées. On trouve plu26

Heffter, droit international. 3e éd.

qu'il est possible de constater des usages admis entre quelques États ou fondés sur une nécessité commune.

Droits du ministre public qui découlent du principe d'exterritorialité.

1. Inviolabilité.

§ 212. L'inviolabilité dont jouit le ministre quant à sa personne, s'applique à son épouse et à ses enfants, ainsi qu'aux gens qui composent sa suite. Elle s'applique en outre aux choses qui se rapportent directement à sa personne et à sa dignité, spécialement:

1° à l'hôtel du ministre, autant qu'il l'occupe avec sa famille et sa suite;1

2o au mobilier garnissant l'hôtel par lui occupé;

3o à la voiture ou à l'équipage du ministre.2

Le droit positif regarde ces divers objets, aussi bien que la personne du ministre, comme exempts du pouvoir territorial. Ils ne peuvent faire l'objet d'aucune poursuite, ni de la part du gouvernement ni des particuliers: toute atteinte commise à cet égard constitue une violation du droit international. Les créanciers mêmes du ministre public qui se trouvent nantis d'objets appartenant à celui-ci n'y pourront exercer d'autres droits que ceux qui n'ont pas besoin d'être autorisés en justice.3

Néanmoins l'immunité desdites choses ne saurait pas non plus arrêter le cours ordinaire de la justice criminelle du pays. Aussi a-t-on sagement limité de nos jours le droit d'asile dont autrefois on a tant abusé. Nul motif légitime ne peut auto

sieurs lois particulières dans de Martens, à l'endroit cité, t. I, p. 330 et t. II, p. 334.

1 Merlin sect. V, § 5, no. 3. Vattel IV, § 117.

2 Vattel § 118. Bynkershoek, De judice compet. XVI, 4.

Le cas où se trouvait M. Wheaton lui-même à Berlin vis-à-vis de son locataire a donné lieu à une controverse intéressante. V. Wheaton, Éléments du droit intern. I, p. 203. Evertsen de Jonge, Over de grenzen etc. p. 285. Gessner, de jure uxoris legati, p. 33. Halleck IX, 16.

riser un ministre à faire servir son hôtel ou ses voitures pour soustraire à la juridiction compétente du pays des individus prévenus d'un crime, ou à favoriser leur évasion.1 Le respect qui lui est dû à lui et au souverain qu'il représente, exige seulement qu'en pareil cas l'extradition du criminel s'effectue avec beaucoup de ménagements et de la manière la moins blessante pour sa personne. Ainsi, lorsqu'il est constant qu'un individu prévenu d'un crime s'est réfugié dans l'hôtel d'un ministre, les autorités du pays ont non-seulement le droit de faire entourer de gardes l'hôtel et de prendre au dehors les mesures nécessaires pour que le coupable ne puisse s'échapper; mais ils peuvent encore, dans le cas où le ministre, après avoir été dûment sollicité par l'autorité compétente, se refuse à son extradition, le faire enlever de l'hôtel à main armée. Cependant en procédant à la visite, elles doivent éviter tout ce qui peut porter préjudice aux droits et aux égards dus à la personne du ministre et de sa suite.2

En dehors du cas qui vient d'être indiqué, il n'est pas permis aux autorités locales de pénétrer dans l'hôtel d'un ministre public et d'y procéder à une perquisition, lors même qu'il existerait des soupçons qu'il sert d'abri à un criminel ou à cacher les traces d'un crime. Le ministre interrogé à cet égard ne peut, au besoin, refuser de donner des explications. S'il les refuse ou qu'elles paraissent insuffisantes, la perquisition serait autorisée. Ce droit surtout ne saurait être contesté au gouvernement étranger, lorsqu'il aurait des motifs de supposer que l'hôtel sert d'asile à une entreprise criminelle tramée contre lui.

C'est dans ces limites que subsiste encore aujourd'hui ce qu'on est convenu d'appeler la franchise de l'hôtel (jus franchisiae sive franchisiarum, Quartierfreiheit). Quant à la franchise

1 Chrét. Thomasius, De jure asyli legatorum aedibus competente. Lipsiae 1689, oeuvre réimprimée en 1695 dans la Collection de dissertations du même auteur, no. XVI. Bynkershoek, loc. cit. chap. 21. Merlin V, § 5, no. 4. 2 V. les espèces racontées par Merlin, à l'endroit cité; de Martens, Erzählungen t. I, p. 217 suiv.; les Causes célèbres par le baron de Martens t. I, p. 174; sur les anciennes prétentions des ministres étrangers, idem, Causes célèbres t. II, p. 371. Halleck IX, 22.

de quartier, en vertu de laquelle toutes les maisons situées dans l'arrondissement de l'hôtel d'un ministre étranger étaient exemptes de la juridiction du pays, en y arborant les armes du souverain son maître, tolérée autrefois en certaines Cours, on doit la considérer comme généralement abolie à présent.1 Il en est de même de l'usage souvent pratiqué anciennement par des ministres étrangers, d'accorder des lettres de franchise à des personnes qu'ils voulaient couvrir de leur protection. C'est un abus manifeste, que les gouvernements ne sont pas tenus de tolérer. 2

En ce qui concerne les États autres que ceux près desquels un ministre public est accrédité, il n'est considéré, à moins de conventions particulières, ainsi que nous l'avons déjà dit (au § 207), que sous les rapports généraux d'étranger. Rien ne les autorise à y pouvoir invoquer comme de droit l'inviolabilité résultant de leur caractère public.

2. Droit du culte privé ou domestique.

§ 213. De l'inviolabilité et de l'indépendance accordées au ministre public, dérive encore le droit du culte privé ou domestique dont il jouit, quand même ce culte n'est pas reconnu dans le territoire où le ministre exerce ses fonctions.3 Il ne peut être exercé que dans l'hôtel même du ministre. II ne doit pas être célébré en public, avec une pompe extérieure, au son de cloches et d'orgues. On ne doit pas donner à la chapelle du ministre les dehors d'une église, visibles sur la voie publique, tels que des vitraux d'église etc., à moins d'une autorisation spéciale du gouvernement local. D'ailleurs il est généralement reconnu aujourd'hui que les ambassadeurs et les

1 A Rome elle était réglée par une Bulle d'Innocent XI de 1687. Schmauss, C. iur. Sent. p. 1069. Aujourd'hui il n'en reste qu'un droit d'asile ouvert à ceux qui sont poursuivis à cause de délits correctionnels.

2 Moser, Versuch IV, p. 320.

3 V. surtout J. H. Böhmer, Jus ecclesiasticum Protestant. III, 3, 37 et 45 seq. J. J. Moser, Versuch t. IV, p. 155. Idem, Beiträge t. IV, p. 185. de Martens, Völkerrecht, chap. VII. Klüber § 215. 216. Schmelzing § 355. Wildman I, p. 129.

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