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se soumettre à certaines restrictions, pourvu qu'elles n'affectent ni son indépendance, ni les progrès de son développement intérieur.

Sous ces réserves l'on pourra résumer le droit public des nations civilisées à l'égard du commerce mutuel dans les propositions suivantes:

I. une nation qui, par rapport à son commerce, adopte un système d'isolement complet, renonce par là à la jouissance du droit commun des nations;

II. une nation ne peut priver une autre du commerce des objets qui sont pour cette dernière d'une nécessité absolue, conformément à ce que nous avons dit au § 30 ci-dessus;

III. elle ne peut non plus refuser aux autres nations l'usage innocent de ses routes de terre et d'eau ou des établissements destinés aux communications du public, pour satisfaire à leurs besoins intellectuels et matériels soit dans son propre pays, soit dans un autre. Les anciens auteurs ont déjà consacré une pareille obligation sous le nom de „Jus usus innocui" et spécialement de „Jus passagii innocui“; seulement ils ne s'accordaient pas entre eux sur la question de savoir s'il constitue une obligation parfaite ou imparfaite. Sans doute la seule nécessité des besoins humains peut le justifier complétement; le refus non motivé d'objets utiles ne constituera qu'un procédé peu amical. Toujours l'appréciation d'une nécessité appartiendra à l'État qui dispose des choses recherchées par un autre;1 IV. une nation ne peut, sans offense ou sans lésion, prétendre exclure le commerce rival d'une autre d'un territoire où il est admis. Vainement quelques nations de l'Europe se sont réservé naguère le monopole du commerce surtout aux Indes Occidentales et Orientales. Seulement les colonies ne sauraient sous ce rapport être assimilées à des puissances tierces. Elles relèvent de la métropole et sont gouvernées par la politique qui tend à

1 Comparez Günther I, 225 note c. Pufendorf, J. N. III, 3, 6. H. Grotius II, 2, 13. Vattel II, 123. 132-134.

garantir à celle-ci leur commerce exclusif. Qu'il suffise de rappeler à ce sujet le régime des droits municipaux des colonies françaises.

V. Toute nation, dans ses transactions avec les étrangers, est tenue de se conformer aux règles de la bonne foi. Elle ne doit pas abuser de la foi des nations étrangères: une nécessité rigoureuse peut seule lui servir d'excuse, lorsque, par exemple, elle commet une violation du secret des lettres.1

VI. Aucune puissance ne peut refuser de recevoir sur son territoire les sujets d'une puissance amie, dès qu'ils justifient d'une manière régulière de leur individualité. Elle ne peut, après les avoir reçus, les renvoyer de son territoire sans des motifs qui doivent être communiqués à leurs gouvernements respectifs. Dans tous les cas le renvoi ne peut s'effectuer avec des formes blessantes, si la conduite de l'individu renvoyé ne les justifie pas. C'est une conséquence du droit au respect.2

VII. Tout commerce contraire aux droits fondamentaux de l'homme est illicite. Celui qui l'empêche ou le détruit, ne commet aucun acte d'injustice.

La traite des noirs présente ce caractère. On connaît les tentatives tendant à sa suppression qui ont été faites par les nations européennes, surtout depuis le congrès de Vienne, tentatives qui n'obtiendront de succès complet que le jour où l'équilibre général sera établi sur les mers, le jour surtout où tous les États du concert européen auront proscrit l'esclavage.3

1 V. de Kamptz, Lit. § 94.

L'article relatif au renvoi de MM. Hecker et Itzstein de la Capitale de la Prusse, inséré dans les Annales de jurisprudence prussienne (LXV, p. 569) ne présente pas exactement ces principes.

3 Traité de Paris conclu avec l'Angleterre, art. addit. 1. Déclaration des plénipotentiaires des cinq puissances de l'Europe du 8 février 1815. Bulle du Saint-Siége du 3 décembre 1839 dans Martens - Murhard, N. R. XVI, 1034. Décret de la Confédér. german. du 19 juin 1845, qui assimile la traite des noirs à la piraterie et au rapt. V. Klüber, Droit des gens. § 72. Murhard, N. Suppl. III, p. 48. 238. Le journal,, Ausland" de 1842. No. 335. Traités conclus entre l'Angleterre, la France et les Pays-Bas des 30 novembre 1831 et 22 mars 1833 (Martens, N. R. IX, 547. 555), aux

III. Modifications des droits fondamentaux des États

dans leurs rapports mutuels.

1. Conflits des droits souverains de différentes nations.

§ 34. Le principe de la souveraineté et de l'indépendance de chaque nation n'a pas un caractère absolu et exclusif au point de faire considérer des lois et des actes émanés des souverains étrangers comme dépourvus de toute autorité hors du territoire. Une pareille exclusion ne s'accorderait guère avec le respect mutuel que les nations se doivent les unes aux autres. Il faut ajouter en outre que certaines causes les obligent à avoir égard aux rapports nés sous l'influence des lois étrangères. Nous allons les indiquer.

I. Dans les relations internationales, le caractère politique des personnes diplomatiques ainsi que leurs biens sont régis exclusivement par les institutions de l'État qu'elles représentent. Pour refuser d'admettre sur son territoire les conséquences de cette exemption, il faudrait ou qu'elles fussent contraires aux usages internationaux, ou de nature à porter quelque préjudice à l'État qui les repousse. Ainsi, par exemple, un gouvernement ne peut refuser de reconnaître les qualités, les titres etc. dont les agents diplomatiques accrédités auprès de lui ont été investis par leurs gouvernements respectifs.11

II. Lors de l'examen d'un acte reçu à l'étranger, il faut recourir aux dispositions des lois étrangères. De même il faut ajouter pleine foi aux communications émanées des autorités étrangères, pourvu que leur compétence ni l'authenticité de l'acte ne soient contestées. A cet effet il est d'usage de faire légaliser par les agents diplomatiques les signatures des actes délivrés par les autorités publiques de leurs pays respectifs.

quels ont accédé la Sardaigne, 8 août 1834, les villes hanséatiques, 9 juin 1837, et la Toscane (Martens XIII, 194. XV, 191 et 292). Traité conclu entre l'Autriche, la Prusse, la Grande-Bretagne et la Russie, du 20 décembre 1841 (N. R. S. II, 392), entre la Grande-Bretagne et la France du 29 mai 1845 (VIII, 284), entre la Grande-Bretagne et l'Amérique septentrionale du 7 avril 1863. V. aussi Phillimore I, 320.

1 V. Schmelzing, Völkerr. § 14.

Pour que l'observation de ces formalités n'entraîne pas trop de lenteurs, l'on a cherché à les abréger dans les pays où la connaissance des institutions étrangères est tenue en honneur. En Prusse notamment une circulaire concertée entre les ministres de la justice et des affaires étrangères, datée du 22 mars 1833, a tracé à ce sujet des limites raisonnables.1

Sans doute les lois d'une nation peuvent encore accorder directement certains effets aux actes émanés des autorités étrangères, au moins à la condition expresse ou tacite d'une parfaite réciprocité.

Lorsqu'enfin les autorités publiques de plusieurs États sont également compétentes pour statuer sur une affaire, chacune peut procéder indépendamment de l'autre et décider l'affaire de son côté, sans la concurrence de l'autre puissance.

Conflits en matière de justice entre plusieurs États.

§ 35. S'agit-il de résoudre les conflits en matière de justice entre différents territoires, les principes qui régissent en général cette matière se résumeront dans les propositions suivantes :

I. L'État jouit du pouvoir incontesté de soumettre ses citoyens à l'autorité de ses lois en tout ce qui concerne l'ordre public, de manière qu'ils sont tenus de les respecter autant dans le pays qu'au dehors. Il est encore investi du même pouvoir à l'égard des étrangers, pendant leur séjour sur son territoire.

II. Tout État a le droit de déterminer les conditions et les formes sous lesquelles les actes intervenus sur son territoire,

1 de Kamptz, Jahrb. XLI, 220. V. aussi Halleck, Int. L. p. 180. 2 La riche littérature de ce sujet est indiquée et jugée par R. de Mohl dans son excellent ouvrage: Geschichte und Literatur der Staatswissenschaften. I, 441. Les ouvrages les plus complets sur cette matière sont ceux de Kent, Commentaries on Americ. Law. t. I. Story, Commentaries on the conflict of laws foreign and domestic. Boston 1841 (v. Krit. Zeitschrift des Auslandes. VII, 228); Foelix, Traité du droit international privé. Paris 1843. Nouv. éd. par Demangeat. Paris 1855. Massé, Le droit commercial. Paris 1844. t. 2. Hurd, Topics of Jurispr. New-York 1856. Bar, Das internationale Privat- u. Strafrecht. Hannover 1862. V. aussi l'article de Günther, Rechts-Lexikon. t. IV, p. 721. V. en outre la Note du § 37 ci-après.

ou à l'étranger, produiront leurs effets. D'autre part il peut refuser d'admettre sur son territoire les effets des actes reçus à l'étranger, ou du moins les faire dépendre encore de l'accomplissement de certaines conditions. Mais il ne peut ni soumettre aux dispositions de ses lois les personnes ou les choses qui lui sont et qui continuent à lui être étrangères, ni exercer une juridiction quelconque contre un État ou un souverain étranger.1

III. Aucun État enfin n'est tenu d'autoriser sur son territoire l'exécution des actes et des jugements étrangers. Pourtant l'intérêt commun des nations leur conseille sous ce rapport un rapprochement réciproque, ce qui a conduit à certains usages généralement reçus et à des conventions particulières entre les gouvernements.2

Les législations de l'Europe s'étendent plus ou moins sur cette matière. Néanmoins l'accord accidentel de plusieurs législations sur certains points ne constitue aucunement un principe d'une application générale, et, à défaut de lois ou de traités, c'est surtout à la sagesse des organes gouvernementaux qu'il appartient de montrer le chemin en conciliant les intérêts de la souveraineté avec le respect dû aux autres États, et en sauvegardant plutôt la liberté et les droits individuels de l'homme par la souveraineté qu'en les abandonnant à la merci de celle-ci.

a. Conflits en matière pénale. 3

§ 36. Les questions de conflits des lois pénales des différentes nations reçoivent en définitive les solutions suivantes:

1 Par in parem non habet imperium. Comp. l'arrêt de cassation du 24 janv. 1849 dans la Gazette des Tribunaux du 26 janv. 1849.

2 Les traités conclus sur ce sujet entre plusieurs gouvernements de l'Allemagne sont recueillis systématiquement par O. Krug, Das Internationalrecht der Deutschen. Leipzig 1851. Quelques points sont réglés par la Confédération germanique du Nord dans la loi du 21 juin 1869, concernant l'assistance mutuelle des États dans l'exercice de la justice.

3 V. les ouvrages de C. A. Tittmann, Die Strafrechtspflege in völkerrechtlicher Hinsicht. Dresden 1817. Schmid, Lehrbuch des gemeinen deutschen Staatsrechts. § 87. 88. et A. F. Berner, Wirkungskreis des Strafgesetzes. Berlin 1853. p. 81. V. aussi le traité de l'instruction criminelle

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