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de la distance des lieux et de l'intempérie des saisons, qui fut extraordinaire dans leur pays. S'étant réunis en concile vers la fin de l'année 451, ils adressèrent au Pape une lettre synodale où, après lui avoir demandé pardon de leur retard involontaire, ils parlent ainsi :

<< En lisant la lettre de votre apostolat, nous avons tressailli de joie, et bientôt nous avons fait tressaillir de même tous ceux des Gaules, en leur communiquant cette instruction. Mais nous nous sommes affligés avec vous sur l'aveuglement de ceux qui abandonnent la lumière de la foi catholique, pour s'engager dans les ténèbres de l'erreur. Quiconque ne néglige pas les mystères de la rédemption, transcrit la lettre de votre apostolat sur les tablettes de son cœur, comme un symbole de la foi, et la grave fidèlement dans sa mémoire, pour être plus en état de confondre les hérétiques. Aussi plusieurs y ont reconnu avec allégresse les sentiments de leur foi, et se réjouissent d'avoir toujours cru, par la tradition de leurs pères, comme votre apostolat enseigne. Quelques-uns, qui avaient été un peu alarmés, se félicitent d'avoir été pleinement instruits par l'admonition de votre Béatitude, et ils ont une joie sensible de ce que, forts de l'autorité du Siége apostolique, ils peuvent déclarer librement et avec confiance ce qu'ils croient.

>> Mais qui pourrait jamais rendre d'assez dignes actions de grâces à votre apostolat, pour l'admirable présent dont il orne, comme d'autant de pierres précieuses, non-seulement les Gaules, mais le monde entier ? C'est à votre doctrine, après Dieu, que le fidèle doit sa constance dans la vraie foi. C'est à elle que l'infidèle devra Ison retour de l'hérésie à la vérité, pour croire et suivre ce que notre Seigneur Jésus-Christ enseigne par votre bouche touchant le mystère de son Incarnation, plutôt que ce que débite l'ennemi du salut et de la vérité, le démon. Nous aurions encore voulu écrire sur cette affaire à votre fils, le très-fidèle prince, pour le congratuler de sa foi, et lui montrer l'empressement de notre humilité à vous suivre dans le Seigneur; mais les nouvelles d'Orient nous ont fait croire que cela n'était aucunement nécessaire. Considérant les grands biens que notre Dieu a faits à son Eglise par votre apostolat, nous ne cesserons de le bénir et de le supplier : de le bénir d'avoir donné un pontife de cette sainteté, de cette foi, de cette doctrine, au Siége apostolique, d'où s'est répandue la source de notre religion; de le supplier qu'il veuille nous conserver long-temps la grâce de votre pontificat, pour l'édification de ses églises. Enfin, quoique très-inférieurs en mérites, nous sommes prêts avec votre Béatitude, Dieu aidant, à sacrifier nos vies pour la vérité de la

foi. » Ravennius d'Arles, Rustique de Narbonne, Vénérius de Marseille, à la tête de quarante-quatre évêques, signèrent la lettre en ces termes Rustique, évêque, je salue respectueusement dans le Seigneur votre apostolat, et vous supplie de daigner prier pour moi 1. Cette lettre fut portée à Rome par Ingenuus, évêque d'Embrun.

Le Pape répondit le 27 janvier 452, qu'il aurait beaucoup souhaité recevoir leur lettre dans le temps qu'ils avaient promis, afin que ses légats au concile de Calcédoine eussent pu porter avec eux ce témoignage de leur foi. Mais, dit-il, puisque des obstacles imprévus vous ont mis en retard, nous avons reçu vos lettres avec bonheur, quoique nous les eussions si long-temps attendues'; et nous y avons reconnu avec joie, comme nous en avions la confiance, qu'instruits par l'Esprit-Saint, vous conservez dans sa pureté la céleste doctrine à laquelle l'ancien ennemi a tâché de donner atteinte dans les églises d'Orient. Comme il avait déjà reçu des nouvelles du concile de Calcédoine, il dit qu'il n'est plus permis d'alléguer aucun prétexte d'ignorance ou d'obscurité sur la foi de l'Incarnation, après la décision d'un concile d'environ six cents évêques; car nos légats, avec l'aide de Dieu, ont si bien fait dans cette assemblée, que non-seulement les évêques, mais encore les princes et les puissances chrétiennes, tous les ordres du clergé et du peuple, ont vu avec une pleine évidence que la foi vraiment catholique et apostolique est celle que nous prêchons dans toute sa pureté, telle que nous l'avons reçue, et que nous défendons maintenant avec l'approbation de l'univers entier. Ensuite, après avoir exposé en peu de mots les hérésies de Nestorius et d'Eutychès, il ajoute : Le saint concile, s'accordant avec une religieuse unanimité aux écrits de notre humilité, qui tirent leur force de l'autorité et du mérite de mon seigneur le bienheureux apôtre Pierre, a rejeté avec abomination ces dogmes diaboliques, et les a retranchés de l'Eglise de Dieu. Rendez donc grâces au Seigneur, nos très-chers frères, et demandez-lui avec nous l'heureux et prompt rétour de nos légats. Nous les attendons pour pouvoir mieux vous instruire de ce qui s'est passé. Mais nous ne voulons pas que cette attente retienne ici notre frère Ingenuus. Il est plus à propos qu'il retourne sans délai vous apprendre le sujet de notre joie, dont nous voulons que vous fassiez part aux évêques d'Espagne, afin que personne n'ignore ce qu'a opéré le Seigneur 2.

Quelque temps après, les légats étant de retour de Calcédoine,

1 Baller., epist. 99. 2 Ibid., epist. 102.

saint Léon écrivit une seconde lettre, mais bien courte, à Rustique, à Ravennius, à Vénérius et aux autres évêques des Gaules, où il leur mande que la vérité a triomphé, que l'hérésie a été condamnée tout d'une voix avec ses auteurs. Il y joignit une copie de la sentence des légats contre Dioscore 1.

Ce que l'on pouvait souhaiter, c'est que les églises d'Orient fussent aussi unies et aussi calmes que celles de l'Occident. Dans la capitale de l'Egypte, dont la population était si turbulente de son naturel, la déposition de Dioscore et l'élection de son successeur occasionnèrent des troubles. Après quelques premières difficultés, on choisit, par le commun suffrage du concile, Protérius, que Dioscore avait fait archiprêtre, et auquel il avait confié le soin de l'église. Alors le peuple d'Alexandrie se divisa: plusieurs demandaient Dioscore, plusieurs soutenaient Protérius. Les partisans de Dioscore attaquèrent les magistrats et poursuivirent à coups de pierres les soldats qui voulaient apaiser la sédition. Ils les mirent même en fuite; et comme les soldats s'étaient retirés à l'ancien temple de Sérapis, ils les y assiégèrent et les brûlèrent tout vifs. L'empereur, l'ayant appris, envoya deux mille hommes de nouvelles troupes, qui eurent le vent si favorable, qu'ils arrivèrent le sixième jour à Alexandrie; mais ces nouveaux soldats traitèrent insolemment les femmes et les filles des habitants, ce qui causa de plus grands désordres. Pour punir ce peuple, on lui ôta la distribution ordinaire de blé, l'usage des bains et les spectacles. Mais Protérius même, à la sollicitation du peuple, intercéda auprès de l'empereur et ramena le calme pour un temps 2.

Le nouvel évêque, ses ordinateurs, ainsi que le clergé d'Alexandrie, écrivirent au Pape son ordination. Protérius avait mis dans sa lettre sa profession de foi. Saint Léon lui répondit, ainsi qu'à ses ordinateurs et au clergé d'Alexandrie, et il adressa une copie de ses réponses à Julien de Cos, qu'il avait établi son nonce à la cour de Constantinople. Il témoignait à Protérius qu'il aurait voulu une profession de foi plus complète. Protérius lui en envoya une telle qu'il la souhaitait, par Nestorius, évêque de Phagone, un des quatre évêques d'Egypte qui, au concile de Calcédoine, avaient souscrit d'eux-mêmes à la lettre de saint Léon et à la condamnation de Dioscore.

Le Pape lui en témoigna son entière satisfaction par une lettre du 10 mars 454, où il l'exhorte ensuite à maintenir avec vigueur la pureté de la foi contre les hérétiques, sans permettre qu'on altérât

Baller, epist. 103. 2 Evagre, 1. 2, c. 5. Theophan., p. 75, aliàs 92.

la vérité par le changement d'une seulé syllabe, qui peut quelquefois servir de couverture à l'hérésie. Il dit que, si Dioscore eût voulu suivre la doctrine établie dans la lettre à Flavien, et qui est entièrement conforme à celle des Pères, nommément de saint Athanase, Théophile et saint Cyrille, ses prédécesseurs, il serait encore aujourd'hui dans la communion de l'Eglise. Il ajoute : Je vous avertis donc, mon très-cher frère, par la sollicitude de la foi qui nous est commune, que, comme les ennemis de la croix du Christ examinent jusqu'à nos moindres paroles et syllabes, nous ne leur donnions aucune occasion de nous accuser faussement de nes torianisme. Il est de votre devoir, en exhortant le peuple, le clergé et tous les frères à s'instruire de plus en plus dans la doctrine de la foi, de leur persuader que vous ne leur enseignez rien que ce que tous les saints évêques, vos prédécesseurs, ont enseigné d'une manière uniforme, et avec lesquels ma lettre à Flavien a une entière conformité. Mais il ne suffit pas que vous leur disiez toutes ces choses, il faut les en convaincre par la lecture et l'explication des ouvrages de ces saints évêques, afin que les peuples reconnaissent qu'on ne leur enseigne rien présentement que ce que nos prédécesseurs avaient appris de leurs pères, et ce qu'ils ont enseigné à leurs successeurs. C'est pourquoi je vous prie de leur lire : premiè rement, les écrits des évêques qui ont été avant nous, et ensuite ma lettre à Flavien, afin qu'ils soient assurés que nous prêchons la même doctrine que nous avons reçue de la tradition. Il l'exhorte enfin à maintenir l'honneur et les droits de son église contre tous ceux qui voudraient y donner atteinte, à contenir sous son autorité les évêques, et à les obliger de venir à son concile quand il les appellerait, pour consulter en commun ce qui pourrait être utile à l'Eglise, lui promettant de l'appuyer de tout son pouvoir1.

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Comme l'empereur Marcien rendait témoignage à la foi de Protérius, saint Léon lui écrivit le même jour, et le pria d'envoyer à Alexandrie, par une personne sûre et sous le sceau impérial, sa lettre à Flavien, fidèlement traduite en grec par les soins de Julien de Cos, et de l'adresser aux juges d'Alexandrie pour la faire lire publiquement. La raison en était, que les eutychiens se permettaient de falsifier cette lettre, tantôt d'une manière, tantôt d'une autre 2.

Saint Léon était en peine du jour auquel l'on devait célébrer la Pâque l'année suivante, 445. Selon le calcul de Théophile d'Alexandrie, ce devait être le vingt-quatrième d'avril, qui semblait un

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terme trop reculé; car on avait cru jusque-là que le jour de Pâques ne devait être, ni plus tôt que le vingt-deux de mars, ni plus tard que le vingt-un d'avril. Dès l'année précédente 453, le pape saint Léon en avait écrit à l'empereur Marcien, le priant de faire examiner cette question par les hommes les plus habiles, afin que la Pâque fût célébrée au même jour dans toutes les églises. Il avait aussi chargé Julien de Cos de solliciter cette affaire, et l'on voit par la quantité de lettres où il en parle, combien il l'estimait importante. L'empereur envoya à Alexandrie un de ses agents avec une lettre à Protérius, qui, pour satisfaire le Pape, lui écrivit une grande lettre où il traite la question à fond.

Il montre que la Pâque doit être célébrée par les chrétiens, non le quatorzième de la lune du premier mois, comme chez les Juifs; mais le dimanche suivant. Par conséquent, lorsque le quatorzième arrive un dimanche, il faut reculer la Pâque jusqu'au dimanche suivant, qui est le vingt-unième. De là, par divers calculs, il conclut que la Pâque de l'an 455 doit être célébrée le vingt-quatrième d'avril. Le comput des Romains était un peu différent. Mais comme les Orientaux s'accordaient à celui d'Alexandrie, le Pape s'y accorda aussi pour le bien de l'unité et de la paix, comme il s'en explique dans sa lettre du 28 juillet 454, aux évêques de Gaule et d'Espagne, auxquels il mande qu'en conséquence, la Pâque de l'année suivante sera le vingt-quatre d'avril et non le dix-sept1.

Pour prévenir des difficultés pareilles, saint Léon fit travailler à un nouveau canon pascal. Au moins est-il vraisemblable que Victorius ne composa le sien que par son ordre. Ce que nous voyons, c'est qu'Hilaire, alors archidiacre de Rome, et depuis Pape, enjoignit à Victorius d'examiner à loisir les opinions diverses qui se trouvaient, sur cette matière, entre les Grecs et les Latins, et de montrer à quoi l'on devait s'en tenir. Victorius était un Gaulois d'Aquitaine, apparemment retiré à Rome à cause des Goths. I accepta la commission, et entreprit, pour travailler plus sûrement, de reprendre toute la suite des lunaisons et des jours, c'est-à-dire des féries, depuis le commencement du monde, suivant la chronique d'Eusèbe. Il trouva que le cycle lunaire des dix-neuf ans, dont se servaient les Grecs, était plus sûr que celui des Latins; et, le multipliant par le cycle solaire de vingt-huit ans, il en fit un canon pascal de 522, plus ample que tous ceux que l'on avait faits jusqu'alors. Il le fait commencer au consulat des deux Géminus, qu'il met pour l'année de la passion, et le finit en l'an 559 de l'in

1 Baller., epist. 133, 137, 138.

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