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conclue, mais l'Auvergne cédée. Euric enferma saint Sidoine dans un château près de Carcassone; puis, à la sollicitation de Léon, son ministre, qui était catholique, lui rendit la liberté, mais le retint long-temps comme en exil à sa cour, qu'il tenait alors à Bordeaux. Il donna le gouvernement de sa nouvelle conquête à Victorius, qui le garda six ans. Victorius se comporta d'abord avec équité, et mérita de Sidoine les plus grands éloges; mais ensuite, s'étant livré à la débauche, il devint cruel et se rendit odieux à la province. Craignant même pour sa vie, et n'osant retourner à la cour d'Euric, qui était instruit de ses méchancetés, il s'enfuit à Rome, où ses débordements excitèrent tant d'horreur, qu'il fut tué par le peuple à coups de pierres.

La paix conclue avec Euric ne rassurait pas entièrement l'empereur Népos. Il envoya donc ordre au patrice Oreste de rassembler des troupes et de les faire passer en Gaule. Oreste était Romain d'origine, mais né en Pannonie, où il avait été secrétaire d'Attila, que servait également son père. Attila étant mort, il vint en Italie avec de grandes richesses, par lesquelles il s'éleva jusqu'au rang de patrice. Il avait épousé la fille du comte Romulus, que Valentinien III avait envoyé au roi des Huns, l'an 449. Il en avait un fils nommé Romulus-Augustus. Oreste était à Rome, lorsqu'il reçut de Ravenne les ordres de Népos. Ayant donc levé des troupes et se voyant chef d'une petite armée, il pensa qu'il valait mieux être empereur que général, et marcha vers Ravenne. A cette nouvelle, Népos s'embarqua, le 28 août 475, et s'enfuit à Salone, dans la même ville où Glycerius, auquel il avait ôté l'empire, était évêque. Ainsi maître de l'empire, Oreste fit proclamer empereur son fils Romulus - Augustus, que les Romains appelèrent communément Augustulus, à cause de sa grande jeunesse. Tout ce que l'on sait de son règne, c'est que c'était un bel enfant. Son père régna pour lui, et assez mal. L'Italie était épuisée; il l'accabla de nouveaux impôts. Les peuples, mêlés de Barbares, ne connaissaient plus de patrie; l'habitude des révolutions les avait accoutumés à n'en craindre aucune. Ils n'étaient plus Romains, et peu leur importait de quels Barbares ils seraient obligés de prendre le nom.

Dans ce découragement général, le jeune Odoacre, que nous avons vu demander la bénédiction à saint Séverin, acheva de renverser un trône et un empire qui tombaient d'eux-mêmes. Il paraît qu'Odoacre était Ruge ou Rugien d'origine, chef d'une partie des Rugiens, et fils d'un certain Edécon, d'abord attaché au service d'Attila, et ensuite chef indépendant des guerriers barbares. En Italic, des Goths, des Hérules, des Syres, des Turcilinges se joi

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gnirent à sa troupe. Ces Barbares voyant Oreste, ci-devant secrétaire d'Attila, disposer de l'empire pour son fils, lui demandèrent qu'il leur abandonnât le tiers des terres d'Italie. Sur son refus, ils proclamèrent Odoacre leur chef, pour leur donner de force ce qu'on ne voulait pas leur donner de gré. Oreste marcha contre eux; mais ne se sentant point assez fort pour leur livrer bataille, il se renferma dans Pavie. Odoacre l'y suivit, emporta la ville d'assaut, y fit un grand carnage, mit le feu aux églises et aux maisons. Oreste fut pris et décapité le 28 août 476, jour auquel, l'année précédente, il avait obligé Népos de prendre la fuite. En reconnaissance, Népos envoya de Salone à Odoacre le titre de patrice. Il se croyait encore un peu empereur, et espérait le redevenir tout-à-fait, lorsqu'il fut tué l'an 480 par Viator et Ovide, qui étaient auprès de lui en qualité de comtes. Quant au jeune empereur Romulus-Auguste, Odoacre le dépouilla de la pourpre; mais, par compassion pour son âge, il lui laissa la vie et l'envoya dans une ancienne maison de campagne de Lucullus, entre Naples et Pouzzoles, avec une pension de six mille pièces d'or, environ cent vingt mille francs de notre monnaie 1. Pour lui-même, il se contenta du titre de roi d'Italie, mais sans prendre les insignes de la royauté. Ainsi tomba l'empire romain, 1229 ans après sa fondation par Romulus, et 506 après sa fondation par Auguste. Il tomba sans bruit, tant il était bas. Il y eut même dans sa chute comme un jeu de mots. Fondé par Romulus et par Auguste, il périt sous Romulus-Auguste.

1 Hist. du Bas-Empire, 1. 35, avec les notes de M. Saint-Martin.

ABBEY

COMMON BO

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LIVRE QUARANTE-DEUXIÈME.

DE L'AN 480 A L'an 496 de L'ÈRE CHRÉTIENNE.

L'Eglise catholique, désolée en Italie par la guerre des Hérules et des Ostrogoths, déchirée en Orient par les schismes des Grecs, persécutée en Afrique par la cruauté des Vandales, en Arménie par la politique des Perses, enfante dans les Gaules la première des nations chrétiennes, la nation française.

L'empire romain avait fini son temps et sa besogne. Comme les Assyriens, les Perses, les Grecs et plus qu'eux tous, il avait contribué à fondre ensemble les divers peuples de la terre, et à les préparer matériellement à l'unité spirituelle, l'empire du Christ. Comme les Assyriens, les Perses et les Grecs, il avait rempli sa tâche sans en avoir l'idée ni l'intention. Tel que la hache du bûcheron ou le marteau du forgeron, il ignorait la main qui le faisait mouvoir. Même quand cette main se fit connaître à lui, il regimba contre. Quand l'Eternel manifesta la volonté de donner à son Fils les nations pour héritage, l'empire romain se souleva contre l'Eternel et son Christ. C'est que Rome voulait elle-même être la déesse des terres et des nations; elle voulait que ses empereurs fussent des dieux et qu'on les adorât sous peine de mort. L'ancienne Rome combattit donc contre l'Eternel pour ses idoles, dont elle était la première; la nouvelle Rome, Constantinople, combattit contre le Christ, pour lui ravir sa divinité et la prostituer à ses empereurs. Mais l'Eternel avait dit à son Christ: Tu les gouverneras avec un sceptre de fer, et tu les briseras comme un vase d'argile, jusqu'à ce que les rois comprennent, et que les juges de la terre s'instruisent'. Et nous voyons les peuples et les rois servir de verge de fer les uns contre les autres; et nous voyons les empereurs romains brisés au moindre choc, comme des vases d'argile : Rome elle-même, dont le nom veut dire force, est là comme un pot de terre, qui, une fois brisé, ne peut plus se remettre.

Pour combattre l'Eternel et son Christ, l'ancienne Rome rendait les peuples de plus en plus idolâtres ; la nouvelle Rome les rendait

Ps. 2..

hérétiques. Pour les punir l'une et l'autre, le Christ emploiera des peuples hérétiques et idolâtres. Les Huns, les Goths, les Vandales, les Hérules, qui ravagent l'Orient et l'Occident, et qui mettent fin à l'empire de Romulus et d'Auguste, sont idolâtres ou ariens; et l'arianisme leur était venu de Constantinople; et Constantinople, avec son empire grec, que nous voyons successivement enfanter contre le Christ, les hérésies d'Arius, de Nestorius, d'Eutychès et des iconoclastes, deviendra finalement la proie d'un peuple arien et iconoclaste, les mahométans. L'événement a été montré d'avance à l'apôtre saint Jean; il lui a été dit qu'une dixaine de cornes ou puissances, rois et peuples issus de Rome et de son empire, combattraient d'abord avec elle contre l'Agneau ou le Christ, et qu'ensuite ils se tourneraient contre elle pour la mettre à feu et à sang. A la chute de l'empire romain, on voit en = effet une dixaine de puissances ou de royaumes, formés ou se formant de ses débris : les Grecs, les Perses, les Sarrasins en Orient; les Vandales en Afrique; les Suèves, les Visigoths, les Bourguignons, les Francs dans les Gaules; les Anglo-Saxons dans la GrandeBretagne; les Hérules et bientôt les Ostrogoths en Italie. Il est dit encore que l'Agneau ou le Christ finirait par les vaincre, soit par la force, soit par la douceur. Les premiers qui céderont à la douceur de sa grâce, seront les Francs : premier-né des peuples catholiques, première nation d'un monde nouveau puisse-t-elle à jamais se montrer digne de son rang!

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La chute de l'empire romain n'étonna point; on s'y attendait. On ne s'inquiéta guère plus on voyait un autre empire, qui n'est point sujet à tomber, l'Eglise, où se réfugiaient de toutes parts les plus éminents personnages. Glycérius, à Salone, jouissait, comme évêque, de la sécurité qu'il n'avait pu trouver comme empereur. Sidoine Apollinaire, gendre de l'empereur Avitus, illustrait le trône épiscopal d'Auvergne. Vienne, alors dignement occupée par saint Mamert, comptera bientôt parmi ses évêques un petit-fils du même empereur. Le comte Arbogaste, Franc d'origine, sera évêque de Chartres. Reims avait pour évêque Remi, d'une des plus nobles familles des Gaules, mais plus illustre encore comme apôtre des Francs.

A cette époque, un saint évêque était le refuge des peuples pour le temporel et le spirituel. Nous l'avons vu par saint Germain d'Auxerre, saint Loup de Troyes, saint Epiphane de Pavie, saint Sidoine d'Auvergne, saint Patient de Lyon. Il faut y joindre saint Mamert de Vienne.

1 Apoc., 17.

Vers l'an 468, la ville de Vienne fut affligée de plusieurs calamités qui présageaient des calamités plus grandes encore. C'étaient des incendies fréquents, des tremblements de terre presque continuels, des bruits lugubres qu'on entendait pendant la nuit; on voyait des cerfs et d'autres bêtes sauvages paraître en plein jour dans les places les plus fréquentées de la ville. Soit que ce fussent en effet des animaux, ou que ce ne fussent que des spectres, les augures qu'on en tirait n'étaient pas moins sinistres. Plusieurs des principaux de la ville de Vienne crurent devoir en sortir, de peur d'être enveloppés sous ses ruines. Les autres étaient dans de continuelles frayeurs, et ils attendaient avec impatience la fête de Pâques, espérant qu'elle serait pour eux comme une réconciliation solennelle avec le Seigneur, et que la fin de leurs péchés serait celle de leurs maux. Ils ne se trompèrent pas; mais pour les affermir dans ces sentiments de pénitence, Dieu permit que leurs alarmes redoublassent dans le temps même qu'ils se flattaient de les voir finir.

En effet, comme tout le peuple célébrait dans l'église la vigile de Pâques avec un redoublement de ferveur, on entendit un fracas plus terrible encore qu'à l'ordinaire, et l'on vint annoncer que le palais, situé dans le lieu le plus élevé de Vienne, était tout en feu et menaçait la ville d'un embrasement général. Le peuple, alarmé, quitte aussitôt l'église pour tâcher d'arrêter l'incendie ou pour sauver ses effets. Le saint évêque Mamert demeura seul, prosterné devant l'autel; et ses larmes furent plus efficaces pour éteindre les flammes que les efforts des habitants. Ce fut en ces tristes circonstances que ce saint évêque, resté seul en prières, forma la résolution d'instituer des jeûnes et des processions solennelles pour désarmer le bras vengeur de Dieu. Il laissa passer les fêtes de Pâques sans en parler, pour ne pas troubler la joie de cette solennité; mais aussitôt après il communiqua son pieux dessein, qui fut unanimement approuvé. On craignait fort que le sénat de Vienne ne s'opposât à cette nouvelle institution, attendu qu'il souffrait à peine les anciennes ; mais la componction qui serrait alors tous les cœurs les rendit aisément dociles 1.

On choisit pour le jeûne les trois jours qui précèdent l'Ascension. Saint Mamert, pour éprouver la ferveur de son peuple, marqua, pour la station du premier jour, une église assez proche de la ville; mais le jour suivant, il assigna un terme beaucoup plus éloigné, où l'on devait se rendre en procession, en chantant des

1S. Avit. Homil. ad Rogat.

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