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encore écrit de cette affaire à aucun autre évêque, et marque ainsi l'état de Constantinople. « Maintenant les peuples ne s'assemblent point avec lui, c'est-à-dire avec Nestorius, sinon quelque peu des plus légers et de ses flatteurs : presque tous les monastères et leurs archimandrites, et beaucoup de sénateurs, ne vont point aux assemblées, crainte de blesser la foi. Votre Sainteté doit savoir que tous les évêques d'Orient sont d'accord avec nous, que tous sont choqués et affligés, principalement les évêques de Macédoine. Il le sait bien, mais seul il se croit plus sage que tous. Nous n'avons pas voulu rompre ouvertement de communion avec lui, avant d'avoir communiqué ces choses à votre Sainteté. Daignez donc déclarer votre sentiment pour servir de type, s'il faut encore communiquer avec lui ou lui dénoncer nettement que tout le monde l'abandonnera, s'il persiste dans ces opinions. Mais il faut que la sentence de votre Sainteté soit déclarée aux évêques de Macédoine et d'Orient. Ce sera leur donner l'occasion qu'ils désirent, de s'affermir dans l'unité de sentiments, et de venir au secours de la foi orthodoxe qu'on attaque. Et afin de mieux instruire votre Sainteté de ses sentiments et de ceux des Pères, j'envoie les livres où les passages sont marqués, et je les ai fait traduire comme on a pu à Alexandrie. Je vous envoie aussi les lettres que j'ai écrites 2. »

Cette lettre au Pape fut portée par le diacre Possidonius, qui fut aussi chargé d'une instruction qui résumait la doctrine de Nestorius en ces termes. La foi ou plutôt la perfidie de Nestorius est telle. Il dit que Dieu le Verbe, ayant connu d'avance que celui qui naîtrait de la sainte Vierge serait saint et grand, le choisit à cause de cela, le fit naître de la Vierge sans le concours de l'homme, lui accorda par grâce d'être appelé de ses noms, et le ressuscita d'entre les morts. Ainsi, quand on dit que le Verbe, Fils unique de Dieu, s'est fait homme, on le dit parce qu'il a toujours été avec cet homme saint né de la Vierge. Comme il a été avec les prophètes, dit-il, ainsi est-il avec celui-ci par une conjonction plus grande. C'est pourquoi il évite partout de dire union, mais l'appelle conjonction, telle qu'il peut y en avoir entre deux personnes l'une hors de l'autre ; comme quand Dieu dit à Josué : Je serai avec vous comme j'ai été avec Moïse. Pour cacher son impiété, il dit : 1o Que le Verbe a été avec l'homme dès le sein de sa mère. 2o Aussi ne dit-il pas qu'il soit Dieu véritable, mais appelé de ce nom par la grâce de Dieu. De même, il ne veut qu'il soit appelé Seigncur que parce que le Verbe a bien voulu qu'il fût appelé de ce nom. 3o Il

1 τυπώσαι το δόκον, declarer juridiquement.

2 Labbe,

Coustant.

ne dit pas non plus avec nous que le Fils de Dieu est mort pour nous et qu'il est ressuscité; mais l'homme, dit-il, est mort et ressuscité, sans aucune participation du Verbe de Dieu. 4o Nous confessons que le Verbe de Dieu est immortel, qu'il est la vie; mais nous croyons en même temps qu'il s'est fait chair, c'est-à-dire que, s'étant uni la chair avec une âme raisonnable, il a souffert dans la chair suivant les Ecritures, et, parce que son corps a souffert, nous disons qu'il a souffert lui-même, quoiqu'il soit impassible de sa nature; de même, parce que sa chair est ressuscitée, nous disons qu'il est lui-même ressuscité des morts. Mais Nestorius ne pense point ainsi il dit que la souffrance est de l'homme, que la résurrection est de l'homme, que ce que l'on propose dans les mystères est le corps d'un homme. Nous croyons, au contraire, que la chair du Verbe peut donner la vie, parce que c'est la chair et le sang du Verbe qui donnent la vie à toutes choses *.

Le pape saint Célestin ayant reçu toutes ces pièces, assembla un concile à Rome, vers le commencement du mois d'août 450, où les écrits de Nestorius furent examinés et comparés à ceux des Pères. Le Pape y rapporta les autorités de saint Ambroise, de saint Hilaire et de saint Damase, après quoi la doctrine de Nestorius fut condamnée, et saint Cyrille chargé de l'exécution. Le Pape lui en écrivit une lettre dans laquelle il foue son zèle et sa vigilance, et lui déclare qu'il est entièrement dans ses sentiments touchant l'incarnation. Que si Nestorius persiste dans son opiniâtreté, il faudra le condamner; mais il faut tenter auparavant tous les moyens de le ramener. En attendant, tous ceux qu'il a séparés de sa communion doivent savoir qu'ils demeurent dans la nôtre; lui-même ne peut avoir désormais de communion avec nous, s'il continue à combattre la doctrine apostolique. C'est pourquoi, par l'autorité de notre Siége et agissant à notre place, vous exécuterez cette sentence avec une sévérité exemplaire; en sorte que si dans l'espace de dix jours, à compter depuis cette admonition, il n'anathématise par une confession écrite sa doctrine impie, et ne promet de confesser à l'avenir, touchant la génération de Jésus-Christ, notre Dieu, la foi qu'enseigne l'Eglise romaine, et votre église, et toute la chrétienté, votre sainteté pourvoie aussitôt à cette église, c'est-à-dire à celle de Constantinople, et qu'il sache qu'il sera absolument séparé de notre corps. Nous avons écrit les mêmes choses à nos saints frères et coévêques Jean, Rufus, Juvénal et Flavien, afin que l'on connaisse partout notre sentence à son égard, ou plutôt la divine sentence de notre Seigneur Jésus-Christ 2,

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Les quatre évêques dont il parle étaient Jean d'Antioche, Rufus de Thessalonique, Juvénal de Jérusalem, Flavien de Philippes. La lettre qu'il leur adressa contient en substance les mêmes choses que la précédente. Le même jour, 11 août 450, il en adressa une autre au peuple et au clergé de Constantinople, qu'il appelle ses membres. Elle est pleine d'exhortations à demeurer fermes dans la foi catholique, et de consolation pour ceux que Nestorius persécutait. Le Pape y déclare nulles toutes les excommunications prononcées par Nestorius, depuis qu'il a commencé à enseigner ses erreurs. Il ajoute que ne pouvant agir en personne à cause de l'éloignement, il a commis à sa place son saint frère Cyrille. Puis il met la sentence qui termine la lettre précédente.

Le même jour encore, il adressa une lettre à Nestorius même. Il y marque comme il a été trompé dans la bonne opinion qu'il avait conçue de lui sur sa réputation. Il dit qu'il a lu ses lettres et les livres qu'il lui avait envoyés, et qu'il a trouvé ses opinions touchant le Verbe divin peu d'accord avec elles-mêmes, mais surtout contraires à la foi catholique. Il lui rappelle les deux lettres que Cyrille lui avait écrites, et l'avertit qu'elles lui tiendront lieu de première et de seconde monition, et celle qu'il lui écrivait lui-même, de troisième; ajoutant que, s'il ne corrige ce qu'il a enseigné de mauvais, et ne rentre dans la vraie voie, qui est JésusChrist, il le séparera de sa communion et de celle de toute l'Eglise. Il lui fait l'application de ces paroles de l'apôtre : Je sais qu'après mon départ, il entrera parmi vous des loups ravisseurs qui n'épargneront point le troupeau; parce qu'en effet, au lieu de veiller à la garde de ses ouailles, il les vexait par ses ravages, en persécutant ceux qui suivaient la foi catholique. Il lui représente que jamais aucuns de ceux qui ont attaqué l'Eglise ne sont sortis victorieux du combat, et qu'ils ont tous été flétris d'une même censure, c'est-àdire chassés de l'Eglise. Il en donne pour exemple Paul de Samosate et les pélagiens, sur lesquels, dit-il, vous nous avez consultés, comme si vous ne saviez pas ce qui s'est passé. Ils ont été condamnés, et justement, et chassés de leurs siéges. Ce qui nous étonne, c'est que vous souffriez des gens qui ont été condamnés pour nier le péché originel, vous qui le croyez si bien, comme nous avons lu dans vos sermons. Les contraires ne s'accordent jamais sans donner du soupçon, et vous les chasseriez encore, s'ils vous déplaisaient comme à ceux qui les ont chassés. Et pourquoi demandez-vous ce qui s'est passé contre eux, puisque c'est d'Atticus, votre prédécesseur, que nous en avons ici les actes? Pourquoi Sisinnius, de sainte mémoire, ne s'en est-il point informé, sinon parce qu'il savait

qu'ils avaient été justement condamnés sous Atticus, son prédé—

cesseur.

« Au lieu de vous occuper des autres, médecin, guérissez-vous vous-même. Votre mal exige un prompt remède. Nous avons approuvé et nous approuvons la foi de l'évêque d'Alexandrie. Averti par lui, ayez les mêmes sentiments que nous, si vous voulez être avec nous. Condamnez ce que vous avez pensé jusqu'à présent, et prêchez aussitôt, nous le voulons, ce que vous lui verrez prêcher. Après la condamnation de votre mauvaise doctrine, une preuve complète de votre correction, c'est que vous rappelliez à l'Eglise tous ceux qui en ont été expulsés pour la cause du Christ, et que vous les rappelliez tous. Si on ne fait ce que nous disons, on chassera celui qui a chassé ; d'autant plus que ceux contre lesquels vous avez tenu une conduite pareille, sont dans notre communion. Nous avons aussi écrit au clergé et aux fidèles de Constantinople, ce que la nécessité exige; à savoir que, si vous vous obstinez dans votre perverse doctrine et que vous ne prêchiez pas ce que prêche avec nous notre frère Cyrille, vous êtes retranché du nombre de nos collègues et que vous ne pouvez avoir de communion avec nous. Sachez donc hautement que, si vous ne prêchez, touchant le Christ notre Dieu, ce que tient l'église de Rome, d'Alexandrie, et toute l'Eglise catholique, ce que la sainte église de Constantinople a tenu jusqu'à vous; et si dans dix jours, à compter depuis notre monition que voici, vous ne condamnez nettement et par écrit cette nouveauté impie qui veut séparer ce que l'Ecriture joint ensemble, vous êtes exclus de la communion de toute l'Eglise catholique. L'acte authentique de ce jugement, ainsi que les autres papiers, nous l'adressons par le diacre Possidonius à notre saint collègue l'évêque d'Alexandrie, afin qu'il agisse à notre place, et que notre décret vous soit connu et à vous et à tous nos frères, car tous doivent savoir ce qui se fait, quand il s'agit de la cause de tous. Que Dieu vous conserve, bien-aimé frère 1. »

Saint Cyrille ayant reçu les lettres du pape saint Célestin, les envoya à ceux à qui elles étaient adressées, et accompagna de ses lettres celles qui étaient pour Jean d'Antioche et pour Juvénal de Jérusalem, qui avait succédé à Prayle depuis trois ou quatre ans. Il exhorte Jean à se déterminer, déclarant que, pour lui, il est résolu de suivre le jugement du Pape et des évêques d'Occident, pour conserver leur communion. Jean avait déjà vu peu auparavant une lettre que saint Cyrille venait d'écrire à l'évêque Acace de Bérée.

Coust., 1114. Labbe, 353.

Quant à Juvénal, il lui dit qu'il faut écrire à l'empereur, afin qu'il prenne l'intérêt de la religion et délivre l'Eglise de ce faux pasteur. Il marque à l'un et à l'autre qu'il a fait son possible pour ramener Nestorius à la raison. Dans ces lettres, il appelle le Pape son Seigneur et qualifie son décret de formulaire défini 1.

Jean d'Antioche était ami de Nestorius, qui avait été tiré de son clergé. Il lui envoya copie des pièces qu'il venait de recevoir, avec une lettre pleine d'amitié, pour le porter à la soumission.

J'ai, dit-il, reçu plusieurs lettres, l'une du très-saint évêque Célestin; les autres, de Cyrille, évêque bien-aimé de Dieu. Je vous en envoie des copies, et je vous prie de tout mon cœur de les lire de telle sorte, qu'il ne s'élève aucun trouble dans votre esprit, puisque c'est de là qu'il arrive des contentions et des séditions trèsnuisibles, et aussi de ne mépriser pas la chose, parce que le diable sait pousser si loin par l'orgueil les affaires qui ne sont pas bonnes, qu'il n'y reste plus de remède; mais de les lire avec douceur, et d'appeler à cette délibération quelques-uns de vos plus fidèles amis, en leur donnant la liberté de vous dire des choses utiles plutôt qu'agréables, parce qu'en choisissant pour cet examen plusieurs personnes sincères et qui vous parlent sans crainte, ils vous donneront plus facilement leur conseil, et par ce moyen, ce qui est triste et fâcheux, aussitôt deviendra facile. En effet, quoique le terme de dix jours fixé par la lettre de monseigneur le très-saint évêque Célestin soit bien court, vous pouvez faire la chose en un jour, même en peu d'heures. Car il est facile, en parlant de l'incarnation de notre Seigneur, de se servir d'un terme convenable, usité par plusieurs des Pères, et qui exprime véritablement sa naissance de la Vierge. Vous ne devez ni rejeter ce terme comme dangereux, ni penser qu'il ne faut pas vous dédire. Si vous êtes dans les mêmes sentiments que les Pères et les docteurs de l'Eglise, comme nous avons appris par plusieurs amis communs, quelle peine avez-vous à déclarer votre saine doctrine, principalement dans ce grand trouble qui s'est élevé à votre sujet? Car, sachez que cette question est agitée au près et au loin; toute l'Eglise en est émue, et partout les fidèles en sont tous les jours aux mains. Vous le verrez clairement par la chose même. L'Occident, l'Egypte et peut-être la Macédoine ont résolu de rompre l'union que Dieu a accordée à son Eglise par les travaux de tant d'évêques et principalement du grand Acace. (Il entend Acace de Bérée, et parle de l'union qui finit le schisme d'Antioche du temps de l'évêque Alexandre et du pape

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