Images de page
PDF
ePub

saint Innocent). Que s'il vous faut un exemple, souvenez-vous du bienheureux évêque Paul. Ayant échappé dans la prédication quelque chose qui fut trouvé inexact par les auditeurs, en particulier par vous, peu de jours après, pour le bien de l'Eglise, il le rétracta publiquement et en fut chéri de tout le monde.

Jean exhorte vivement Nestorius de faire de même, d'employer le mot de mère de Dieu, Théotocos, puisqu'aucun des docteurs de l'Eglise ne l'a jamais rejeté, et qu'un grand nombre s'en est servi, sans être repris par ceux qui ne s'en servaient pas. Il montre que l'on ne peut rejeter la signification de ce mot sans tomber dans des erreurs dangereuses, puisqu'il s'ensuivra, contre l'autorité manifeste de l'Ecriture, que ce n'est pas Dieu qui s'est incarné et anéanti en prenant la forme d'esclave. Il ajoute : Si avant ces lettres le grand nombre agissait si fortement contre nous, que ne feront-ils point maintenant qu'elles leur donnent une si grande autorité? Je vous écris ceci, non pas seul, mais avec plusieurs évêques de vos amis, qui se sont trouvés présents quand on m'a rendu ces malheureuses lettres, savoir: Archélaüs, Apringius, Théodoret, Héliade, Mélèce et Macaire, qui vient d'être ordonné évêque de Laodicée. Il ne marque le siége que de celui-ci, parce que Nestorius connaissait les autres 1.

<< Il y a dans cette affaire deux circonstances fort importantes, dirons-nous avec Bossuet: l'une, que le Pape décidait avec une autorité fort absolue; car il écrit à saint Cyrille en ces termes : C'est pourquoi, par l'autorité de notre Siége et agissant à notre place avec puissance, vous exécuterez la sentence avec une sévérité exemplaire. C'est Célestin qui prononce, c'est Cyrille qui exécute, et il exécute avec puissance, parce qu'il agit par l'autorité du Siége de Rome. Ce qu'il écrit à Nestorius n'est pas moins fort, puisqu'il donne son approbation à la foi de saint Cyrille; et, en conséquence, il ordonne à Nestorius de se conformer à ce qu'il lui verra enseigner, sous peine de déposition. L'autre circonstance est, que tous les évêques de l'Eglise grecque étaient disposés à obéir. Une si grande puissance exercée dans l'Eglise grecque, et encore contre un patriarche de Constantinople, donne sans doute une grande idée de l'autorité du Pape. Il se montrait le supérieur de tous les patriarches: il déposait celui de Constantinople; celui d'Alexandrie tenait à honneur d'exécuter la sentence; celui d'Antioche, quelque ami qu'il fût de Nestorius, ne songeait pas seulement à y résister; Juvénal, patriarche de Jérusalem, était dans le même sentiment;

'Labbe, 317.

Célestin leur donnait ses ordres et à tous les autres évêques de l'Eglise grecque, et sa sentence allait être exécutée sans opposition.»> Telles sont les observations que Bossuet reproche à un historien de l'Eglise, Ellies Dupin, de n'avoir pas faites dans son histoire. Il lui reproche une autre omission aussi importante.

« Il était important de remarquer, dit-il, qu'encore que le blasphême de Nestorius contre la personne de Jésus-Christ, renversât le fondement du christianisme, aucun autre évêque que le Pape n'osa prononcer sa déposition, et cela sert à conclure qu'il n'y avait que lui seul qui eût droit sur lui et qui fût son supérieur. M. Dupin n'en dit mot. Saint Cyrille eut bien la pensée, comme il le dit luimême, de lui déclarer synodiquement qu'il ne pouvait plus communiquer avec lui, ce qu'il semble qu'il pouvait faire, puisque le clergé et le peuple de Constantinople avaient déjà refusé de participer à la communion de ce blasphêmateur. Saint Cyrille n'osa pourtant pas le faire; il crut que la séparation d'un patriarche d'avec un autre qui ne lui était pas soumis, était un acte trop juridique pour être entrepris sans l'autorité du Pape. « Je n'ai pas voulu, dit-il » dans sa lettre à Célestin, me retirer de la communion de Nestorius >> avec hardiesse et confiance, jusqu'à ce que j'aie su votre sentiment. »Daignez donc déclarer votre pensée, et si nous devons communiquer » avec lui ou non. » Le mot grec signifie déclarer juridiquement. TUTOS, c'est une règle, c'est une sentence, et tuññoaɩ tò doxòy, c'est déclarer juridiquement son sentiment. Le Pape seul le pouvait faire : Cyrille ni aucun autre patriarche n'avaient le pouvoir de déposer Nestorius, qui ne leur était pas soumis; le Pape seul l'a fait, personne n'y trouve à redire, parce que son autorité s'étendait sur tous 1. »

et

Cependant saint Cyrille, en exécution de la commission du Pape, assembla les évêques d'Egypte à Alexandrie, au mois de novembre 450. Les deux premières lettres qu'il avait écrites à Nestorius y furent approuvées; il lui en écrivit une troisième au nom de ce concile et de la part du concile de Rome, présidé par le très-saint évêque Célestin, pour lui servir de troisième et dernière monition, lui déclarant que, si dans le terme fixé par le Pape, c'est-à-dire dans dix jours après la réception de cette lettre, il ne renonce à ses erreurs, ils ne veulent plus avoir de communion avec lui et ne le tiendront plus pour évêque, mais que dès-lors ils communiqueront avec les clercs et les laïques qu'il avait déposés ou excommuniés.

'Bossuet. Remarques sur l'histoire des conciles d'Ephèse et de Calcédoine, de M. Dupin, t. 30 de ses œuvros, édit. de Versailles, 524.

P.

Au reste, ajoutent-ils, il ne suffira pas que vous professiez le symbole de Nicée, car, ou vous ne l'entendez pas, ou vous lui donnez des interprétations violentes. C'est pourquoi il est nécessaire que vous anathématisiez par écrit tous les mauvais sentiments que vous avez eus jusqu'ici, et dont vous avez imbu les autres ; que vous promettiez avec serment de croire et d'enseigner à l'avenir ce que nous croyons tous, nous et tous les évêques d'Occident et d'Orient, et tous ceux qui conduisent les peuples. A l'égard des lettres qui vous ont été écrites par l'église d'Alexandrie, le saint concile de Rome et nous tous sommes convenus qu'elles sont orthodoxes et sans erreur.

Saint Cyrille rapporte ensuite en détail les articles de doctrine que Nestorius devait embrasser et enseigner, et ceux dont il devait s'abstenir. Il propose les premiers par les paroles mêmes du symbole de Nicée, et, comme les erreurs de Nestorius attaquaient principalement le mystère de l'Incarnation, il en donne une explication très-ample et très-exacte, conforme en tout à ce qu'il en avait déjà dit dans ses lettres précédentes. Il tire, entre autres, cette preuve de l'eucharistie : « Nous annonçons la mort de JésusChrist, et nous confessons sa résurrection et son ascension en célébrant dans les églises le sacrifice non sanglant; ainsi nous nous approchons des eulogies mystiques, et nous sommes sanctifiés en participant à la chair sacrée et au précieux sang de notre Sauveur Jésus-Christ; nous ne la recevons pas comme une chair commune, à Dieu ne plaise, ni comme la chair d'un homme sanctifié et conjoint au Verbe par une union de dignité ou en qui la divinité ait habité, mais comme vraiment vivifiante et propre au Verbe. Car lui qui est vie de sa nature, comme Dieu, étant devenu un avec sa chair, l'a rendue vivifiante; autrement, comment la chair d'un homme serait-elle vivifiante de sa nature? Encore donc que JésusChrist nous dise dans saint Jean: Si vous ne mangez la chair du Fils de l'homme et si vous ne buvez son sang, vous n'aurez point la vie en vous, il ne faut pas croire que cette chair soit une chair commune et de même condition que la nôtre, qui de sa nature n'est point vivifiante, mais que cette chair est véritablement la propre chair de celui qui, à cause de nous, s'est fait et est appelé Fils de l'homme. »

Il fait voir que les deux natures, quoique différentes, étant unies personnellement en Jésus-Christ, il est un et seul, et non pas deux; comme l'homme, quoique composé de corps et d'âme, qui sont deux natures différentes, est un. Il rapporte quelques passages de l'Ecriture, qui marquent en Jésus-Christ deux natures différentes,

et prouve par d'autres que ces deux natures sont unies en lui selon l'hypostase. La conclusion qu'il en tire est que, la sainte Vierge ayant engendré corporellement le Verbe de Dieu uni personnellement à la chair, elle doit être appelée mère de Dieu, non que le Verbe ait tiré de la chair le commencement de son être, puisqu'il est coéternel au Père, mais parce que, s'étant uni hypostatiquement à la nature humaine, il a pris dans le sein de la Vierge une naissance corporelle. C'est là, ajoute-t-il, ce que nous avons appris à croire avec les saints apôtres et évangélistes, comme étant une doctrine établie par toutes les Ecritures divinement inspirées et par le consentement unanime des saints Pères; c'est à cette doctrine que vous devez souscrire avec nous, dans toute sincérité et sans aucun détour.

Saint Cyrille lui déclare ensuite, dans douze anathématismes, les erreurs qu'il devait condamner, s'il voulait être tenu pour catholique. Il choisit pour cela quelques-unes des propositions avancées par Nestorius.

1o Si quelqu'un ne confesse pas que l'Emmanuel est véritablement Dieu, et par conséquent, la sainte Vierge mère de Dieu, puisqu'elle a engendré selon la chair le Verbe de Dieu fait chair; qu'il soit anathème! 2o Si quelqu'un ne confesse pas que le Verbe, qui procède de Dieu le Père, est uni à la chair selon l'hypostase, et qu'avec sa chair il fait un seul Christ, qui est Dieu et homme tout ensemble; qu'il soit anathème! 3o Si quelqu'un, après l'union, divise les hypostases du seul Christ, les joignant seulement par une connexion de dignité, d'autorité ou de puissance, et non par une union réelle; qu'il soit anathème! 4° Si quelqu'un attribue à deux personnes ou à deux hypostases, les choses que les apôtres et les évangélistes rapportent comme ayant été dites de Jésus-Christ, par les saints ou par lui-même, et applique les unes à l'homme, considéré séparément du Verbe de Dieu, et les autres, comme dignes de Dieu, au seul Verbe procédant de Dieu le Père; qu'il soit anathème! 5o Si quelqu'un ose dire que Jésus-Christ est un homme qui porte Dieu, au lieu de dire qu'il est Dieu en vérité, comme Fils unique et par nature, en tant que le Verbe a été fait chair et a participé comme nous à la chair et au sang; qu'il soit anathème! 6° Si quelqu'un ose dire que le Verbe, procédant de Dieu le Père, est le Dieu ou le Seigneur de Jésus-Christ, au lieu de confesser que le même est tout ensemble Dieu et homme, en tant que le Verbe a été fait chair, selon les Ecritures; qu'il soit anathème!

7° Si quelqu'un dit que Jésus, en tant qu'homme, a été possédé du Verbe de Dieu et revêtu de la gloire du Fils unique, comme

étant un autre que lui; qu'il soit anathème! 8o Si quelqu'un ose dire que l'homme pris par le Verbe doit être adoré, glorifié et nommé Dieu avec lui, comme étant l'un en l'autre; car, y ajoutant le mot avec, il donne cette pensée, au lieu d'honorer l'Emmanuel par une seule adoration, et lui rendre une seule glori– fication, en tant que le Verbe a été fait chair; qu'il soit anathème! 9° Si quelqu'un dit que notre Seigneur Jésus-Christ a été glorifié par le Saint-Esprit, comme ayant reçu de lui une puissance étrangère pour agir contre les esprits immondes et opérer des miracles sur les hommes, au lieu de dire que l'esprit par lequel il les opérait lui était propre ; qu'il soit anathème! 10° L'Ecriture divine dit que Jésus-Christ a été fait le pontife et l'apôtre de notre foi, et qu'il s'est offert pour nous à Dieu le Père, en odeur de suavité. Donc, si quelqu'un dit que notre pontife et notre apôtre n'est pas le Verbe de Dieu lui-même, depuis qu'il s'est fait chair et homme comme nous, mais un homme né d'une femme, comme si c'était un autre que lui, ou si quelqu'un dit qu'il a offert le sacrifice pour lui-même,

au lieu de dire que c'est seulement pour nous, car il n'avait pas

besoin de sacrifice, lui qui ne connaissait pas le péché; qu'il soit anathème ! 11° Si quelqu'un ne confesse pas que la chair du Seigneur est vivifiante et propre au Verbe même qui procède de Dieu le Père, mais l'attribue à un autre qui lui soit conjoint selon la dignité et en qui la divinité habite seulement, au lieu de dire qu'elle est vivifiante, parce qu'elle est propre au Verbe qui a la force de vivifier toutes choses; qu'il soit anathème! 12o Si quelqu'un ne confesse pas que le Verbe de Dieu a souffert selon la chair, qu'il a été crucifié selon la chair, et qu'il a été le premier-né d'entre les morts, en tant qu'il est vie et vivifiant comme Dieu; qu'il soit anathème !

Voilà les douze fameux anathèmes de saint Cyrille contre toutes les propositions hérétiques que Nestorius avait avancées. La lettre synodale qui les contient est datée du trente novembre, mais c'est la date du jour où elle fut remise à Nestorius, à Constantinople. Saint Cyrille l'envoya à Constantinople signée de sa propre main. Elle fut accompagnée de deux autres lettres, l'une au clergé et au peuple de Constantinople, l'autre aux abbés des monastères de la même ville, par lesquelles saint Cyrille marque qu'il a attendu à la dernière extrémité pour en venir à ce fâcheux remède de l'excommunication, et les exhorte à demeurer fermes dans la foi et à communiquer librement avec ceux que Nestorius avait excommuniés.

[blocks in formation]
« PrécédentContinuer »