Images de page
PDF
ePub
[graphic][merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors]

DE FRANCE.

LA FRANCE SOUS LOUIS XV.

LIVRE SIXIÈME.

DE LA PAIX DE PARIS A LA MORT DE LOUIS XV.

1765-1774.

Destruction des jésuites.

Corse.

[ocr errors]

Lutte de la cour et des parlements. Acquisition de la Terrai, contrôleur-général. Système de banqueroute. Chute de Choiseul.-Règne de la Dubarri. Triumvirat de Maupeou, Terrai et d'Aiguillon. Destruction des parlements. Partage de la Pologne. Pacte de famine. Le roi

accapareur. - Mort de Louis XV.

Il nous reste à parcourir les dernières vicissitudes politiques de l'ancienne société française, qui se précipite d'un mouvement de plus en plus accéléré vers la catastrophe. La fin du règne de Louis XV ne montre que des ruines qui s'accumulent et préparent la grande ruine : les

T. XIX.

1

la famille existait à peine, le pouvoir paternel étant tout entier dans les mains des moines-rois, avec le sol et avec le commerce des productions du sol'.

Le Paraguai, cependant, appartenait nominalement à la couronne d'Espagne. En 1750, une transaction eut lieu entre l'Espagne et le Portugal pour un échange de territoire : l'Espagne céda le Paraguai contre la colonie du Sacramento (rive orientale de la Plata); elle céda la terre sans les hommes, et stipula que les habitants seraient transférés sur terre espagnole. Les Indiens, encouragés par les jésuites, refusèrent de se laisser emmener loin de leur pays comme des troupeaux, soutinrent un combat contre les troupes espagnoles, et, poursuivis, traqués avec barbarie, se dispersèrent dans les forêts et dans les pampas (1753-1756). L'échange, néanmoins, par suite de complications nouvelles, ne fut pas réalisé; mais les deux gouvernements gardèrent rancune aux jésuites, quoique la Société eût désavoué après coup une résistance assurément fort légitime.

Les cabinets de Madrid et de Lisbonne avaient, comme on l'a montré tout à l'heure, des griefs mieux fondés. Ce fut en Portugal que l'orage éclata d'abord. C'était le pays de l'Europe où les jésuites exerçaient la domination la plus absolue, et leur introduction dans ce royaume, si

Une bulle de Benoît XIV, du 25 décembre 1741, atteste que les jésuites, paternels au Paraguai, n'étaient pourtant point partout sans reproches envers les Indiens. Cette bulle leur défendait « de mettre en servitude lesdits Indiens, les vendre, les acheter, les échanger..., les séparer de leurs femmes et de leurs enfants, les dépouil1er de leurs biens et de leurs effets, etc. » — - V. l'Arrêt du parlement de Paris contre les jésuites, du 6 août 1761; Ap. Anciennes lois françaises, t. XXII, p. 357. Ils avaient essayé la traite des noirs : « En Afrique, ils avaient tenté d'établir des comptoirs, pour fournir des esclaves aux pêcheries de perles, qu'ils exploitaient dans l'Inde. » Desalles, Histoire des Antilles, t. V, p. 455. - Cet écrivain donne des détails très-intéressants sur les affaires des jésuites aux Iles.

[ocr errors]
[ocr errors]

rence qui s'arrogeait tous les droits et repoussait toutes les charges, mais par la contrebande, facile à qui n'avait point à redouter les visites douanières. Ils lésaient ainsi à la fois les gouvernements et les particuliers, et une sourde irritation couvait contre eux au fond de bien des cœurs.

Ils ne se contentaient pas de dominer l'Amérique espagnole et portugaise: ils avaient dépassé, par leurs missions, les limites de la colonisation européenne, et ce qu'ils n'avaient pu faire au Canada, parmi les indomptables tribus des Peaux Rouges, ils l'accomplissaient au Paraguai, chez des races faibles et dociles. Ils avaient converti, organisé, civilisé à leur manière les sauvages de ces contrées; ils avaient là tout un royaume jésuite, cinquante grandes paroisses gouvernées despotiquement par autant de pères de la Mission, ressortissant eux-mêmes au père provincial, vrai roi du Paraguai; étrange gouvernement, fondé sur un communisme théocratique qu'ils semblaient avoir imité de l'ancien empire du Pérou sous les Incas. En introduisant le christianisme chez ces peuplades, en les attachant au sol, en les multipliant par la culture, ils leur avaient fait une condition incomparablement meilleure que la vie misérable et quasi-animale qu'elles menaient auparavant dans les bois, ou que celle qu'avaient rencontrée d'autres Indiens sous la tyrannie destructrice des conquérants espagnols. Si la morale avait à blâmer ailleurs les opérations commerciales de la société de Jésus, ici, l'humanité n'avait donc qu'à applaudir à ses succès, bien qu'il faille se garer de certaines exagérations, et se garder de présenter comme une société modèle un peuple enfant, destiné par son éducation à une éternelle enfance, une société où la personnalité humaine était à naître, où la propriété n'existait pas, où

« PrécédentContinuer »