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APPENDICE

Nous donnons ici le texte de la convention du 3 janvier 1815, quoique nous n'en ayons trouvé aucune copie dans les papiers de M. Talleyrand, pas plus que des autres pièces dont il fait mention dans ses dépêches. Mais cette convention a été publiée dans les State-papers anglais, d'où nous la tirons, et nous la ferons suivre de quelques détails, en partie ignorés, en partie oubliés par M. de Talleyrand, sur la publicité qu'elle reçut dans le temps.

TRAITÉ SECRET D'ALLIANCE DÉFENSIVE CONCLU A VIENNE LE 3 JANVIER 1815 ENTRE L'AUTRICHE, LA FRANCE ET

LA GRANDE-BRETAGNE.

Au nom de la très sainte et indivisible Trinité.

Sa Majesté le roi du royaume-uni de la Grande-Bretagne et d'Irlande, Sa Majesté le roi de France et de Navarre, et Sa Majesté l'empereur d'Autriche, roi de Hongrie et de Bohême, étant convaincus que les puissances, qui ont à compléter les dispositions du traité de Paris, doivent être maintenues dans un état de sécurité et d'indépendance parfaites, pour pouvoir fidèlement et dignement s'acquitter d'un si important devoir, regardant en conséquence comme nécessaire, à cause de prétentions récemment manifestées,

de pourvoir aux moyens de repousser toute agression à laquelle leurs propres possessions ou celles de l'un d'eux pourraient se trouver exposées, en haine des propositions qu'ils auraient cru de leur devoir de faire et de soutenir d'un commun accord, par principe de justice et d'équité; et n'ayant pas moins à cœur de compléter les dispositions du traité de Paris de la manière la plus conforme qu'il sera possible à ses véritables but et esprit, ont à ces fins résolu de faire entre eux une convention solennelle et de conclure une alliance défensive.

En conséquence, Sa Majesté le roi du royaume-uni de la Grande. Bretagne et d'Irlande a, à cet effet, nommé pour son plénipotentiaire, le très honorable Robert Stewart, vicomte Castlereagh...

Sa Majesté le roi de France et de Navarre, M. Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord, prince de Talleyrand...

Et Sa Majesté l'empereur d'Autriche, roi de Hongrie et de Bohême, M. Clément-Wenceslas-Lothaire, prince de MetternichWinneburg-Ochsenhausen...

Lesquels, après avoir échangé leurs pleins pouvoirs, trouvés en bonne et due forme, sont convenus des articles suivants :

ARTICLE PREMIER. Les hautes parties contractantes s'engagent réciproquement, et chacune d'elles envers les autres, à agir de concert, avec le plus parfait désintéressement et la plus complète bonne foi, pour faire qu'en exécution du traité de Paris, les arrangements qui doivent en compléter les dispositions soient effectués de la manière la plus conforme qu'il sera possible au véritable esprit de ce traité.

Si, par suite, et en haine des propositions qu'elles auront faites et soutenues d'un commun accord, les possessions d'aucune d'elles étaient attaquées, alors, et dans ce cas, elles s'engagent et s'obligent à se tenir pour attaquées toutes trois, à faire cause commune entre elles, et à s'assister mutuellement pour repousser une telle agression avec toutes les forces ci-après spécifiées.

ARTICLE II. Si par le motif exprimé ci-dessus, et pouvant seul amener le cas de la présente alliance, l'une des hautes parties contractantes se trouvait menacée par une ou plusieurs puissances, les deux autres parties devront, par une intervention amicale, s'efforcer, autant qu'il sera en elles, de prévenir l'agression.

ARTICLE III. Dans le cas où leurs efforts pour y parvenir seraient inefficaces, les hautes parties contractantes promettent de venir immédiatement au secours de la puissance attaquée, chacune d'elles avec un corps de cent cinquante mille hommes.

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ARTICLE IV. Chaque corps auxiliaire sera respectivement composé de cent vingt mille hommes d'infanterie et de trente mille hommes de cavalerie, avec un train d'artillerie et de munitions proportionné au nombre des troupes.

Le corps auxiliaire, pour contribuer de la manière la plus efficace à la défense de la puissance attaquée ou menacée, devra être prêt à entrer en campagne dans le délai de six semaines au plus tard, après que la réquisition en aura été faite.

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ARTICLE V. La situation des pays qui pourraient devenir le théâtre de la guerre, ou d'autres circonstances pouvant faire que l'Angleterre éprouve des difficultés à fournir, dans le terme fixé, le secours stipulé en troupes anglaises et à le maintenir sur le pied de guerre, Sa Majesté britannique se réserve le droit de fournir son contingent à la puissance requérante en troupes étrangères, à la solde de l'Angleterre, ou de payer annuellement à ladite puissance une somme d'argent, calculée à raison de vingt livres sterling par chaque soldat d'infanterie, et de trente livres. sterling par cavalier, jusqu'à ce que le secours stipulé soit complété. Le mode d'après lequel la Grande-Bretagne fournira son secours sera déterminé à l'amiable, pour chaque cas particulier, entre Sa Majesté britannique et la puissance menacée, aussitôt que la réquisition aura eu lieu.

ARTICLE VI. Les hautes parties contractantes s'engagent, pour le cas où la guerre surviendrait, à convenir à l'amiable du système de coopération le mieux approprié à la nature ainsi qu'à l'objet de la guerre, et à régler de la sorte les plans de campagne, ce qui concerne le commandement par rapport auquel toutes facilités seront données, les lignes d'opération des corps qui seront respectivement employés, les marches de ces corps et leurs approvisionnements en vivres et en fourrages.

ARTICLE VII. S'il est reconnu que les secours stipulés ne sont pas proportionnés à ce que les circonstances exigent, les hautes parties contractantes se réservent de convenir entre elles,

dans le plus bref délai, d'un nouvel arrangement qui fixe le secours additionnel qu'il sera jugé nécessaire de fournir.

ARTICLE VIII. - Les hautes parties contractantes se promettent l'une à l'autre que, si celles qui auront fourni les secours stipulés ci-dessus se trouvent, à raison de ce, engagées dans une guerre directe avec la puissance contre laquelle ils auront été fournis, la partie requérante et les parties requises, étant entrées dans la guerre comme auxiliaires, ne feront la paix que d'un commun consentement.

ARTICLE IX. — Les engagements contractés par le présent traité ne préjudicieront en rien à ceux que les hautes parties contractantes, ou aucune d'elles, peuvent avoir et ne pourront empêcher ceux qu'il leur plairait de former avec d'autres puissances, en tant, toutefois, qu'ils ne sont et ne seront point contraires à la fin de la présente alliance.

ARTICLE X. Les hautes parties contractantes, n'ayant aucune vue d'agrandissement et n'étant animées que du seul désir de se protéger mutuellement dans l'exercice de leurs droits et dans l'accomplissement de leurs devoirs comme États indépendants, s'engagent, pour les cas où, ce qu'à Dieu ne plaise, la guerre viendrait à éclater, à considérer le traité de Paris comme ayant force pour régler, à la paix, la nature, l'étendue et les frontières de leurs possessions respectives.

ARTICLE XI. Elles conviennent, en outre, de régler tous les autres objets d'un commun accord, adhérant, autant que les circonstances pourront le permettre, aux principes et aux dispositions du traité de Paris, susmentionné.

ARTICLE XII. Les hautes parties contractantes se réservent, par la présente convention, le droit d'inviter toute autre puissance à accéder à ce traité dans tel temps et sous telles conditions qui seront convenus entre elles.

ARTICLE XIII. Sa Majesté le roi du royaume-uni de la Grande-Bretagne et d'Irlande, n'ayant sur le continent de l'Europe aucune possession qui puisse être attaquée dans le cas de guerre auquel le présent traité se rapporte, les hautes parties contractantes conviennent que ledit cas de guerre survenant, si les territoires de Sa Majesté le roi de Hanovre ou les territoires de Son

Altesse le prince souverain des Provinces-Unies, y comprise ceux qui se trouvent actuellement soumis à son administration, étaient attaqués, elles seront obligées d'agir pour repousser cette agression, comme si elle avait lieu contre leur propre territoire.

ARTICLE XIV. La présente convention sera ratifiée, et les ratifications en seront échangées à Vienne, dans le délai de six semaines, ou plus tôt si faire se peut.

En foi de quoi les plénipotentiaires respectifs l'ont signée et y ont apposé le cachet de leurs armes.

Fait à Vienne, le trois janvier, l'an de grâce mil huit cent quinze.

CASTLEREAGH.

Le prince DE METTERNICH.
Le prince DE TALLEYRAND.

ARTICLE SÉPARÉ ET SECRET.

Les hautes parties contractantes conviennent spécialement, par le présent article, d'inviter le roi de Bavière, le roi de Hanovre et le prince souverain des Provinces-Unies, à accéder au traité de ce jour, sous des conditions raisonnables pour ce qui sera relatif à la quotité des secours à fournir pour chacun d'eux; les hautes parties contractantes s'engageant, de leur côté, à ce que les clauses respectives des traités en faveur de la Bavière, du Hanovre et de la Hollande reçoivent leur plein et entier effet.

Il est entendu cependant que, dans le cas où l'une des puissances ci-dessus désignées refuserait son accession, après avoir été invitée à la donner, comme il est dit ci-dessus, cette puissance sera considérée comme ayant perdu tout droit aux avantages auxquels elle aurait pu prétendre, en vertu des stipulations de la convention de ce jour.

Le présent article séparé et secret aura la même force et valeur que s'il était inséré mot à mot à la convention de ce jour; il sera ratifié et les ratifications en seront échangées en même temps.

En foi de quoi les plénipotentiaires respectifs l'ont signé et y ont apposé le cachet de leurs armes.

Fait à Vienne, le trois janvier mil huit cent quinze.

(Suivent les signatures.)

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