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du concordat, il est certain, rigoureusement parlant, que l'empereur ne serait plus tenu de l'observer, et qu'il pourrait le regarder comme abrogé. Ce sont les premiers mots de la réponse; ils ont l'air de tout décider; mais, toutefois, ce n'était pas le cas, et le conseil ajoute bientôt: Mais le concordat n'est pas une transaction purement personnelle... C'est un traité qui fait partie de notre droit public... et il importe d'en réclamer l'exécution, dans la supposition même où le Souverain Pontife persisterait à la refuser en ce qui le

concerne.

Ce raisonnement est subtil et même singulier: car le conseil semble n'avoir mis en avant avec assurance un principe, que pour reculer plus vite devant la conséquence, il semble même s'être étudié à faire renaître la difficulté, au moment où elle paraissait assez nettement résolue.

Le conseil dit ensuite qu'il faudrait regarder le concordat, non comme abrogé, mais comme suspendu, en protestant toujours contre le refus du pape, et en en appelant, ou au pape lui-même, mieux informé, ou à son successeur.

Mais, soit que le concordat soit regardé comme abrogé, soit qu'il demeure suspendu, ajoute le conseil, que convient-il de faire pour le bien de la religion? (Ce sont les derniers mots de la question.) — Ici le conseil établit avec clarté les principes et n'épargne pour cela aucun raisonnement. Tous les pouvoirs des ministres de l'Église étant d'un ordre spirituel, c'est à l'Église seule à les conférer. Les évêques ont des pouvoirs d'ordre et des pouvoirs de juridiction. Dans les trois premiers siècles de persécutions, il a bien fallu que l'Église seule investit les pasteurs de ces pouvoirs, et elle n'a pas pu perdre ce droit quand les rois se sont faits ses enfants. L'Église n'a jamais

reconnu d'évêques que ceux qu'elle avait institués; mais la manière de procéder à l'élection, et puis de conférer l'institution, n'a pas toujours été la même. Dans les premiers siècles, la simple nomination, ou élection, ou présentation, appartenait aux évêques co-provinciaux, au clergé et au peuple de l'Eglise qu'il fallait pourvoir; et cette élection était confirmée par le métropolitain par qui l'évêque était sacré; ou s'il s'agissait du métropolitain lui-même, par le concile de la province qui conférait l'institution ou la mission, pour cette Église en particulier, à celui qui venait d'être élu. Dans la suite, les empereurs et autres princes chrétiens eurent grande part à la nomination, c'est-à-dire à l'élection, et insensiblement, le peuple et le clergé de la campagne cessèrent d'être appelés. L'élection passa alors au chapitre de l'église cathédrale, mais toujours avec la nécessité du consentement du prince (représentant le peuple), et de la confirmation ou institution métropolitaine ou du concile de la province.

Le conseil ecclésiastique oublia d'ajouter, que, jusqu'au XIe siècle, les papes n'avaient été pour rien, ni dans l'élection, ni dans l'institution. Depuis, par les réserves et autres principes puisés dans les fausses décrétales1, ils s'attribuèrent quelquefois et l'élection et la confirmation. C'est à cet état de choses, si étranger à l'ancienne discipline, puisqu'il n'y en avait pas de traces dans les douze premiers siècles de l'Église, que le concile de Bâle ainsi que la pragmatique sanction voulurent remédier. A la suite du concile de Bâle et de la pragmatique

1. On connaît sous le nom de fausses décrétales un recueil de droit canonique du via siècle, attribué au moine Denys le Petit, qui tendait à augmenter considérablement la puissance des papes.

sanction publiée à Bourges en 14381, conformément aux décrets de ce concile, il avait été décidé que l'élection par le peuple et par le chapitre, serait confirmée par le métropolitain ou par le concile provincial. En 1516, on substitua à cette pragmatique sanction, le concordat entre François Ier et Léon X, en vertu duquel l'élection passa tout entière au roi, à la place du peuple ou du chapitre, et la confirmation ou institution au pape, à la place des métropolitains et des conciles provinciaux.

Le conseil ecclésiastique reprend à l'occasion de ces changements: ces deux changements dans les élections ont été regardés comme faits du consentement exprès ou tacite de l'Église. Nous dirons plus: cette approbation (de l'Église) serait encore indispensable, quand même on proposerait de revenir à une des méthodes adoptées dans les siècles précédents; car une loi abrogée n'est plus une loi, et elle ne peut en reprendre le caractère C'est là un que par le fait de l'autorité qui l'a abrogée. des vices capitaux de la constitution civile du clergé, adoptée par l'Assemblée constituante;... car, cutre que les élections décrétées par cette constitution ne ressemblaient, en aucune manière, à celle des premiers siècles, l'Assemblée constituante, qui n'avait que des pouvoirs politiques était essentiellement incompétente pour rétablir, sans le concours et le consentement de l'Église, ces règlements de discipline que l'Église avait abolis.

Ainsi, dans la supposition où par la persévérance des refus des bulles, le concordat serait regardé comme suspendu ou comme abrogé, on ne serait pas autorisé à faire revivre la

1. La pragmatique sanction de Bourges est le nom donné à l'ordonnance que le roi Charles VII rendit, en 1438, sur les affaires de l'Église de France.

pragmatique sanction, à moins que l'autorité ecclésiastique, n'intervint dans son rétablissement. Sans cela, elle deviendrait la source de troubles semblables à ceux qu'a excités dans toute la France la constitution civile du clergé en 1791.

Que conviendrait-il donc de faire alors pour le bien de la religion? car cette question revient toujours.

Le conseil n'a pas l'autorité nécessaire pour indiquer les mesures propres à remplacer l'intervention du pape dans la confirmation des évêques. (Cette réponse est-elle bien exacte? Est-ce donc qu'indiquer ces mesures supposerait une autorité?)

Le conseil pense que l'empereur ne peut rien faire de plus sage et de plus conforme aux règles que de convoquer un concile national, qui examinerait la question proposée et indiquerait les moyens propres à prévenir les inconvénients du refus des bulles. En 1688, à l'occasion d'un refus semblable de bulles fait par le pape Innocent XI aux évêques, à la suite de l'assemblée du clergé de 1682, le parlement de Paris, sur les conclusions du procureur général du Harlay, rendit un arrêt portant que le roi serait supplié de convoquer les conciles provinciaux ou même un concile national.

L'empereur, dans une note qu'il dicta à l'évêque de Nantes, M. Duvoisin, trouva que cette réponse n'éclaircissait pas entièrement la question. Il avait pensé, dit-il dans cette note, que. le concordat tombant, la France rentrait de droit dans ce qui existait avant. Mais le conseil l'avait fait changer d'avis, et il estimait maintenant avec lui, que le concordat ayant abrogé la loi qui existait lors de sa conclusion, elle ne pouvait plus être rétablie que par le pouvoir qui l'avait abrogée, mais il différait de l'opinion du conseil, en ce qu'il pensait que l'Église gallicane était suffisante pour prononcer le rétablissement de

l'ancienne loi, sans quoi il y aurait une lacune dans la législation de l'Église. L'empereur n'expliquait pas davantage sa pensée dans sa note, ayant été interrompu par d'autres

affaires.

Le conseil ecclésiastique, cependant, sur le simple aperçu contenu dans la note, discuta de nouveau la question, sans trop entrer dans l'idée de l'empereur, car il commence par dire qu'il persiste à croire que la convocation d'un concile national est la seule voie canonique qui puisse conduire au but désiré. I suppose que, le concile adresserait d'abord au pape des remontrances respectueuses sur les suites qu'entraînerait un refus plus longtemps prolongé; sur la nécessité où se trouveraient l'empereur et le clergé de pourvoir par une autre voie à la conservation de la religion et à la perpétuité de l'épiscopat, et qu'on proposerait ensuite tous les moyens de conciliation, etc... et si le pape se refusait à ces prières, à ces sollicitations du clergé de France assemblé, le concile examinerait (ce que nous n'avons pas cru devoir faire) s'il est compétent pour rétablir ou renouveler un mode d'institution canonique qui pût remplacer le mode établi par le concordat. S'il se jugeait compétent, il arrélerait, sous le bon plaisir de Sa Majesté, un règlement de discipline sur cet objet, mais en déclarant que ce règlement n'est que provisoire, et que l'Église de France ne cessera point de demander l'observation du concordat, toujours prête à y revenir... Et si le concile national ne se jugeait pas compétent, il réclamerait le recours à un concile général, la seule autorité dans l'Église qui soit audessus du pape. Et si ce recours devenait impossible parce que le pape ne voudrait pas reconnaître le concile, ni le présider, ou que dans les circonstances politiques, sa convocation pré

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