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qu'en augurent des observateurs peu judicieux; il brûle toujours, et il brûlera bien longtemps encore, comme l'attestent les formidables explosions qui se sont produites sous nos yeux : l'insurrection militaire de l'Inde anglaise en 1857, ou l'insurrection. récente de notre Algérie.

L'Europe chrétienne est avec toutes ces populations mahométanes dans des rapports intermittents. de paix ou de guerre; mais, en général, ce sont les relations pacifiques qui tendent à prendre le dessus. A mesure que nous connaissons mieux ces peuples, nous sommes disposés davantage à ne plus les mépriser, comme nous le faisions jadis. Ils ont les plus réelles qualités de courage et de persévérance. Inébranlables dans la croyance de leurs pères, ils sont bien moins portés que nous à se convertir. Leurs mœurs sont, il est vrai, de beaucoup inférieures aux nôtres; mais cette corruption est une vieille plaie, qui, de tout temps, a rongé l'Asie et l'Afrique. Ce n'est point le Mahométisme qui l'a faite, et il a même tenté de la guérir. Notre industrie, nos sciences, nos arts pénétreront peu à peu parmi ces nations, qui commencent à en goûter les bienfaits, et qui y sont peu rebelles naturellement, puisqu'à quelques égards elles nous ont devancés de plusieurs siècles dans cette voie. Mais si, par leur contact avec nous, elles font des progrès

matériels, religieusement nous ne gagnons rien sur elles; et les prédications héroïques de nos missionnaires, si fécondes ailleurs, échoueront toujours devant le Mahométisme, qu'ils ne peuvent entamer. De leur propre aveu, ils ne trouvent pas, dans leur apostolat universel, un obstacle plus invincible que celui-là.

Ce grand fait doit nous éclairer, et nous pouvons en conclure sans hésitation que Mahomet a compris parfaitement quelle doctrine religieuse convenait à ces races. Par inspiration, comme je le crois, ou par calcul, comme on l'a dit trop souvent, il a si bien su leur mesurer leur foi qu'elles y sont restées attachées inviolablement, à travers les plus terribles vicissitudes. Selon toute probabilité, le temps ne détruira pas plus la foi musulmane qu'il n'a détruit la foi juive, stationnaire, mais immuable. Le Mahométisme ne fait pas de prosélytes nouveaux; mais il ne perd aucun de ceux qu'il a conquis, et les musulmans continuent de vénérer Mahomet, bien plus que les Israélites ne vénèrent maintenant Moïse.

A moins de supprimer dédaigneusement près d'un dixième de l'humanité, il faut donc faire une large place à la religion musulmane dans l'état présent du monde; et, quelles que soient les passions aveugles de la foule, la politique au moins devrait nous

apprendre à être plus bienveillants en ce qui concerne le Mahométisme.

Que si, remontant à son origine et à ses dogmes, nous nous demandons ce qu'il est en lui-même, nous n'aurons guère qu'à le louer. Qu'est-ce, en effet, que la révolution religieuse accomplie par Mahomet, vers le milieu du septième siècle de notre ère? Dans son caractère le plus général, c'est la destruction de l'idolâtrie. A de grossières croyances, descendant à un stupide fétichisme, dont le culte de la Pierre noire, à la Caaba, est encore le témoignage et le reste innocent, Mahomet a substitué, après vingt ans de luttes, la foi à un Dieu unique, clément et miséricordieux, créateur des cieux et de la terre, père de l'homme, sur lequel il veille et qu'il comble de biens, rémunérateur et vengeur dans une autre vie, où il nous attend pour nous récompenser ou nous punir selon nos mérites, tout-puissant, éternel, infini, présent partout, voyant nos actions les plus secrètes, et présidant à la destinée entière de ses créatures, qu'il n'abandonne point un seul instant, ni dans ce mondeci ni dans l'autre. L'Islam est la soumission la plus humble et la plus confiante à sa volonté sainte. Il n'y a pas plus à se révolter contre elle qu'à désespérer de la fléchir; et le cœur du vrai musulman est aussi tranquille que pur, devant

l'auteur de son existence, son soutien indéfectible et son équitable juge. Le seul culte que le musulman doive au Dieu unique, c'est la prière répétée plusieurs fois par jour; et, à certaines époques de l'année, des mortifications, qui ramènent plus particulièrement la pensée du fidèle à Celui qui l'a créé, qui le fait vivre, et qui le retrouvera éternellement après la mort.

Tel est l'Islam dans son essence et sa simplicité; telle est la vraie et saine doctrine que Mahomet est venu prêcher au monde arabe, et par laquelle il l'a persuadé et amélioré. S'il est un homme à qui la raison et l'histoire doivent des éloges sous ce point de vue restreint, c'est celui-là. A l'exception du Christianisme, appuyé sur la Bible et l'Évangile, avec toutes leurs merveilleuses conséquences, il n'y a pas d'autre religion au monde que l'on puisse équitablement comparer à l'Islam, et qui mérite, même de très-loin, d'être mise en parallèle avec lui.

Sans doute, Mahomet n'a rien d'original, et nous connaissons toutes les sources où il s'est inspiré, en les comprenant d'ailleurs assez mal. Mais, à cet égard, qui a été plus modeste et plus loyal que lui-même? Il ne s'est jamais donné pour un novateur; il n'a jamais prétendu avoir rien inventé. Il ne vient pas révéler un culte inconnu. Loin de là c'est la foi d'Abraham,

nuer;

celle de Jacob, de Moïse, de David, de Jésus même, qu'il doit reproduire et compléter; il n'apporte point aux hommes des enseignements inouïs; il vient leur répéter seulement ceux qu'ils ont cent fois entendus, mais qu'ils ont oubliés. A la manière dont il parle des prophètes antérieurs, à l'estime, à la tendresse même qu'il ressent pour eux, on voit bien qu'il ne se croit pas leur égal, encore bien moins leur supérieur; il ne fait que les contiil met le sceau à leur doctrine, en la redisant après eux. S'il renverse l'idolâtrie, c'est pour faire revivre, sous ses ruines et ses pratiques sacriléges, la vraie religion que, par la suite des temps, les hommes avaient méconnue. Il la réveille dans leurs cœurs, où elle a laissé encore des étincelles sous des cendres séculaires. Aussi, en présence des saintes figures du passé qu'il évoque à son aide, il se sent bien insuffisant et bien petit. Les prophètes qui l'ont précédé avaient le don des miracles; Dieu le lui a refusé. Ce don accordé à d'autres, quoique souvent inutile contre l'ingratitude et l'endurcissement des hommes, ne lui est plus nécessaire; il ne prétend parler qu'à la raison. Cette puissance surhumaine, dont quelques prophètes ont été divinement investis, ne les a ni protégés, ni fait réussir. Les peuples, tout en voyant des prodiges, sont demeurés insensibles et se sont dé

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