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et indépendant, c'est pour moi un grand plaisir de jeter un coup d'œil sur les progrès accomplis depuis le temps des colonies, il y a un siècle.

Nous formions alors un peuple de trois millions d'ames. Nous en comptons aujourd'hui plus de quarante millions. L'activité de ce peuple était alors presque exclusivement limitée à la culture du sol. Maintenant l'industrie absorbe une grande partie du labeur du pays. Nos libertés restent entières, les esclaves ont été affranchis de la servitude. Nous jouissons du respect, sinon de l'amitié de toutes les nations. Nos progrès ont été grands dans les arts, dans les sciences, dans l'agriculture, dans le commerce, dans la navigation, dans les mines, dans la mécanique, dans la législation, dans la médecine, etc. Et dans toutes les branches de l'éducation nos progrès ne sont pas moins encourageants.

Nos treize États sont aujourd'hui au nombre de trente-huit (y compris le Colorado, qui a fait les démarches préliminaires pour devenir un État), plus huit territoires, y compris le territoire indien et l'Alaska, et à l'exclusion du Colorado, ce qui fait un territóire s'étendant de l'Atlantique au Pacifique. Au sud, nous nous sommes étendus jusqu'au golfe du Mexique, et à l'ouest depuis le Mississipi jusqu'au Pacifique. Il y a cent ans, la machine à égrener le coton, le steamer, le railroad, le télégraphe, les machines à moissonner, à semer, la presse moderne, et nombre d'autres inventions d'une valeur presque égale pour notre travail et notre bonheur, étaient entièrement inconnus. En 1776, il existait à peine des fabriques, même de nom, dans tout ce vaste territoire.

En 1870, plus de 2,000,000 de personnes étaient employées dans les manufactures, produisant plus de 2,100,000,000 de dollars de produits par an, presque l'équivalent de notre dette nationale. Tandis que presque la totalité de la population était en 1776 occupée uniquement d'agriculture, en 1870 les occupations du peuple étaient devenues si nombreuses et si diverses que moins de six millions de personnes sur plus de quarante millions étaient livrées à cette exploitation originaire. L'effet extraordinaire de ces occupations diverses a été de créer un marché pour les produits des régions fertiles éloignées du littoral maritime et des marchés du monde entier.

Le système américain de placer des manufactures variées considérables à proximité de la charrue et du pâturage, et d'établir des lignes correspondantes de chemins de fer et de steamboats, a produit dans nos régions intérieures éloignées un résultat remarqué par les parties intelligentes de toutes les nations commerciales. L'imagination et l'habileté des ouvriers américains ont été démontrées dans l●

pays et à l'étranger d'une manière flatteuse pour leur amour-propre. Sans le génie et l'habileté extraordinaires de nos ouvriers, les résultats obtenus par nos agriculteurs, nos manufacturiers et nos agents de transports dans tout le pays auraient été impossibles. Le progrès dans les mines n'a pas été moindre. Notre production en charbon était minime; aujourd'hui, des milliers de tonnes de charbon sont extraites annuellement. De même pour le fer, qui formait à peine une partie appréciable de nos produits il y a un demi-siècle; nous en fournissons aujourd'hui plus que le monde n'en consommait au commencement de notre existence nationale; le plomb, le zinc et le cuivre, autrefois importés, formeront dans un prochain avenir des articles d'exportation considérables. Le développement des mines d'or et d'argent dans les États-Unis et les Territoires n'a pas seulement été remarquable, mais encore il a exercé une grande influence sur les affaires de toutes les nations commerciales.

Nos marchands ont, dans le cours des cent dernières années, eu un succès et obtenu un renom d'entreprise, de sagacité, de progrès et d'intégrité qui n'est surpassé par aucun peuple des anciennes nationalités. Cette «< bonne réputation » n'est pas limitée à leurs foyers, mais elle s'étend à toutes les mers et à tous les ports où pénétre le commerce. Avec un égal orgueil nous pouvons signaler nos progrès dans toutes les carrières libérales. Au moment où nous allons entrer dans notre deuxième siècle et commencer notre virilité nationale, il est bon de reporter nos regards en arrière et d'étudier ce qu'il y a ȧ faire pour préserver et avancer notre future grandeur.

Depuis la chute d'Adam, pour son péché, jusqu'au jour présent, aucune nation n'a été exempte de quelque danger menaçant pour sa prospérité et son bonheur. Il nous faut examiner les dangers qui nous menacent, et y remédier autant qu'il est en notre pouvoir. Nous sommes une république dont tous les membres sont également bons devant la loi. Sous une telle forme de gouvernement il est de la plus grande importance que tout homme possède assez d'instruction et d'intelligence pour exprimer un vote avec la conscience de ce qu'il signifie.

Une vaste association d'hommes ignorants ne peut, pendant une période considérable, opposer une résistance effective à la tyrannie et à l'oppression d'une minorité instruite, mais elle doit nécessairement tomber sous la domination de l'intelligence, qu'elle soit dirigée par une démagogie ou un clergé. Conséquemment, l'éducation des masses devient une nécessité de premier ordre pour la préservation de nos institutions. Elles méritent d'être préservées, parce qu'elles ont assuré la plus grande quantité de bien à la plus grande propor

tion de population sous aucune forme de gouvernement connue jusqu'ici. Toutes les autres formes de gouvernement s'en rapprochent juste dans la proportion de la diffusion générale de l'instruction et de l'indépendance de pensée et d'action.

ÉCOLES PUBLIQUES

Comme première mesure pour notre avancement dans tout ce qui a marqué nos progrès pendant le siècle écoulé, je soumets à votre sérieuse considération, avec recommandation très-énergique, qu'un amendement constitutionnel soit présenté à la ratification des législatures des divers États, pour imposer le devoir à tous les États et å chacun d'eux d'établir et de maintenir toujours des écoles publiques gratuites pour l'éducation de tous les enfants dans les branches rudimentaires, dans leurs limites respectives, sans distinction de sexe, couleur, lieu de naissance ou de religion, — interdisant l'enseignement dans lesdites écoles de dogmes religieux, athées ou païens, et prohibant la concession d'aucuns fonds d'école ou taxes, d'école, ou d'aucune portion de ces fonds ou taxes, par les autorités législatives, municipales et autres, pour le bénéfice ou l'aide, direct ou indirect, d'une secte ou dénomination religieuse quelconque, ou pour l'aide ou le bénéfice de tout autre objet de ce genre ou de cette

nature.

PROPRIÉTÉS COLLECTIVES

Au sujet de cette importante question, je désire aussi appeler votre attention sur l'urgence de corriger un mal qui, si l'on en permet la continuation, mènera probablement à de grandes perturbations en ce pays avant la fin du dix-neuvième siècle, à savoir l'accumulation d'immenses propriétés ecclésiastiques non taxées. En 1850, je crois, la propriété ecclésiastique aux États-Unis, qui ne payait pas de taxe, municipale ou d'État, était évaluée à environ 83,000,000 de dollars. En 1860, cette valeur avait doublé. En 1875, elle est d'environ un milliard de dollars. Vers 1900, si l'on n'y met pas d'entraves, on peut prédire que cette propriété aura une 'valeur de plus de trois milliards de dollars.

Une somme aussi importante, recevant toute la protection et tous les bénéfices du Gouvernement sans supporter sa part de ses fardeaux et dépenses, ne sera pas vue d'un œil satisfait par ceux qui ont à payer les taxes. Dans un pays grandissant, où la valeur de la propriété foncière hausse si rapidement qu'aux États-Unis, il n'est pour ainsi dire pas de limite à la richesse que peuvent acquérir les corporations,

religieuses ou autres, si on leur permet d'avoir des immeubles sans payer de taxes. La vue d'une propriété aussi vaste que celle dont il est ici question pourrait mener à la confiscation sans autorité constitutionnelle et par effusion de sang. Je recommande la taxation ‘égale de toutes les propriétés, d'église ou de corporations, à la seule exception du dernier lieu de repos des morts, et peut-être, avec certaines restrictions, des édifices du culte.

RELATIONS EXTÉRIEURES

Nos relations avec la plupart des Puissances étrangères continuent à être d'une nature amicale et satisfaisante. Le développement de l'intercourse, l'extension du commerce et l'observation des intérêts mutuels, ont incessamment amélioré nos relations avec la grande majorité des Puissances du monde et ont facilité la solution pacifique de questions qui surgissent de temps à autre et dont quelques-unes seulement méritent une mention particulière.

Emancipation dans les colonies portugaises. La correspondance du département d'État avec nos représentants diplomatiques à l'étranger vous est transmise avec ce message. Je suis heureux d'annoncer l'adoption par les Cortès de Portugal d'une loi portant abolition de l'esclavage dans les colonies portugaises. Cette loi a été promulguée depuis l'ajournement du Congrès. Il faut espérer que cet acte de législation sera un acheminement vers la réalisation de ce grand principe qu'il ne sera permis à aueun homme, directement ou indirectement, sous aucun prétexte, excuse ou forme légale, de tenir son semblable en état de servitude. Je suis d'opinion aussi qu'il est du devoir des États-Unis, comme tendant à ce but et requis par l'esprit du siècle dans lequel nous vivons, d'interdire, par voie de législation, à tout citoyen des États-Unis, de posséder des esclaves dans une partie quelconque du monde ou d'être intéressé dans une telle possession.

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Incident chilien. Le Chili a donné sa satisfaction dans l'affaire du baleinier Good Return, saisi sans motifs suffisamment plausibles, il y a plus de quarante ans. Bien que le Chili eût jusqu'alors décliné toute part de responsabilité dans cette affaire, notre Gouvernement n'a jamais admis cette fin de non-recevoir, et la légitimité de notre réclamation a été soutenue avec tant de persistance qu'il y a lieu de de se réjouir qu'elle ait été enfin reconnue.

Colombie.

L'arbitrage établi dans l'affaire du steamer des ÉtatsUnis Montijo, pour la saisie et la détention duquel le Gouvernement des États-Unis de Colombie était tenu responsable, a prononcé en

faveur de notre réclamation. Cette décision a tranché une difficulté qui était pendante depuis plusieurs années et dont la non-solution aurait pu troubler la bonne entente qu'il est désirable de voir se maintenir entre les deux républiques.

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Iles Sandwich. Un traité de réciprocité a été conclu, il y a quelques mois, avec le roi des îles Hawaï. Comme il y est stipulé qu'il n'entrera pas en vigueur avant que le Congrès ait statué à ce sujet, des copies de ce traité vous seront soumises afin que, si le Congrès le jugeait convenable, la législation nécessaire puisse être adoptée.

QUESTION DE CUBA

L'an dernier ne nous a pas apporté la preuve que la lutte calamiteuse qui règne depuis sept ans dans l'île de Cuba soit près de toucher à sa fin. Le même oubli de la loi qui règle les conditions de la guerre parmi les nations civilisées a continué d'assombrir de tristes scènes. La désolation, la ruine, le pillage ont envahi les riches campagnes de la région la plus fertile et la plus productive de la terre, et la torche incendiaire détruisant les plantations et les riches fabriques sert à marquer la ligne de marche et la retraite des partis aux prises. La durée prolongée de la lutte affecte sérieusement les intérets de toutes les nations commerçantes, et la nation américaine par-dessus toutes, en raison de son voisinage de l'île, de son vaste commerce, de ses rapports avec elle, et des relations fréquentes et personnelles établies entre les citoyens des deux pays.

En outre, les biens que possèdent nos compatriotes à Cuba sont tombés en dépréciation et se trouvent dans un état d'insécurité par suite de la lutte et de la manière peu naturelle dont elle est conduite. La même chose peut se dire, mais à un autre degré, des citoyens des autres nations et de leurs intérêts; l'absence de toute assurance d'une prochaine terminaison de la lutte doit nécessairement forcer les États qui en souffrent à considérer ce que les intérets de leurs propres nationaux et les devoirs qu'ils se doivent à eux-mêmes peuvent exiger. J'ai eu l'espoir que l'Espagne pourrait rétablir la paix dans sa colonie, offrir de la sécurité à la propriété et aux intérêts de nos citoyens et laisser leurs libres allures au commerce et aux productions naturelles de l'île.

Cet espoir que j'ai eu et l'extrême répugnance à me mèler en quoi que ce soit des affaires d'une nation amie, surtout d'une société dont la sympathie et la bonne amitié nous ont été témoignées lors de la guerre de notre indépendance et ont mérité notre gratitude, m'ont

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