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fligé de ce qu'ils s'étoient feparez mécontens les uns AN. 1234.

des autres.

XXXIX. Retour des

Ils partirent donc de Nymphée le matin du samedi treiziéme de May, & continuant leurs journées, ils nonces. arriverent un dimanche au village de Calame, où furvinrent tout au foir des envoïez de l'empereur & du patriarche. L'empereur les faluoit & témoignoit être fâché qu'ils fe fuflent ainfi retirez brusquement, fans avoir pris le congé & la benediction du patriarche & du refte du concile. Les nonces répondirent : Dieu conferve l'empereur pour le bien de fon églife, il ne doit pas se plaindre de nous, puifque nous fommes partis avec fon congé. Quant au congé & à la benediction du patriarche ou du concile, nous ne nous en foucions pas, l'empereur en fait les raifons. L'envoïé du concile repeta le même difcours que l'autre, & ajoûta: Voilà l'écrit que vous avez donné au concile; le patriarche vous le renvoïe & vous prie de lui renvoïer celui qu'il vous a donné touchant les mes. Il vous envoïe auffi fes lettres qu'il vous prie de porter au pape ; & tout le concile vous envoïe fa feffion de foi fur la proceffion du faint Efprit, pour la prefenter au pape.

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pro

Les nonces répondirent : Nous avons presenté nôtre écrit au concile, pour être comme un miroir, où tout le monde pût voir la foi de l'églife Romaine. Afin que ceux qui l'auront lû exactement croïent & enfeignent ce qu'il contient, & que nous parlions tous le même langage; c'eft pourquoi nous ne voulons point reprendre cet écrit. De même l'écrit que les Grecs nous ont donné eft à nous; c'est un miroir fcandaleux de leur creance. C'eft pourquoi nous ne Tome XVII. N

AN. 1234.

voulons point vous le rendre ; nous le montrerons au pape & à l'églife, en témoignage de l'erreur des Grecs,fi yous ne le revoquez du confentement de tout le concile. Les Grecs ne contefterent pas davantage & laifferent en paix les nonces cette nuit-là. Mais le matin ils revinrent à la charge, & menacerent les nonces de ne les point laiffer fortir du païs, s'ils ne rendoient l'écrit de bon gré. Ils les retinrent ainfi jufques à l'heure de tierce. Enfin après bien des contestations,les nonces dirent : Nous fommes dans vôtre païs, vous pouvez nous ôter de force ce que vous demandez, mais vous ne l'aurez pas de nôtre gré; & aïant ainfi parlé, ils fe retirerent; c'étoit l'heure de dîner.

Comme ils dînoient les uns & les autres, les nonces délibererent entre-eux de ce qu'ils feroient ; & aïant fait appeller l'officier qui étoit venu de la part de l'empereur, ils lui demanderent s'il avoit ordre d'empêcher leur voïage. Il répondit : A Dieu ne plaise ni à mon maître, je fuis plûtôt venu pour vous le faciliter. Alors ils appellerent les gens que l'empereur leur avoit donnez pour les accompagner, & leur commanderent de préparer les chevaux, parce qu'ils vout loient partir : ils le firent. Ce que le cartophylax aïan appris, il fit aux nonces une monition de rendre l'écrit, puis il prononça excommunication contre les gens de leur escorte, s'ils continuoient de leur rendre quelque fervice. Alors ces gens déchargerent les livres des nonces & cefferent de les fervir. Les nonces prirent fur eux leurs livres les plus portatifs; & laiffant les autres en garde à l'officier de l'empereur, ils partirent feuls à pied.

Le païs étoit défert, & ils avoient encore environ

fix journées à faire jufques à la mer de CP. mais fe AN. 1 2 3 4. confiant à la grace de Dieu, ils se mirent hardiment en chemin. Les Grecs envoïerent après eux, leur déclarant la difficulté des chemins & le peril où ils expofoient leur vie, & les affûrant avec ferment, que s'ils alloient plus loin fans guide, ils trouveroient dans les montagnes, & dans les bois des païfans en embuscade qui les tueroient. Les nonces ne s'arrêterent pas pour ces avis. Ils avoient marché fix ou sept milles, qui font environ deux lieuës, quand l'officier de l'empereur les joignit; & descendant de cheval il fe mit à leurs pieds, les conjurant de retourner au village d'où ils venoient, & promettant de faire revoquer l'excommunication, & reparer tout ce qui avoit été dit ou fait contre-eux. Ils s'arrêterent donc d'un commun confentement à un village voisin, & renvoïerent de leurs freres querir les livres. Quand ils furent venus au village où on les avoit laiffez, le cartophylax s'approcha & foüilla tous les livres & le bagage des nonces. Il prit même ceux qui étoient revenus, & les aïant menez à part dans une chambre il délia leurs balots. Enfin il trouva l'écrit des Grecs, & dit: J'ai ce que je cherchois. Mais les nonces en avoient fait une traduction qu'ils garderent pardevers eux, & l'apporterent au pape. Les Grecs aïant obte- vading. 1233. mi nu ce qu'ils defiroient revinrent aux paroles d'ho- 23. nêteté, & laifferent aller en paix les nonces, après leur avoir donné une lettre, adreffée au pape au nom des deux patriarches, & du concile de Nymphée, qui trés-longue explication de leur creance fur l'article du S. Efprit. On voit ici par le procedé des Grecs, qu'ils fe croïoient plus forts fur cet article que

eft une

to.xx: conc.

456.

AN. 1234.

fur celui des azymes: on voit auffi que l'empereur souhaitoit plus l'union que les patriarches & le clergé, mais c'est qu'il efperoit par ce moïen détourner le paprocurer du fecours aux Latins de CP. Cependant le pape Gregoire fe plaignit au roi de France Louis, des Lieutenans, ou baillifs, comme on vi Le 364 les nommoit alors, qu'il avoit envoyez dans le

XL.

Affaires des

Albigeois.

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pe

de

pays

d'Albigeois. Nous avons, dit-il, appris avec étonnement, qu'ils oppriment les églifes & les perfonnes ecclefiaftiques, au lieu de les proteger. Ils chargent leurs fujets de tailles, de collectes & de courvées; & s'ils font quelque faute, ils les punissent arbitrairement, fans refpect pour les feigneurs. Ils faififfent les fiefs & les autres biens, pour contraindre les possesfeurs à reconnoître leur jurisdiction. De plus ils s'attribuent les biens dont les églifes avoient été dépouillées par les Albigeois ; & refufent d'obferver les tranfactions ou les donations faites par le comte de Montfort, & de jurer la paix, fuivant les ftatuts du concile de Touloufe; c'est celui de 1229. Ils défendent par cri public plufieurs pratiques de pieté, comme d'offrir les premices & les décimes, ou faire des legs pieux. Ils chargent de calomnies les évêques de Beziers & d'Agde, retiennent les châteaux & les biens de leurs églifes; & les obligent à plaider en vôtre cour, contre l'ordre de droit & la coûtume des églifes de la province. Le pape ajoûte plufieurs autres griefs, & conclut en priant le roi d'envoyer un commissaire autorisé pour terminer ces differends conjointement avec l'archevêque de Vienne legat du faint fiege. La lettre eft du fecond jour de Mai 1234.

L'archevêque de Vienne étoit Jean de Burnin re

1.43. Greg lib. VIII. ep. 73 59. 70. 71. 76. 77.

ap.Rain.m.14.

commandable par sa science & fa vertu, qui tint ce AN. 1234. siege au moins trente-cinq ans. Le pape Gregoire lui Gall.Ch.to. • donna la legation contre les Albigeois après en avoir 804. déchargé l'évêque de Tournai; & manda aux arche- Gde Pod. Laur. vêques de Lyon & de Bourges, & aux autres évêques de France, au roi d'Arragon & au comte de Montfort de l'aider dans l'exercice de fa legation. Le legat étoit auffi chargé d'informer contre l'évêque d'Orange accusé de plusieurs crimes; & d'examiner les circonftances de la mort de Raimond le vieux comte de Toulouse, pour favoir s'il avoit donné des fignes de penitence, & s'il meritoit la fepulture ecclefiaftique; mais cette information ne fut faite que treize ans après 16.

en 1247.

pas

pape pour

VII ef. 463.

VII. ep.324

Catel. Comt.:

G. Pod. Laur. c. 43. Catel. com

Or encore que l'archevêque eût receu du pape d'amples inftructions, & qu'il fût malade de la fiévre s quarte, il ne laiffa d'aller trouver le l'inftruire plus particulierement de l'état de la province. Enfuite il fit plufieurs reglemens pour l'exercice de l'inquifition, entre-autres que ceux qui fe convertiroient fincerement & diroient la verité tant par raport à eux-mêmes qu'aux autres, obtiendroient des penitences moderées, fans craindre pour leurs perfonnes ou pour leurs biens, pourvû qu'ils évitassent la

recheute.

Pendant la legation de l'évêque de Tournai le pape avoit donné l'inquifition aux freres Prefcheurs, favoir à Pierre Cellan & à Guillaume Arnauld, qui ayant fait le procés à quelques heretiques de Touloufe,s'y rendirent fi odieux, qu'il furent contraints d'en sortir, & avec eux toute leur communauté & l'évêque même. Sous la legation de l'archevêque de Vienne;

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