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répondit à ces plaintes, partie en diminuant les fu- AN.1236. jets, partie en rejettant la faute fur fes officiers ; & quant aux élections des prélats, il foûtient qu'il ne fait que conferver le droit de fes prédeceffeurs. Mais ces réponses étoient mêlées de termes piquans, qui ne faifoient qu'aigrir les esprits.

LV. Affaires de

x.epist. I ap.

Le pape ne laiffoit pas de ménager l'empereur pour l'interêt de la croisade; & le détournoit, autant qu'il pouvoit, de faire la guerre en Lombardie, comme il lavoit que ce prince en avoit dessein. Voici comme Rain,1136 n.2. il lui en écrivit le vingtiéme de Mars de la même année : Nous prions vôtre excellence de confiderer, que nous avons entrepris l'affaire de la terre fainte à vôtre poursuite, & par le confeil de trois patriarches & de tous les prélats qui étoient auprès de nous: que cette affaire vous regarde particulièrement après le faint Gege; & que nous avons reglé que par tout le monde on obligeroit ceux qui font en differend à s'accorder, ou du moins à faire des tréves. Quelques princes y ont déja été contraints, & quelques rois & plufieurs grands fe font croisez. C'est pourquoi nous vous prions inftamment d'envoïer inceffamment Herman maître de l'ordre Teutonique avec un plein pouvoir de compromettre entre nos mains purement & fimplement fur vos differends avec les Lombards, qui de leur côté s'en font remis à nous. Car vous devez favoir, que fi vous entrepreniez de marcher contre eux, principalement en ce tems-ci : vous causeriez un grand scandale, & donneriez à plusieurs occafion de croire que l'églife les auroit trompez : ce qu'elle ne devroit pas fouffrir.

Mais l'empereur declara au pape qu'il ne pouvoir

1236. p. 362.

365.

p. 48.

l'em

AN.1236. plus fupporter l'infolence des Lombards, & le pria de lui procurer une paix honorable avec eux, ou l'aiMatth.Paris an der à les foûmettre, comme il prétendoit que Marth. Parif. pereur le deût fecourir. Il fe plaignoit fur-tout de la ap.Sigon.lib.18. Ville de Milan, comme foûtenant les heretiques & les rebelles. Pour s'excufer du retardement de la croifade, il écrivit au pape en ces termes : L'Italie eft mon heritage; ce feroit une ambition déraisonnable d'abandonner ce qui eft à moi pour faire des conquêtes fur des étrangers. Je fuis Chrétien & quoiqu'indigne ferviteur de J. C. croifé pour faire la guerre à fes ennemis. Or l'Italie eft pleine d'heretiques, principalement à Milan ; & les laiffer impunis pour paffer contre les Sarrafins, ce feroit laifler le fer dans la plaïe, & lui appliquer des remedes fuperficiels. De plus je ne puis faire la guerre aux infidèles fans avoir quantité de troupes, & faire de grandes dépenses; & c'est à quoi je destine les richesses & les forces d'Italie.

111. ep. 1. & ap Sigon ib.

L'empereur étoit en Allemagne, & aïant réfolu de paffer l'été fuivant en Lombardie, il écrivit aux princes d'Allemagne une grande lettre, où il dit: Comme les peuples vivent en paix fous nôtre obéïsPetr. de Vin fance dans le roïaume de Jerufalem, qui appartient à nôtre cher fils Conrad par la fucceffion de fa mere, dans la Sicile qui eft nôtre héritage maternel, & dans l'Allemagne : nous prétendons ramener l'Italie à fon devoir, & à l'unité de l'empire, & pour y réüffir il nous refte peu de chose à faire. En quoi nous ne cherchons pas feulement nôtre avantage particulier, mais le progrés de la croifade. Car en foûmettant les rebelles d'Italie, nous ôtons les divi

fions entre plufieurs nobles, dont les vœux demeurent en fufpens pendant cette guerre entre Chrétiens. Pour procurer de fi grands biens nous avons résolu d'entrer cet efté en Lombardie avec les princes de l'empire, pour en déraciner l'herefie, y rétablir les droits de l'empire, y remettre la paix, & rendre la justice à tout le monde, enforte que nous puiflions aller tous ensemble combattre les ennemis de la foi. C'est pourquoi nous indiquons à Parme une cour folemnelle, où nous invitons tous les députez des villes d'Italie au-deça de Rome. Outre les princes de l'empire, nous efperons y avoir des envoyez de tous les rois d'Occident la plupart nos alliez. Il marque enfuite le rendez-vous de fes troupes à Augsbourg pour la S. Jean, & le jour de la faint Jacques vingt-cinquiéme de Juillet pour l'affemblée de Parme.

pe

AN. 1236.

p.286.

Cependant l'empereur ne laiffa pas de prier le pad'envoïer un legat en Lombardie pour negocier la paix, & le pape y envoïa l'évêque de Palestrine. Ital. Sac, so. Kë C'étoit Jacques de Pecoraria d'une famille noble & riche de Plaifance. Il fut dès fa premiere jeuneffe clerc à S. Domnin, puis archidiacre à Ravenne : ensuite voulant renoncer au monde il paffa en France, & entra dans l'ordre de Cifteaux en 1215. Il s'y diftingua tellement, qu'il fut élû abbé des Trois-fontaines à Rome fous le Pontificat d'Honorius III. qui le prit en affection finguliere, & le fit fon penitencier & fon chapellain. Il eut part dès lors aux affaires les plus importantes de l'églife, & s'en acquitta si bien que le pape Gregoire IX. le fit cardinal évêque de Palestrine au mois de Septembre 1231. & l'envoya l'année fuivante avec Otton cardinal de S. Nicolas Tome XVII.

R

AN. 1236. Pour negocier la paix auprès de l'empereur Frideric. Il fut enfuite envoïé pour pacifier la Lombardie, & la legation de cette année fut la troifiéme. Le pape en écrivit auffi à l'empereur le dixiéme de Juin : Âïant appris que vous deviez marcher en Lombardie, nous avons refolu d'y envoier l'évêque de Palestrine, dont vous pouvez vous affurer qu'aïant autrefois tout quitté pour Dieu, il ne cherche que la concorde avec l'honneur de l'église & del'empire fans acception de perfonnes.

x. ep.193.2.

Rain. 1236. 5.

LVI.

La B. Agués de Boheme.

Vita aj.Bill. 6.

Mart. to. 6. p.

Cependant Agnés fœur du roi de Bohëme donna un grand exemple au monde, en fe confacrant à Dieu M... fous la regle de S. François. Elle étoit fille de Primiflas Ottocar roi de Boheme & de Conftance fille de Bela III. roi de Hongrie, & nâquit à Prague l'an 1205. Dès l'âge de trois ans elle fut promise en mariage à Boleflas fils de Henri duc de Silefie; & envoïće dans le païs au monaftere de Trebnits près de Breslau pour y être élevée par les religieufes; mais trois ans après, le prince auquel on la deftinoit étant mort, elle fut ramenée en Boheme, & mife dans le monaftere de Doxane où elle demeura jufques à l'âge de neuf ans. Alors l'empereur Frideric II. la demanda pour Henri fon fils aîné, & les fiançailles aïant été celebrées par procureur, la jeune princesse fut envoïée en Autriche pour y apprendre la langue & les mœurs Allemandes: car les Bohemiens étoient de la nation des Sclaves. Dès lors elle paffoit l'Avent dans une rigoureufe abftinence ne vivant que d'un peu de pain & de vin, ce qu'elle obfervoit auffi le Carême, quoique les ducs d'Autriche eussent dispense de manger des laitages contre l'ufage de ce tems-là. La veil

le de l'Annonciation Agnés conçût un grand defir de garder la virginité toute fiancée qu'elle étoit : elle en forma la refolution, & pour l'accomplir fe mit fous la protection de la fainte Vierge. Le mariage fut differé, on la renvoïa en Bohëme, & Henri époufa la fille de Leopold duc d'Autriche.

Enfuite l'empereur Frideric lui-même se trouvant veuf pour la feconde fois par le décés d'Yolande fille du roi de Jerufalem Jean de Brienne, demanda en mariage Agnés de Bohëme, qui fut auffi demandée en même tems par Henri III. roi d'Angleterre. L'empereur fut préféré, & le mariage conclu contre l'inclination de la princeffe par le roi Primiflas fon pere: mais il mourut vers l'an 1230. & Venceflas IV. fon fils lui fucceda. Cependant Agnés fe préparoit à la vie qu'elle prétendoit embraffer. Sous ces habits de princeffe ornez d'or & de pierreries, elle portoit un cilice & une ceinture de fer. Son lit magnifique au dehors étoit femé de cailloux pointus: fon abftinence étoit grande & ses jeûnes frequens, fans que le roi fon frere s'en apperçût. Elle paffoit la matinée à entendre des messes en differentes églifes, & fouvent y alloit avant le jour en habit de bourgeoise pour n'être pas connuë, elle paffoit les heures entieres à prier à genoux.

Elle avoit vingt-huit ans l'an 1233. quand l'empereur Frideric envoïa à Prague des Ambassadeurs pour l'amener & celebrer fon mariage, & le roi fon frere y confentoit avec joie. Mais pendant que les ambaffadeurs faifoient de grands preparatifs pour conduire la princeffe avec plus de magnificence, elle envoïa fecretement au pape Gregoire, pour im

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