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plorer fon fecours & fon autorité contre ce mariage,
auquel on vouloit l'engager contre fon gré. Or ce qui
augmentoit la repugnance, c'eft qu'elle étoit bien
avertie de la vie débordée que menoit l'empereur
pendant fon
veuvage. Le pape entra dans les fenti-
mens de la pieuse princeffe, & envoïa un nonce ex-
traordia ire en Bohëme, avec charge d'enfpêcher ce
mariage, menageant autant qu'il feroit poffible le
reffentiment que l'empereur en pourroit concevoir.
Agnés alla trouver le roi fon frere, lui montra la
bulle du pape, & le fupplia d'appuïer fa refolution.
Il en avertit les Ambassadeurs qui le firent favoir à
l'empereur, & quoi qu'il en fut d'abord irrité, il fe
rendit & donna un decret, par lequel il déchargeoit
Agnés des promeffes qu'elle lui avoit faites par le
traité de mariage. Dans ce decret il difoit : Si elle
m'avoit quitté pour un homme mortel; j'en aurois
tiré vengeance par les armes : mais je ne puis trou-
ver mauvais qu'elle me prefere l'époux celefte.

La princeffe fe trouvant ainfi libre accomplit fon pieux deffein; & étant bien informée de l'inftitut de S. François, & de la maniere de vivre de fainte Claire & de fes filles, elle refolut de l'embraffer, pa le conseil des freres Mineurs qui étoient venus de Maïence s'établir à Prague dès le tems du roi Primislas fon pere. Elle acheva de bâtir leur Monaftere, & en fonda un nouveau fous le nom de S. Sauveur pour les filles de fainte Claire qui lui en envoïa cinq. Il étoit achevé dès l'an 1234. comme il paroît par la lettre du pape Gregoire qui approuve & confirme cette fondation. Agnés avoit déja fondé à Prague un hôpital pour les malades sous le nom de S. François, fer

vi par des religieux de la regle de faint Auguftin, qui AN.1236. portoient fur leur habit une croix avec une étoile Albert, Stad. rouge. Enfin le jour de la Pentecôte dix-huitième de cod. an. Mai 1236. elle prit l'habit folemnellement avec fept autres filles de grande naissance. Elle étoit âgée de trente-un an, & en vêcut encore quarante-cinq.

On voit par les lettres que le pape lui écrivit les deux années fuivantes, qu'elle étoit abbeffe de ce monastere, & que dès lors il portoit le nom de faint François. Nous avons auffi quatre lettres de fainte Boll.p. 506, Claire à la bienheureuse Agnés, où elle la felicite fur fa vocation, & l'exhorte à la perfeverance, furtout à l'amour de la fainte pauvreté : auffi Agnés y fut fi fidelle qu'elle ne voulut jamais que fon monaftere eût des biens immeubles ni des revenus affûrez, quelque inftance que lui en fit le roi fon frere. Sainte Claire l'avertit que l'ufage de fon ordre étoit de jeûner l'année en viande de carême, exceptez les dimanches & les principales fêtes.

LVII.

Conquête de Cordoue par Ferdinand.

CSF rd c.8.

325.

En Espagne les armes des Chrétiens continuoient de profperer. Dès le mois de Janvier de l'année précedente 1235. les troupes de Ferdinand roi de Caftille furprirent de nuit un fauxbourg de Cordoue fermé polite 18 po de murailles & de tours, & Ferdinand en étant averti vint en perfonne devant la ville, & commença à l'asfieger quoi qu'avec peu de monde. Abenhout roi Maure refidant à Ecija auroit pû fecourir Cordoüe: mais il en fut détourné par un chevalier Chrétien, en qui il fe fioit; & qui le trompa de concert avec le roi Ferdinand. Puis comme Abenhou marchoit au fecours de Valence attaquée par Jacques roi d'Arragon, il fut tué en trahison par un des fiens; & après

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AN. 1236.

Ric. S. Germ.

251

fa mort les Maures de ces quartiers fe diviferent, ne voulant plus obéir à un feul maître.

Cependant l'armée de Ferdinand croiffoit de jour en jour, & il preffoit le fiege de Cordoue, dont les habitans fe voïant abandonnez & réduits à la famine demanderent à capituler. Ferdinand ne leur accorda point d'autres conditions que de fortir la vie fauve fans rien emporter, Ainfi Cordoüe lui fut rendue la veille de la faint Pierre vingt-huitième jour de Juin 1236, après avoir été au pouvoir des MusulSup.liv. XLI.r. mans 523. ans depuis l'an 713. qu'ils en firent leur capitale en Espagne. Le roi Ferdinand fit d'abord mettre une croix au haut de la tour ou Minaret d'où on appelloit les Musulmans à la priere; & cinq évêques qui l'accompagnoient entrerent dans la principale Mosquée la plus grande & la plus ornée de toutes celles des Arabes. Ces évêques étoient Jean d'Olma Chancelier de la cour roïale, Gonfalve de Cuenca, Dominique de Baëça, Adam de Placentia, Sanche de Coria: Rodrigue archevêque de Tolede étoit en cour de Rome. L'évêque d'Olma aïant fait purifier la Mosquée, y dreffa un autel en l'honneur de la fainte Vierge, y celebra folemnellement la Meffe le jour des SS. apôtres, &y prêcha avec grande édification de l'affemblée. Le roi Almanfor avoit autrefois enlevé de Compostelle les cloches de l'églife de S. Jacques & les avoit apportées à Cordoue dans la grande Mofquée où elles étoient fufpendues à la renverse & servoient de lampes, ce que les Chrétiens regardoient comme un opprobre. Mais le roi Ferdinand les fit reporter à S. Jacques fur les épaules des Maurés. Com me la ville de Cordoue eft fituée dans un païs trés

abondant & trés-agréable, la nouvelle de la prife s'é- AN. 1236, tant répanduë en Espagne, il y accourut des habitans de toutes parts qui la préferoient aux lieux de leur naissance enforte que les maisons les maifons manquerent plûtôt que les hommes pour les habiter. On y réta blit le fiege épiscopal fous la métropole de Tolede; & on la comptoit pour une des plus grandes villes du monde après Rome, C. P. & Seville,

x. ep. 214. ap. Rain. n. 58.

ep.215.7. 60.

Le pape Gregoire aiant appris cette heureuse nouvelle écrivit aux prélats d'Espagne d'encourager le roi Ferdinand à pourfuivre les conquêtes fur les infideles, & tous les peuples de leurs diocéfes àl'y aider, foit de leurs perfonnes, foit de leurs biens, leur promettant la même indulgence que pour le voïage de la terre fainte. La lettre eft du quatrième de Septembre 1236. En même tems à la priere du roi, il ordonna à l'archevêque de Tolede & aux évêques de Burgos & d'Olma, de lui faire païer trois ans durant un fubfide annuel de mille pieces d'or monoye du païs fur les revenus des églifes & des monafteres pour les frais de cette guerre. Vers le même tems le roi Ferdinand aïant découvert des heretiques à Palencia, ordonna qu'ils fuffent marquez au vifage d'un fer chaud : ce qui les fit rentrer en eux-mêmes, & demander à revenir dans le fein de l'églife; & le pape donna à l'évêque du lieu la commission de les ab- z ep.182.iba foudre.

LVIII. Juifs maltrai

tez.

La même année les Juifs furent maltraitez en plufieurs lieux, particulierement en Efpagne, où on en fit un grand carnage. En France les croifez de Guienne, de Poitou, d'Anjou & de Bretagne en tuerent un grand nombre, fans épargner les enfans & les Lobineau bist.ş.

Matth. Parif. 1236.p.364.

235.

Rain,1239.n.48.

:

AN.1236. femmes enceintes. Ils en blesserent plusieurs mortellement, & en foulerent d'autres aux pieds de leurs chevaux : laissant les corps des morts expofez aux bêtes. Ils brûlerent leurs livres, pillerent leurs biens, & menaçoient de leur faire encore pis le tout fous prétexte qu'ils refufoient de recevoir le baptême. Les Juifs en porterent leurs plaintes au pape Gregoire, qui écrivit fur ce fujet à l'archevêque de Bourx. ep. 211, ap. deaux, & aux évêques de Saintes, d'Angoulême & de Poitiers, une lettre où il dit que les croisez devoient se préparer à la guerre contre les infideles par la crainte de Dieu, la pureté de cœur & la charité; & qu'encore que J. C. n'excluë perfonne de la grace du baptême, toutefois il fait mifericorde à qui il lui plaît, & il ne faut contraindre perfonne à recevoir ce facrement, parce que comme l'homme eft tombé fon libre arbitre, il doit auffi fe relever par fon libre arbitre, étant appellé par la grace. La lettre est du neuviéme de Septembre 1236. Le pape écrivit à S. Loüis fur le même fujet, afin qu'il reprimât la fureur des croifez. Les Juifs d'Angleterre épouventez de ces exemples donnerent de l'argent au roi Henri, & obtinrent une proclamation publique, portant défenfe de leur faire aucun mauvais traitement:

ep. 213.

M Paris,ibid.

LIX. Concile de Tours.

$94.

par

Nous voïons une pareille défenfe de maltraiter les Juifs faite en particulier aux croisez, dans un concile de Tours tenu par l'archevêque Juhel le mardi avant la S. Barnabé, c'est-à-dire, le dixiéme de Juin e. xi, conc.. la même année 1236. On y publia un reglement contenant quatorze articles, dont le premier porte, que les croifez arrêtez pour crime par le juge seculier seront revendiquez par le juge ecclefiaftique, qui n'au

га

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