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AN. 1236.

ap. Matth. Parif. 113.

p. 419.

le

fulman avoit quitté le rei fon oncle qui le menaçoit de mort, prétendant vouloir embraffer la religion chrétienne & venir à Rome fe faire baptifer par pape mais Frideric perfuadé que ce n'étoit qu'un prétexte pour colorer la fuite, l'avoit fait arrêter apparemment à la priere du roi de Tunis. Le pape Tui en fait un grand crime, comme s'il vouloit empêcher la converfion du neveu, & ajoûte: Il ne vous est pas permis d'ignorer que la faveur du baptême va jufqu'à délivrer les efclaves de la fervitude de leurs maîtres, s'ils veulent les empêcher de fe convertir. Cette maxime ainfi prife en general feroit fauffe & propre à rendre odieuse la religion chrétienne. Elle feroit contraire à l'écriture: felon laquelle le baptê1. Cor. VII. 20. mene change rien à la condition des perfonnes, & il eft ordonné aux efclaves d'obéir à leurs maîtres, quels qu'ils foient. Il est vrai que dans les decretales de Gregoire IX, il y a deux chapitres qui défendent aux Juifs d'avoir des esclaves Chrétiens: encore le premier ordonne-t-il qu'on leur en payera le prix.

1. Tim. VI. I.2.

1. Pet. 11. 18.

c. 1. &. 2de Jud. & SAT.

Dans la fuite de la lettre le pape Gregoire renvoye l'empereur Frideric aux exemples de fes prédeceffeurs, & ajoûte. Il est manifeste que Constantin dont la monarchie s'étendoit par tout le monde, du confentement du fenat & de tout le peuple de l'empire, a donné au pape les ornemens imperiaux, la ville & le duché de Rome: que vous voulez revolter contre nous par l'argent que vous y répandez; & que laiffant l'Italie à la difpofition du faint fiege, il fe choifit en Grece une nouvelle refidence. D'où le S. fiege enfuite a transferé l'empire aux Germains en

la perfonne de Charlemagne, fans diminuer en rien AN. 1236, la fubftance de fa jurifdiction & de fa fuperiorité fur les empereurs, à qui l'églife donne le glaive dans leur couronnement. Par où vous êtes convaincu de déroger au droit du faint fiege, à vôtre foi & à vôtre honneur en méconnoissant celui qui vous a fait ce que vous êtes. Ce raisonnement feroit concluant files faits fut lefquels il eft fondé étoient veritables.

Godfr. Mon. card. 5 Germ.

an. 1236. Ri

cod. p. 1026.

Vita Gres.

L'empereur cependant faifoit progrez en Lombardie où il attaqua Verone, prit Vicence au mois de Novembre de la même année 1236. & la brûla en partie. Mais aïant appris la revolte du duc d'Autriche, il fut obligé de retourner en Allemagne. Avant que de partir, il fit prier le pape de travailler à la paix de Lombardie, & le pape y envoïa deux nouveaux legats, Rainald évêque d'Oftie & Thomas prêtre cardinal du titre de fainte Sabine: comme il paroît par la lettre aux prélats de Lombardie pour leur recom- . 13. mander ces deux legats, dattée du vingt-neuviéme de Novembre. L'empereur retourna en Allemagne, défit le duc d'Autriche, le dépoüilla de ses états, & passa l'hiver à Vienne.

ap. Rain. 1236.`

Matth. Pari

P. 366.

LXII.
Fin du B.Jour-

dain.

Bern. Guid. ap.

Čette année 1236. à la Pentecôte qui fut le dixhuitiéme de Mai, le B. Jourdain tint à Paris le chapitre des freres Prescheurs qui fut le fecond très-ge- Boll. 1;. Feur. neral. Ensuite il paffa en Palestine pour vifiter les t. 4. p. 723. faints lieux & les convents de fon ordre en cette province. Mais étant dans un vaiffeau fur les côtes de Galilée, il fut accueilli d'une tempête qui le fit perir avec deux freres de fon ordre & plufieurs autres per- bid. p. 730. ex fonnes. Ceux qui se fauverent de ce naufrage dirent vis Pp. prandepuis qu'avant que les corps de ceux qui y étoient'

p. so.

AN. 1237.

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mort's fuffent enterrez, on avoit vû fur eux toutes les nuits des lumieres venant du ciel, & l'on que avoit fenti une odeur très-agréable. Jourdain & fes deux compagnons furent d'abord enterrez fur le lieu: mais enfuite les freres Prefcheurs d'Acre vinrent avec une barque, & les transfererent dans leur égli fe. Le B. Jourdin mourut ainfi le treiziéme de Février 1236. c'est-à-dire 1237. avant Pâques.

Il fe fit plufieurs miracles par fon interceffion, & on rapporte de lui plufieurs paroles remarquables." Il vint un jour trouver l'empereur Frideric; & après qu'ils eurent été long-tems affis ensemble en filence, Jourdain dit: Seigneur, je vais en diverses provinces pour le devoir de ma charge: c'eft pourquoi je m'éIssa Pp. p. 5. tonne que vous ne me demandez pas les bruits qui courent. L'empereur repondit : J'ai mes envoyez. dans toutes les cours & toutes les provinces, & je fai tout ce qui fe fait par le monde. Jourdain reprit: J. C. favoit tout comme Dieu, & cependant il demandoit à fes disciples ce qu'on difoit de lui. Vous n'êtes qu'un homme, & vous ignorez beaucoup de chofes que l'on dit de vous, & qu'il feroit fort à pro-, pos que vous fçuffiez. Or on dit que vous opprimez les églifes, que vous méprisez les cenfures ecclefiaftiques, que vous croïez aux augures, que vous favorifez trop les Juifs & les Sarrafins, que vous n'honorez pas le pape vicaire de J. C. Affurément tout cela n'eft pas digne de vous. Telle fut la correction qu'il fit à l'empereur.

Un féculier lui dit un jour : Maître, d'où vient ce que nous difons quelquefois entre nous, que depuis que vos freres & les freres Mineurs font venus, le

tems

tems n'a point été fi bon, ni la terre fi fertile qu'au- AN. 1236. paravant? Jourdain répondit: Je pourrois le nier & vous faire voir le contraire. Mais foit, je vous montre qu'il est juste. Car depuis que nous fommes venus au monde, nous l'avons inftruit & lui avons découvert plufieurs pechez qu'il ne connoissoit pas, Sc que toutefois il ne veut pas éviter, Or ces pechez font plus grands étant commis avec connoissance : c'est pourquoi Dieu envoïe de plus grands fleaux comme la fterilité. Et j'ajoûte que li vous ne vous corrigez à prefent que vous favez ce que vous devez faire & éviter, il vous arrivera encore pis.

Comme il étoit en une abbaie de l'ordre de Cifteaux, plufieurs moines l'environnerent & lui dirent: Maître, comment vôtre ordre pourra-t-il durer en ne vivant que d'aumônes? A prefent le monde a beaucoup de devotion pour vous, mais vous favez qu'il est écrit que la charité se refroidira. Il répon- Matth.xxxv.x86 dit avec une extrême douceur: Je vais vous montrer par vos propres paroles que votre ordre manquera plûtôt que le nôtre. L'évangile porte que la charité fe refroidira dans le même tems où l'iniquité abondera, & où s'éleveront des perfecutions infupportables. Or yous jugez bien que les perfecuteurs vous ôteront vos biens temporels : & comme vous n'êtes pas accoûtumez à aller d'un lieu à l'autre demander l'aumône, vous perirez neceffairement. Nos freres au contraire feront alors difperfez, & feront un plus grand fruit, comme les apôtres, lors qu'ils furent fe- 4. L. 4parez par la perfecution. Ils iront deux à deux à leur ordinaire cherchant leur vie. Je vous dis plus, ceux qui vous pilleront leur donneront volontiers: comTome XVII.

T

AN.1236. me nous avons fouvent éprouvé que les voleurs & les pillards nous donneroient avec joye de leur butin fi nous le voulions recevoir..

On lui demandoit pourquoi les artistes entroient plûtôt dans fon ordre que les theologiens & les decretiftes. Il répondit: Les païfans accoûtumez à boire de l'eau, s'enyvrent plus aifément quand ils trouvent de bon vin, que les nobles ou les bourgeois qui y font accoûtumez. Les artistes boivent pendant toute la femaine de l'eau d'Ariftote & des autres philofophes : c'est pourquoi quand un dimanche ou une fête ils viennent au fermon & entendent les paroles de J. C. & de fes ferviteurs, ils y font aisément pris: au lieu que les theologiens ont fouvent oui de femblables difcours, & reffemblent à un facristain fi accoûtumé à paffer devant l'autel, qu'il ne faluë plus.

Se trouvant dans une assemblée d'évêques, ils lui demanderent d'où venoit que les évêques tirez de ces. deux ordres fi parfaits des Prescheurs & des Mineurs, ne réüffiffoient pas dans l'épifcopat. Vous devez, dit-il, vous en prendre à vous-mêmes, puisque ce relâchement ne leur arrive qu'après qu'ils ont paffé à vôtre ordre : car tant qu'ils ont été dans le nôtre,nous les avons bien corrigez. De plus il y a long-tems que je fuis dans cet ordre, & je ne me fouviens point que pape ni aucun prélat ou chapitre de cathedrale m'ait demandé ou à quelque autre fuperieur un bon fujet pour être évêque. Ils les choisissent eux-mêmes, on par affection pour leurs parens ou par quelque autre raifon peu fpirituelle. Il dit une autre fois : H n'est pas étonnant que nos freres ne se conduisent pas fi-bien dans l'épifcopat que les autres religieux;

le

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