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AN. 1238.

& ne doit avoir qu'une fois fa fubfiftance: ce n'eft donc point la charité qui en fait garder plufieurs, mais la feule cupidité. La pluralité ne s'étendoit guere alors qu'aux prebendes & aux dignitez des chapitres, car la pluralité des benefices à charge d'ames étoit trop odieuse, & il y avoit encore peu de commendes ou de benefices fimples. Auffi l'auteur prend tous fes exemples des chanoines, & montre que celui qui a plufieurs prebendes en diverfes églifes fruftre l'intention des fondateurs, qui ont voulu qu'en chacune il y eût un certain nombre de chanoines. Cette pluralité, dit-il, prive l'églife d'un grand nombre d'officiers & fait qu'elle eft mal fervie, tandis qu'un feul confume la fubfiftance de plufieurs. Enfin il est évident que celui qui entaffe plufieurs benefices n'y regarde que le temporel, & nullement le fpirituel, ni la fonction. Outre l'interêt prefent une autre raifon faifoit alors defirer les prebendes en diverses cathedrales, favoir,l'efperance d'en être élû évêque. Saint Louis fuivit dans la pratique la décifion de l'école de Paris pour la diftribution des benefices qui dépendoient de lui; car quelque fcience ou quelque reputaG. Nangis. p. tion qu'eût un ecclefiaftique, s'il avoit déja un bene10. Du- fice, il ne lui en conferoit point d'autres, qu'il ne refignât le premier purement & fimplement.

169. Gauf. p.

chefne.

terre.

XVI.

Thomas comte de Savoïe eut quinze enfans, neuf Eglife d'Angle- fils & fix filles, dont l'une fut Beatrix comtesse de Provence mere d'Eleonore reine d'Angleterre. Cinq des fils entrerent dans l'état ecclefiaftique. Amedée qui fut Chartreux puis évêque de Mauriene, Guillaume elû évêque de Valence, Thomas archidiacre, qui prétendit inutilement à l'évêché de Lausane, &

enfuite à l'archevêché de Lion, & enfin époufa Jeanne AN. 1238. comteffe de Flandres. Le quatriéme fut Boniface, qui Gall. Chr. to. 1. après avoir été Chartreux, puis prieur de Nantua, fut p.323.6.2.3.5. élû évêque de Bellai en 1232. Le cinquiéme fut Phi- 361.ĝ lippe élû évêque de Valence après Guillaume fon fre- Alberic, an. & enfin élu archevêque de Lion. Les princes chargez d'enfans étoient alors foigneux de leur des dignitez ecclefiaftiques.

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procurer

36.

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Guillaume de Savoïe élû évêque de Valence étant venu en Angleterre l'an 1236. Voir la reine fa niéce, donna de la jaloufie aux Anglois, à qui il fembloit Matth. Parif.Pque le roi fuivoit trop les confeils de cet étranger. Deux ans après l'évêché de Vinchestre étant venu à vaquer, le roi fit tous fes efforts pour le lui procurer, quoiqu'il eût souvent promis avec ferment d'éloigner les étrangers des benefices d'Angleterre. Mais les moines de la cathedrale à qui appartient l'élection, s'y oppoferent, aïant oüi dire que Guillaume étoit guerrier; & allerent trouver le roi fuivant la coûtume, lui demandant la liberté de l'élection. Le roi voulut leur perfuader d'élire l'évêque de Valence qu'il nommoit fon oncle, & les moines députez demanderent du tems pour en déliberer avec la communauté ; ce qu'il ne put leur refuser. Mais ensuite aïant appris qu'ils vouloient élire Guillaume de Rele, il entra en grande colere & leur dit : Vous avez refufé l'évêque de Valence, le traitant d'homme fanguinaire, & vous avez élû Guillaume de Rele, qui en a plus tué par fa langue que l'autre par fon épée, & il jura que jamais il ne le fouffriroit, puis il ravagea les terres de l'évêché, logeant fouvent avec une fuite nombreuse dans les maisons de l'évêque.

AN. 1238.

XVII

Valence

6.4.

C. S.

Les moines de Vincheftre s'étant enfuite affemblez pour l'élection; le roi y vint aufli-tôt, & étant entré dans le chapitre, il les preffa par promeffes & par menaces d'élire l'évêque de Valence. Eux voulant éviter fon indignation fans lui accorder fon injuste demande, élûrent Raoul de Neuville évêque de Chichestre & fon chancelier; mais le roi voïant fes prieres encore éludées, chargea Raoul d'injures le traitant d'homme impetueux, colere & pervers, & lui ôta son sceau, difant aux moines, qu'ils étoient des infenfez d'avoir élû un tel évêque. Puis il envoïa en cour de Rome deux legistes, qui à force d'argent firent caffer cette poftulation.

En Espagne Jacques roi d'Arragon affiegeoit VaConquere de lence. Il entreprit la conquête de ce roïaume inconEcolano. lib. 3. tinent après celle de Majorque & dès l'année 1232. Il prit plufieurs places pendant les années suivantes & avança jufques à la capitale, qu'il commença d'affieger après Paques, c'est-à-dire, au mois d'Avril 1238. Il avoit d'abord peu de troupes ; mais il lui en vint enfuite, non feulement d'Arragon & de Catalogne, mais de Provence, de France & d'Angleterre : l'archevêque de Narbonne Pierre Amelin y vint en perfone accompagné de treize chevaliers & de cinq cens hommes de pied. Le roi More qui commandoit à Valence étoit Żaïn, auparavant feigneur de Denia ; & Zeit-abouzeït qu'il avoit chaffé fe fit Chrétien, fuiVading. 1138.7. yant la priere qu'avoient faite pour lui les deux freres, Mineurs Jean & Pierre qu'il fit mourir en 1231. Zeit Supliv. LXXX. fut nommé Vincent au baptême; mais il tint fa converfion fecrete, pour ne pas fe rendre odieux aux Mufulmāns, car il esperoit de remonter fur le trône &

5.

7.

Voit toûjours un parti confiderable.

pour

Après fix mois de fiege Zaïn fut reduit à rendre Valence, à condition que les habitans auroient la vie fauve & fûreté fe retirer avec ce qu'ils pourroient emporter sur eux. Ainfi le roi Jacques d'Arragon y entra victorieux le mardi vingt-huitiéme de Septembre 1238. veille de la faint Michel. On fut occupé pendant trois jours à nettoyer & purifier les mofquées pour en faire des églifes. Après avoir diftribué les maifons de la ville & les terres d'alentour, le roi s'appliqua à donner des loix à ce nouveau roïaume, par le confeil des prélats & des feigneurs qui l'avoient fuivi en cette guerre. Les prélats étoient Pierre archevêque de Tarragone, Berenger évêque de Barcelone, Vital d'Huefca, Bernard de Saragoce, Ponce de Tortofe, Garcia de Taraçone & Bernard de Vic: fept en tout. Entre autres loix le roi défendit aux Mores & aux Juifs d'avoir des esclaves, ou d'autres ferviteurs Chrétiens, ni des nourrices Chrétienes pour leurs enfans: de tenir leurs boutiques ouvertes, ni de travailler les dimanches & les fêtes: Mais il permit aux Mores de travailler à leurs terres tous les jours indifferemment, excepté les quatre plus grandes fêtes de l'année. Pour ne point fcandalifer ces infideles, il défendit de tailler en public les images de pierre de J. C. & des SS. afin qu'on ne les vît point ébauchées & difformes, ni de les vendre dans les ruës, non plus que les images en peinture. Il accorda l'immunité, c'eft-à-dire, le droit d'azile à la grande église de Valence, à celle du martyr S. Vincent patron de la ville, & à toutes les principales églifes du roïaume.

Tome XVII,

A a

AN. 1238.

Ef. c. 6. n. 8.

n.124

n. 14..

AN. 1238.

1.7.n.5.

ກ. 8.

1.7.

Si-tôt qu'il eût changé en églife la grande mof quée, il s'appliqua à y établir un évêque, des chanoines, des dignitez & un clergé. D'abord on n'y mit que douze chanoines & quatre dignitez, favoir, un grand archidiacre, un facriftain ou treforier, un chantre ou capifcol, capiscol, un archidiacre de Xativa : vingt ans après ou y ajoûta un doïen. Par le confeil des prélats le roi propofa pour premier évêque de Valence frere Berenger de Caftel Bifbal de l'ordre de S. Dominique, qui avoit été à la conquête de Majorque : mais fon élection fut differée à caufe de la conteftation qui furvint entre les deux archevêques de Tolede & de Tarragone, pour favoir lequel feroit métropolitain du nouveau fiege de Valence. Cependant celui de Gironne venant à vaquer frere Berenger en fut élû évêque par le chapitre : mais avant que de quitter Valence il y avoit déja reglé le service divin.

Le roi d'Arragon écrivit au pape Gregoire en faveur de l'archevêque de Tarragone, & le fupplia de declarer l'évêque de Valence fuffragant de ce prélat, nonobftant qu'il l'eût été de Tolede avant l'invasion des Mores; & il y avoit une nouvelle raison : car Tolede étoit du roïaume de Caftille & Tarragone de celui d'Arragon, dont dépendoit Valence par la nouvelle conquête. Auffi le pape accorda-t-il au roi fa demande : il érigea l'églife de Valence en cathedrale fuffragante de Tarragone, & lui affigna un diocéfe, par fa bulle du neuviéme d'Octobre de l'année fuivante 1239. Alors on proceda à l'élection d'un évêque du confentement de l'archevêque & des grands, & avec l'approbation du pape, on élût Ferrier de faint Martin prévôt de l'église de Tarragone. Pour doter

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