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liance.Il ne s'apliquoit pas feulement à la morale,mais AN.1231. encore à la controverfe contre les heretiques; il en convertit plusieurs à Rimini, & en convainquit plufieurs en des difputes publiques à Milan & à Toulouse.

cru que

1.7091

Il parloit Italien fort poliment, même quant à la prononciation tout étranger qu'il étoit ; & quoique la foule fût extraordinaire à fes fermons, c'étoit une modestie & une attention finguliere. Son discours étoit ardent, touchant, penetrant, efficace : fes auditeurs fondoient en larmes, fe frapoient la poitrine, & fe difoient l'un à l'autre : Helas je n'avois jamais telle action fût un peché; ils s'exhortoient à fe confeffer, à jeûner, à faire des pelerinages; & on dit que les confrairies de flagellans, depuis fi frequentes en Italie & ailleurs, commencerent par Les fermons. Il enfeigna en plusieurs monasteres de son ordre, dans lequel il excita l'émulation de l'étude : car jufques-là les freres Mineurs étoient méprisez de plufieurs comme des ignorans. Antoine eut auffi part au gouvernement de l'ordre, Il fut miniftre pro- . 710. vincial de la Romagne pendant plufieurs années, & fonda plufieurs monafteres en diverses provinces: il fut gardien au Pui en Velai & à Limoges.

Mais après avoir été déchargé de tout gouvernement par le chapitre general de 1230, & par le pape, avec liberté de prêcher où il voudroit : il vint à Pa- 72-6.5. doue où il paffa l'hyver, & y prêcha le carême de l'an 1231. il prêchoit tous les jours & ne laiffoit pas de confeffer : le concours du peuple étoit tel à fes fermons, que les églises étant trop petites, il fut obligé de prêcher en pleine campagne. Toute la ville de Padouë s'y trouvoit chaque jour avec le clergé, les

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AN.1231. religieux & l'évêque même. On y venoit des villes & des villages voisins, marchant la nuit aux flambeaux pour avoir place. Il s'y trouvoit jufques à trente mille perfonnes, tous fi attentifs, qu'à peine entendoiton quelque bruit, les marchands tenoient leurs boutiques fermées jufques au retour du fermon. Quand il étoit fini, chacun s'empreffoit par dévotion à toucher le faint homme, ou à couper quelque peu de fon habit: en forte que pour n'être pas écrasé, il étoit environné en allant & en venant par une troupe de jeunes gens vigoureux. Auffi voïoit-on des effets fenfibles de fes fermons : la reconciliation des plus mortels ennemis; la délivrance des prisonniers retenus depuis long-tems, la reftitution des usures, la remise des dettes : la converfion des pechereffes publiques. Toute forte de pecheurs accouroient à la penitence; en forte que les prêtres ne pouvoient fuffire à entendre les confeffions. Antoine lui-même quoi qu'attaqué d'infirmitez continuelles, étoit fans ceffe occupé à prêcher, à confeffer, & à donner des confeils à ceux qui lui en demandoient refolus à les fuivre abfolument.

Voïant approcher le tems de la moisson, il crut devoir ceffer fes prédications pendant que le peuple y feroit occupé; & fe trouvant fatigué des frequentes vifites des feculiers il quitta Padouë, & fe retira dans un lieu folitaire du voifinage nommé Campietro, dont le feigneur nommé Tifon se rendit fon difciple, & embrassa la regle du tiers-ordre de S. François. En cette retraite Antoine fe donna tout entier à la meditation & à la priere; & fe fentit tout d'un coup attaqué d'une violente maladie, dont il vit bien qu'il

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ne releveroit pas. Il fe fit reporter à Padoue; & com- AN. 1231. me on lui apporta l'extrême-onction il dit : J'ai déja cette onction au-dedans : mais ne laiffez pas de me la donner, elle m'est utile. Il chanta avec les freres les pleaumes de la penitence, que l'on dit en cette ceremonie, & mourut une demie heure après. C'étoit le vendredi treiziéme de Juin 1231. il étoit àgé de trente-six ans, & en avoit paffé dix dans l'ordre des freres Bell.p.7347.37° Mineurs. Sa grande réputation & les miracles qui se faifoient tous les jours à fon tombeau firent preffer fa canonisation ; & après les informations juridiques le P-77 pape Gregoire fans attendre la fin de l'année, le mit folemnellement au nombre des faints à Spolete le jour

de la Pentecôte trentiéme de Mai 1232.& ordonna que La fête seroit celebrée le jour de fa mort.

Martyr.R. 13.

¡Jun.

Nous avons plufieurs écrits de S. Antoine de Pade, entre-autres un grand nombre de fermons : mais je n'y vois rien de cette éloquence, & de cette force que leur attribuë l'auteur de fa vic: ce n'eft qu'un tissu de passages de l'écriture, pris dans des fens figurez, fouvent fort éloignez du fens litteral, & qui par confequent ne font point de preuve. On ne voit dans ces fermons, ni raisonnemens fuivis, ni mouvemens, la fin n'eft pas plus touchante que le Commencement. En voici un échantillon : On fit des nôces à Cana de Galilée, fur quoi il y a quatre cho- Edit.1641.p.31 fes à voir. Premierement la joie & l'union nuptiale, & la circonstance du lieu : fecondement la prefence de la Vierge troifiémement la puissance de J. C. quatrièmement sa magnificence. Quant au premier point, Cana fignifie zele & Galilée paffage: c'est par le zéle & l'amour du paffage que fe font les noces en

:

AN.1231.

VIII. Martyrs en Efpagne

tre le S. Efprit & l'ame penitente. C'est pourquoi il eft dit de Ruth, qu'elle paffa du païs de Moab à Be-thlehem, où Booz l'époufa. Ruth fignifie voïante ou diligente, ou défaillante, & c'est l'ame penitente, qui voïant fes pechez par la contrition, fe hâte de s'en purifier dans la fontaine de la confeflion, & tombe en défaillance perdant fa propre force dans la fatisfaction. Le refte du fermon eft du même ftile & tous les autres auffi.

Comme ils font en latin, & qu'il eft certain que le faint prêchoit en langue vulgaire, on peut croire que ce qui nous refte n'en eft que la matiere, & qu'il l'amplifioit entrant dans le détail, felon les lieux & les perfonnes, & y joignant des mouvemens pathetiques,fuivant que fon zéle s'échauffoit. On peut auffi fuppofer que l'éloquence du corps, je veux dire la voix & le gefte, aidoit à la perfuafion. Le refte de fes œuvres font des explications mystiques de la plûpart des livres de l'Ecriture; & une concordance morale, où il rapporte à certains titres les passages qui conviennent à chaque partie des mœurs ; & c'est peutêtre le plus utile de tous fes écrits.

La même année 1231. deux freres Mineurs Jean prêtre & Pierre laïque souffrirent le martyre en Espagne. Dès l'année 1220. étant partis de Sarragoce pour aller à Valence prêcher la foi aux Mores, ils Vading 1118.. arriverent à la petite ville de Teruel ; & s'y trouvant fort aimez, ils bâtirent deux pauvres cellules près l'église de S. Barthelemi, & y demeurerent dix ans. Enfuite ils pafferent à Valence, où ils se cacherent dans l'église du faint Sepulchre, & firent amitié avec deux feigneurs Caftillans, don Blasco & don Artald

48.

de Alagon qui étoient charmez de leur vertu. Comme ils prêchoient la foi de J. C. ils furent menez devant le roi nommé Zeït-abou-zeït, qui leur demanda pourquoi ils étoient venus. Ils répondirent que ce n'étoit à autre deffein que pour le tirer de l'erreur lui & fon peuple. Le roi leur commanda de renoncer à leur religion pour embraffer la fienne; & comme ils le refuferent conftamment, il leur fit couper la tête dans le jardin même où il fe promenoit. Avant l'exccution ils fe mirent à genoux, & demanderent à Dieu que pour recompenfe du bien que ce prince leur procuroit il fe convertît un jour. Ils furent martyrifez le jour de la Decollation de saint Jean, vingt-neuviéme d'Août 1231.

AN.1231.

IX.

Bulles en faveur des frerçs

Mendians,

16. Dexuff.

Le grand progrès que faifoient les deux nouveaux ordres des freres Prêcheurs & des Mineurs excita la jaloufie de plufieurs évêques & autres fuperieurs ecclefiaftiques: qui fans avoir égard à leurs regles approuvées par le S. fiege, voulurent fe les affujettir entierement, & profiter de ce qui leur venoit de la de- cnimisinique votion des peuples. Ils vouloient obliger ces religieux pal, à fe confeffer à eux, leur impofer les penitences, & leur donner l'euchariftie : pretendant qu'ils ne devoient pas garder le faint facrement dans leurs oratoires. Ils vouloient que les freres fuffent enterrez dans leurs églises, & que l'on y fift les fervices pour eux; & fi un défunt avoit choifi ailleurs fa fépultu

re,

qu'il fut d'abord apporté à la paroiffe pour profiter de l'offrande. Ils leur difoient encore: Vous ne devez avoir ni cloche, ni cimetiere beni, ni celebrer l'office divin qu'en certain tems. Il ne doit y avoir dans vos maisons qu'un certain nombre de fre

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