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dit-il, ces miferables qui publient les fecrets du pape, AN.1240. & qui murmurent pour ne fe pas foûmettre à votre volonté: faites d'eux ce qu'il vous plaira, je vous prête un de mes meilleurs châteaux, pour les y mettre en prifon. Les pauvres abbez fe retirerent confus & prêts à obéir au legat.

Il croïoit traiter de même les évêques, qui avoient été convoquez pour ce fujet à Northamton: mais inftruits par l'exemple des abbez, ils répondirent : Nous avons des archidiacres qui connoiflent les facultez des benefices de leur dépendance, & d'ailleurs cette affaire eft generale, & nous ne pouvons répondre fans les autres prélats. On leur donna jour à l'octave de la faint Jean, c'eft-à-dire au premier de Juillet, & ce jour étant assemblez en la présence du legat, ils ne voulurent pas le contredire ouvertement, mais ils propoferent modeftement leurs raifons. Nous ne devons point, difoient-ils, païer cette contribution, qui tend à répandre le fang des Chrétiens & attaquer un prince allié du nôtre car le mandement du pape porte que c'eft pour faire la guerre à l'empereur. Il dit auffi que les oppofans feront reprimez par cenfures ecclefiaftiques: ce qui emporte contrainte, & par confequent blesse la liberté ecclesiastique. D’ailleurs nous avons déja donné des décimes au pape, avec proteftation qu'on ne feroit plus d'éxaction femblable: beaucoup moins du cinquième, comme celle-ci ; & il est à craindre qu'elle ne paffat en coûtume. Nous avons continuellement des affaires à folliciter en cour de Rome, où nous ne pouvons aller que par les terres de l'empereur, & il pourroit nous faire arrêter & maltraiter. Le roi nôtre maître a plu

AN. 1240.

v. Bindrand.

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fieurs ennemis contre lefquels il s'attend d'avoir à foûtenir la guerre : c'eft pourquoi il ne feroit pas sûr d'appauvrir davantage le roïaume, déja affoibli par le départ de la nobleffe qui s'en va pour la croifade & emporte avec elle de grandes fommes. Cette contribution feroit encore préjudiciable aux patrons des églifes, & il ne paroît pas qu'ils y confentent. Enfin c'est une affaire commune de toute léglife, qui doit être refervée au concile general, puifque le bruit court qu'il doit être convoqué. Le legat aïant oüi ces raifons, diffimula fa confufion, attendant une occafion plus favorable.

Il assembla donc les curez de la province de Bercshire au comté de Berc & leur fit la même propofition y joignant beaucoup de menaces & de promeffes. Les curez fe tinrent à la réponse des évêques, & ajoûterent les raifons fuivantes. On ne doit pas faire de contribution contre l'empereur comme étant heretique, puifqu'il n'eft ni condamné par le jugement de l'églife ni convaincu quoiqu'il foit excommunié. Comme l'église Romaine a fon patrimoine dont l'administration appartient au pape, ainfi les autres églifes ont le leur, qui n'eft aucunement tributaire de l'église Romaine. Quand on dit que tout appartient au prince, ce n'eft pas pour le domaine & la proprieté, mais pour le foin & le gouvernement: c'eft ainfi que toutes les églifes regardent le pape. La puissance de lier & délier donnée à S. Pierre ne s'étend point à faire des exactions. Les revenus des églises sont destinez à certains ufages, comme l'entretien des bâtimens, la fubfiftance de fes miniftres & des pauvres : ils ne doi vent donc point être appliquez à d'autres usages, fi

ce n'eft

par

l'autorité de l'église univerfelle. Or les AN.1240. revenus des églises fuffifent à peine pour la subsistance du clergé : tant à caufe de leur modicité, que de la difette qui arrive quelquefois & la multitude des pauvres. Outre que perfone ne peut plus avoir qu'un

benefice.

Cette contribution augmentoit le scandale contre l'églife Romaine : car on dit publiquement: De pareilles exactions ont déja été faites, qui ont épuifé le clergé, & auffi-tôt que l'argent a été extorqué, le pape & l'empereur fe font accordez, fans qu'on ait rendu un denier: au contraire s'il reftoit quelque chofe à païer, on ne l'exigeoit pas avec moins de rigueur. Deplus la plupart des fideles font engagez par vœu à la croifade, & le pape les presse de l'accomplir par eux ou par d'autres : or ils ne peuvent fatisfaire en même tems à cette contribution; & d'ailleurs ils en font exempts, aïant comme croisez un privilege pour joüir entierement de leurs revenus pendant trois ans. Le legat & ceux de fon conseil voïant la fermeté de ces évêques & de ces curez refolurent de les divifer : le legat alla trouver le roi & le perfuada aifément : ceux de fa fuite s'adrefferent 479. en particulier aux évêques & aux archidiacres, & en gagnerent plufieurs par l'efperance de plus grandes dignitez: en forte que le plus grand nombre se foûmit à la contribution.

Cependant Richard comte de Cornouaille frere du roi d'Angleterre vint à Londres entre l'Afcenfion & la Pentecôte,c'eft-à-dire vers la fin de Mai; & aïant pris congé du roi& des feigneurs, il s'embarqua à Douvres, traverfa la France & vint en Provence. Comme

XXXIX.
Richard C. de

Corncuaille en
Matth. Parif.

Palestine.

AN. 1240.

504.

Id. p. 474.

p. 15.

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la

il étoit à S. Gilles, un legat & l'archevêque d'Arles
vinrent lui confeiller de ne point paffer à la terre fainte
& même le lui défendre. Le Comte furpris & indigné
répondit: J'ai cru de bonne foi ce qu'on me difoit de
du
part pape, j'ai fait tous mes
tous mes préparatifs; &
maintenant que je fuis fur le point de m'embarquer,
le pape que l'on prétend n'avoir jamais manqué à sa
parole m'empêche de faire le fervice de J. C. & fans
s'arrêter aux difcours des legats, il s'embarqua à Mar-
feille la feconde semaine de Septembre: après avoir
dépêché des envoïez à l'empereur pour l'instruire de
la conduite du pape à son égard.

Il entra dans le port d'Acre la veille de S. Denis, c'est-à-dire, le huitiéme d'Octobre ; & y fut receu avec d'autant plus de joye, que les affaires des ChréId. t. 48 tiens étoient en très-mauvais état en Palestine. Le comte Pierre de Bretagne qui y étoit arrivé l'année précedente fit une course près de Damas, & prit un Sanut. p. 15. grand butin qu'il amena à l'armée. Les autres feiGefta S. Lud. gneurs en furent jaloux, & huit jours après le duc de Bourgogne, le comte de Bar, le comte de Montfort & plufieurs autres firent une autre course sans la participation du comte de Bretagne. Mais le comte de Bar y fut tué avec grand nombre d'autres feigneurs: Amauri de Montfort pris & mené à Babylone, c'eità-dire au Caire; & le duc de Bourgogne s'enfuit: leur défaite arriva près de Gaze.

c. 33+

Matth. P. ibid.

Ce triste évenement donna occafion à l'empereur de former de nouvelles plaintes contre le pape, comme il paroit par la lettre qu'il en écrivit au roi d'Angleterre fon beau-frere datée de Foggia dans fon roïaume le vingt-cinquième d'Avril 1240. Il y dit en fubftance:

fubftance: Nous avions eu grand foin d'exhorter les croifez à differer leur paffage, jufqu'à ce que les affaires d'Italie nous permiffent de nous mettre à leur tête; & ils étoient disposez à nous écouter, mais le pape donnant une interpretation maligne à nos difcours n'a cessé de les preffer de partir, nonobstant nos remontrances. Car nous lui reprefentions le peril de cette précipitation ; & la néceffité de rassembler les croisez fous un feul chef. Le pape donc méprisant toutes ces raisons les a preffé encore plus vivement : fans confiderer qu'en rompant la tréve que nous avions faite avec les infideles, les croifez expofoient les reftes des Chrétiens d'Outre-mer à perir par le fer & par la faim. Il finit en promettant de donner à la terre fainte tout le fecours que les troubles presens lui permettront d'y envoïer,

AN. 1240.

p. 504.

L'arrivée de Richard comte de Cornouaille releva les courages abattus par cette perte. Le troifiéme jour Id. p. 486. après fon arrivée il fit publier dans Acre, qu'aucun Chrétien pelerin ne fe retirât faute d'argent : parce qu'il les entretiendroit à ses dépens en faisant bien le fervice. Le roi de Navarre & l'ancien comte de Bre- Id. an. 1242. tagne avertis de fon arrivée s'étoient retirez quinze jours auparavant avec une grande multitude de croifez: après avoir fait une tréve telle quelle avec Nazer, feigneur de Carac, afin qu'il parût qu'ils avoient fait quelque chofe. Mais ils étoient partis avant le terme convenu pour l'execution. Le comte Richard aïant envoïé vers Nazer trouva qu'il ne dependoit pas de lui d'entretenir la tréve; mais s'étant avancé jusques à Joppé il y receut un envoïé du fultan d’Egypte qui lui offrit la trêve de la part de fon maître. Hh

Tome XVII.

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