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tiene. Bela accepta avec joïe la propofition, dans l'esperance de la converfion de tant d'ames; mais ces Comains encore barbares & dont les biens confiftoient en bétail, firent de grands maux à la Hongrie, & rendirent le roi Bela odieux à ses sujets.

·AN. 1241.

Matth. Parif.p

496. 457.

p. 131.

Cependant les Tartares entrerent en Ruffie, prirent Kiovie qui en étoit alors la capitale, passerent au fil de l'épée tous les habitans & la ruïnerent. Ils ravagerent la Pologne, dont le duc Henri fut tué Dubrau.lib.16. dans un combat. Ils attaquerent la Boheme, mais ils furent repouffez, & Peta un de leurs chefs tué. Le duc M. Par. ¡bid, de Brabant fut averti de cette irruption par une lettre d'un seigneur de Saxe fon gendre dattée du dimanche Latare, c'eft-à-dire du dixiéme de Mars 1241. Il envoïa cette lettre à l'évêque de Paris; & la reine Blanche à de si terribles nouvelles, dit à faint Louis: Où êtes-vous mon fils? Il s'approcha & lui dit : Qu'y a-t-il, ma mere ? Elle tira un grand foûpir, & fondant en larmes, lui dit : Que faut-il faire mon cher fils, en cette occasion où l'église est menacée de sa ruïne & nous auffi tous tant que nous fommes ? faint Louis répondit: Efperons au fecours du ciel : fi les Tartares viennent, nous les envoïerons en enfer, ou ils nous envoïeront en Paradis. Cette parole encouragea non seulement la noblesse Françoise, mais les peuples des païs voisins.

Roger, deftruc

On apprit en Hongrie que les Tartares en rava- 14. geoient la frontiere vers la Ruffie un an après l'entrée des Comains, c'est-à-dire,vers' Noël de l'an 1240. Sur cette nouvelle le roi Bela fit publier par tout le roïaume que la nobleffe fe tînt prête à marcher au premier ordre. Mais les Hongrois mécontens pour la

Tome XVII,

Kk

AN. 1241.

e. 15.

f. 16.

plûpart difoient qu'on avoit fouvent répandu de pa reils bruits de la venue des Tartares, qui s'étoient trouvez faux, D'autres difoient que ces bruits venoient des prélats, qui vouloient fe difpenfer d'aller à Rome, où le papeles avoit appellez pour le concile. Tout le monde favoit néanmoins qu'Hugolin archevêque de Colocza avoit envoïé à Venise retenir des galeres pour lui & pour quelques-uns de ses suffragans, & que le roi les avoit malgré eux empêchez de partir. Vers le carême de l'année 1241. le bruit de l'approche des Tartares croissant toûjours, le roi vint à Bude, & affembla les prélats & les feigneurs pour liberer fur les moïens de s'en défendre. Le douzième de Mars qui étoit le mardi de la quatrième femaine de carême,il y eut un rude combat,par lequel les Tartares se rendirent maîtres de la porte de Ruffie dans le fe roïaume; & Bathou leur chef avec fon armée qui 6. 21. étoit de cinq cens mille hommes, commença à ravager le païs, brûlant les villages & passant au fil de l'épée tous les habitans, fans distinction d'âge ni de fexe. Le vendredi fuivant quinziéme de Mars il fe trouva à une demie journée de Pefth,qui eft fur le Da nube vis-à-vis de Bude. Comme les troupes conti←. 27· nuoient de faire le dégât, l'archevêque de Colocza voulut les attaquer, mais il fut battu & obligé de se retirer honteusement. Benoît évêque de Varadin aïant appris qu'ils avoient ruïné Agria & emportoient les tréfors de l'évêque & de l'églife, marcha aussi contre eux avec fes troupes; mais ils le tromperent par un fratagême & le défirent.

6. 28.

Le roi Bela s'avança jufques vers Agria, & voulut attaquer les Tartares, qui fembloient fuïr devant

AN. 1241.

c. 30.

lui; mais les Hongrois qui ne favoient pas leur maniere de combattre, & étoient peu affectionnez à leur roi furent entierement défaits, & le roi ne fe fauva que parce qu'il s'enfuit fans être connu. Plufieurs prélats furent tués en cette malheureuse journée: Matthias archevêque de Strigonie, en qui le roi avoit une grande confiance, Hugolin archevêque de Colocza, de grande naiffance & le plus eftimé pour la conduite des grandes affaires, George évêque de Javarin, recommandable par fa doctrine, Rainold de Tranfilvanie évêque deNitria,eftimé par les mœurs; &Nicolas prévôt de l'église de Sebenie en Dalmatie vice-chancelier du roi, qui avant que de mourir tua de sa main un des principaux Tartares:car ces prélats furent tuez en combattant. Après cette défaite la terre demeura jonchée de corps morts difperfez l'efpace de deux journées de chemin, les uns fans tête, les autres mis en pieces. Plufieurs furent noyez, plufieurs brûlez avec les villages & les églifes. L'air infecté de tant de cadavres fit encore mourir plufieurs hommes, principalement ceux qui s'étoient retirez dans les bois bleffez & demi morts. Enfin la terre n'aïant pû être cultivée pendant trois ans que les Tartares demeurerent dans Jo. Thuurch; e païs, la famine acheva de le defoler.

A la prife de Varadin comme on voulut défendre contre eux l'églife cathedrale, où plufieurs femmes nobles s'étoient refugiées, ils la brûlerent avec tout ce qui fe trouva dedans. Dans les autres églises ils commirent toutes fortes d'impuretez & de facrileges. Après avoir abufé des femmes ils les tuoient fur la place. Ils brifoient les vafes facrez, rompoient les tombeaux des faints & fouloient aux piés leurs reliques.

Chr.c. 74.

c 34.

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XLIX.

c. 37.

On peut juger par cet exemple de ce qu'ils faifoient ailleurs. Ils détruifirent ainfi pendant l'efté de l'année 38. 1241. tout le païs d'au-delà du Danube jusques aux confins d'Autriche, de Boheme & de Pologne: le roi Bela se sauva en Dalmatie, & n'en revint qu'après la retraite des Tartares, c'est-à-dire, en 1243.

Fin de s. He

duige de Polo

gne.

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Henri duc de Pologne qui fut tué dans cette incurfion des Tartares étoit fils du duc Henri decèdé trois ans auparavant & de fainte Heduige. Elle apprit fa mort par revelation, & ne montra pas moins de conftance à cette perte qu'à celle de fon mari. Elle ne répandit point de larmes, & voïant sa fille l'abbesse de Trebnits & la veuve du prince accablées de douleur, elle leur dit : C'eft la volonté de Dieu & nous devons agréer tout ce qui lui plaît. Puis levant les yeux & les mains au ciel, elle ajoûta: Je vous rends graces Seigneur de m'avoir donné un tel fils, qui m'a toûjours aimée & refpectée pendant la vie fans m'avoir jamais donné aucun chagrin, & quelque joye que j'euffe de le laiffer après moi, je l'eftime heureux d'avoir répandu fon fang pour une fi bonne cause, croyant qu'il vous eft uni dans le ciel.

Cette pieufe princesse vécut encore deux ans dans la pratique de toutes les vertus Chrétienes. Son abfti4. nence étoit telle, qu'elle ne mangea point de viande pendant environ quarante ans : quoique lui pût dire, foit par prieres, foit par reproches, l'évêque de Bamberg fon frere, pour lequel elle avoit beaucoup de refpect & d'amitié. A la fin Guillaume évêque de Modene & legat du S. fiege étant venu en Pologne, & la trouvant malade, l'obligea par obéïffance à manger de la viande. Son ordinaire étoit d'ufer de poiffons & de lai

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tages, le dimanche, le mardi & le jeudi : le lundi & le famedi des legumes feches, le mercredi & le vendredi elle fe réduifoit au pain & à l'eau. Elle avoit retranché de fes habits non feulement toute parure & toute délicatesse, mais la commodité & prefque le neceffaire, ne portant qu'une tunique & un manteau, & marchant le plus fouvent nus pieds, nonobstant le froid dupaïs. Elle portoit un cilice de crin, & le donnoit la discipline jusques au fang.

Ses prieres étoient longues, ferventes & presque «.s continuelles ; & elle avoit dévotion d'entendre chaque jour plufieurs messes, à chacune desquelles elle faifoit fon offrande & recevoit à la fin l'impofition des mains du prêtre. Elle fit plusieurs miracles & avoit le don de prophetic; & prévoïant la mort prochaine elle fe fit donner l'extrême-onction avant que d'être malade. Enfin elle mourut le quinziéme d'Octobre 1243. Elle avoit voulu être enterrée dans le cimetiere des «7.8. religieuses, mais l'abbeffe fa fille ne pût s'y réfoudre, & la fit mettre contre son inclination dans l'église devant le grand autel; & les religieuses en fouffrirent beaucoup d'incommodité, comme la fainte l'avoit prédit, par le concours du peuple qui venoit en foule prier à fon tombeau, où fe firent plufieurs miracles. C'est pourquoi les évêques & les ducs de Pologne Rain. 1267. n. pourfuivirent auprès du S. fiege la canonifation d'He- Clem xv.conft. duige, qui après les informations convenables fut faite au bout de vingt-trois ans, par le pape Clement IV. le vingt-fixiéme de Mars 1267. & la fête fixée au 15. d'Octobre jour du decés de la fainte.

41 Bullar.

L.

Plaintes du

Dès le commencement de l'invafion des Tartares, Bela roi de Hongrie en donna avis au pape Gre- Ppe&delem

pereur au fujer

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