Images de page
PDF
ePub

AN.1243.

y

rant plus de quatre cens ans, que celui-ci qui n'a commencé à s'établir en Angleterre que depuis vingtquatre ans tout au plus. Leurs bâtimens s'elevent deja comme des palais & s'étendent de jour en jour; & ils étalent des trefors fans prix, contre la pauvreté qui eft la base de leur profeffion. Ils font foigneux d'affifter à la mort des grands & des riches au préjudice des pasteurs ordinaires ; ils font avides de gain & extorquent des testamens secrets, ne recommandant que leur ordre & le préferant à tous les autres; enforte que perfone ne croit plus le pouvoir fauver s'il n'eft fous la conduite des Prescheurs ou des Mineurs. Ils s'empreffent à acquerir des privileges: ils entrent dans les confeils des rois & des grands, ils font leurs chambriers & leurs treforiers, ils font les entremetteurs des mariages & les executeurs des extorfions du pape : flatteurs & mordans dans leurs fermons, & revelant les confeffions par leurs corrections imprudentes. Ils méprisent les ordres autorisez de S. Benoît & de S. Auguftin, préferant le leur à tous les autres; ils traitent les moines de Cifteaux de groffiers,ruftiques & demi-laïques, & ceux de Clugni de glorieux & d'Epicuriens. Il faut fe fouvenir que Matthieu Paris qui parloit ainfi étoit moine Benedictin ancien.

Entre les lettres de Pierre des Vignes fecretaire de l'empereur Frideric, nous en trouvons une écrite au 1.37. nom du clergé, & adreffée ce femble à cet empereur, contenant de grandes plaintes contre les freres mendians. Depuis leur commencement, dit cette lettre,la haine qu'ils ont conçûë contre nous les a portez à décrier notre vie & nôtre conduite dans leurs fermons; & ils ont tellement diminué nos droits, que nous

sommes réduits à rien. Au lieu qu'autrefois par l'au- AN. 1243. torité de nos charges, nous commandions aux princes & nous faisions craindre des peuples, maintenant nous en fommes l'opprobre & la rifée. Ces freres mettant la main dans la moiffon d'autrui, nous ont peu à peu dépouillez de tous nos avantages, s'attribuant les penitences, le baptême, l'onction des malades & les cimetieres. Et maintenant pour diminuer d'autant plus nos droits, & détourner de nous la devotion des particuliers, ils ont inftitué deux nouvelles confrairies, où ils reçoivent fi generalement les hommes & les femmes qu'à peine s'en trouve-t-il quelqu'un qui ne foit infcrit dans l'une ou dans l'autre. Enforte que les confreres s'affemblant dans leurs églifes, nous ne pouvons avoir nos paroiffiens dans les nôtres, principalement les jours folemnels; & ce qui eft de pire, ils croïent mal faire s'ils entendent la parole de Dieu d'autres que de ces freres. D'où il arrive qu'étant frustrez des dîmes & des oblations, nous ne pouvons vivre si nous ne nous appliquons à quelque travail, quelque art mecanique, ou quelque gain illicite.

Nous ne differons plus déformais des laïques, & nôtre condition eft pire, en ce que nous ne pouvons être ni laïques en conscience, ni clercs avec honeur. Que refte-t-il donc finon d'abatre de fond en comble nos églises, où il ne reste qu'une cloche & quelque vieille image enfumée ? Helas plufieurs lieux autrefois celebres par quantité de miracles fuivant la devotion des fideles font remplis de meubles des particuliers ? les autels autrefois bien ornez font à peine couverts d'une fimple nappe troüée : le pavé qu'on lavoit

AN.1243.

VIII.

Le C de Tou

avec le pape.

Ric. S. Germ.

foigneufement, & qu'on jonchoit de fines herbes & de fleurs, est sale & poudreux. Cependant les Prefcheurs & les Mineurs devenus nos maîtres, qui ont commencé par des cabanes & des taudis, ont élevé des palais foûtenus de hautes colomnes & diftribuez en divers appartemens, dont la dépense devoit être emploïée aux befoins des pauvres; & ces freres, qui dans fa naiffance de leur religion fembloieni fouler aux piez la gloire du monde, reprenent le faste qu'ils ont méprifé, n'aïant rien ils poffedent tout, & font plus riches que les riches-mêmes; & nous qui passons, pour avoir quelque chofe, fommes réduits à mendier. C'eft pourquoi nous nous jettons aux pieds de vôtre majefté, pour la fupplier d'apporter un prompt remede à ce mal, de peur que la haine croiffant entre nous & ces freres, la foi ne foit mise en peril, par cela même que l'on croit devoir l'augmenter. En cette plainte le clergé témoigne plus d'attachement à fes interêts temporels que de zele pour le falut des ames.

Raimond comte de Touloufe étoit venu en Poüille loufe reconcilié trouver l'empereur Frideric dès le mois de Septembre 1242. & après y avoir paffé l'hiver il demeura encore p. 1040. 1042. toute l'année fuivante en Italie, allant de tems en tems à la cour de Rome, & s'entremettant de la paix entre le pape & l'empereur. Il follicitoit auffi son absolution, & il envoïa au pape des ambassadeurs pour la demander, promettant d'obéïr à fes ordres. Sur1. epift. 266. ap. quoi le pape manda à l'archevêque de Bari le fecond jour de Decembre 1243. d'abfoudre le comte après avoir pris de lui le ferment accoûtumé. On peut croire auffi que ce ce fut à la priere de ce prince que le pape Innocent écrivit aux inquifiteurs de France, que

Rain. 1243 n.

[ocr errors]

pu

AN.1243.

1.epift.3.6. ap.

pour faciliter le retour des heretiques-ils reçûffent tous ceux qui demanderoient d'eux-mêmes à fe réunir à l'églife, fans être condamnés ni convaincus & ne Rain. ibid. leur imposassent aucune peine, & qu'ils le fissent blier à leur arrivée dans les lieux où ils fe tranfporteroient pour exercer leurs fonctions, marquant un certain terme après lequel ceux qui ne feroient pas venus d'eux-mêmes feroient traitez plus rigoureusement. La lettre eft du douzième Decembre 1243..

L'évêque de Toulouse fut auffi appellé à la cour de G. Pod. Laur-c. Rome; & cependant Pierre Amelin archevêque de 46. Narbone, Durand évêque d'Albi & le fenéchal de Carcaffone affiegerent & prirent le château de Montsegur au diocese de Toulouse, qui paffoit pour imprenable; & étoit le refuge public des heretiques & des malfaicteurs. On y trouva deux cens heretiques vêtus tant hommes que femmes. On appelloit heretiques vêtus ceux qui étoient déclarez tels. Entre ceux-ci Cang. Glo étoit un nommé Bertrand Martin qu'ils reconnoiffoient pour leur évêque ; & comme ils ne voulurent point fe convertir, parc de pieux où on les brûla. La prise de ce château fut le dernier exploit de guerre contre les Albigeois.

fit un

Après que le comte Raimond eut été absous par l'archevêque de Bari de l'excommunication prononcée contre lui par les freres Prescheurs, il vint en la prefence du pape avec de grands témoignages d'humilité & de devotion. Le pape le reçût d'un visage ferein, & de l'avis des cardinaux lui rendit les bonle rang nes graces du S. fiege, confiderant que par qu'il tenoit entre les princes, par fa puiffance & fon habileté il pouvoit être confiderablement utile à l'é

Nn iij

baret.

le

AN. 1243. glife. Le pape eut encore grand égard à la recomAN.1243. mandation du roi S. Louis, qui intercedoit pour comte, comme il lui témoigne par fa lettre du premier de Janvier 1244. l'exhortant à le traiter fi bien qu'il demeure toûjours fidele au S. siege & au roi lui-même.

IX.

Traité entre le

reur.

Matth. Parif. p.

$51.

[ocr errors]

Raimond étant ainfi rentré en grace fut nommé pape & 'empe- par l'empereur pour traiter de fa paix avec le pape, & il lui joignit les deux juges de la cour imperiale, Pierre des Vignes & Thadée de Sueffe. Le pape nomma de fa part l'évêque d'Oftie & trois autres cardinaux,Etie ne, Gilles & Otton. Les principales conditions du traité furent, que Frideric rendroit toutes les terres qui avoient appartenu au pape avant la rupture, ou qu'il avoit prifes fur les alliez de l'église,c'est-à-dire du pape. Il devoit écrire par tout pour déclarer que ce n'étoit point par mépris qu'il n'avoit pas obéï à la sentence prononcée par Gregoire IX. mais parce qu'elle no lui avoit pas été dénoncée : en quoi toutefois il reconnoissoit avoir manqué. Car je confefse, ajoûtoit-il, que le pape, quand même il feroit pecheur, a la plenitude de puiffance quant au fpirituel, fur tous les Chrétiens clercs & laïques, même sur les rois. L'empereur promettoit d'expier cette faute par des aumônes, des jeûnes & d'autres bonnes œuvres & d'executer la fentence jufqu'au jour de fon abfolution.

Quant aux prélats qui avoient été pris, il promettoit de leur reftituer tout ce qu'on leur avoit ôté, & de réparer tous les torts faits aux autres : de fonder des églifes & des hôpitaux, & d'obéir en tout au pape, fans préjudice de la poffeffion de l'empire & de les roïaumes. Il promettoit auffi de revoquer tous les

[ocr errors]
« PrécédentContinuer »