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partie efclaves, qu'ils ont vendus à d'autres Sarrafins, AN. 1244.

même les religieufes. Quelques-uns s'étant échapez & descendus dans la plaine de Rama,les Coresmiens ont fondu fur eux & les ont tuez: enforte que de ce grand peuple à peine s'en est-il sauvé trois cens. Enfin les Co- p.57. refmiens font entrez dans Jerufalem prefque deferte, & comme les Chrétiens qui y restoient s'étoient refugiez dans l'église du S. Sepulchre, ces barbares les ont tous éventrez devant le fepulchre même, & ont coupé la tête aux prêtres qui celebroient fur les autels: fe difant l'un à l'autre : Répandons ici le fang des Chrétiens, où ils offrent du vin à leur Dieu, qu'ils difent y avoir été pendu. Ils défigurerent en plufieurs manieres le S. fepulchre, arracherent le marbre dont il étoit revêtu en dehors, profanerent le Calvaire&toute l'églife par toutes fortes d'ordures; & envoïerent au fepulcre de Mahomet les colomnes qui étoient devant celui de N. S. Ils rompirent les tombeaux des rois qui étoient dans la même église, c'est-à-dire, de Godefroi de Bouillon & de fes fucceffeurs, & difperferent leurs os. Ils profanerent le mont de Sion, le Temple, l'églife de la vallée de Jofaphat où est le fepulchre de la fainte Vierge : ils commitent dans l'églife de Bethlehem & la grotte de la nativité des abominations que l'on n'ofe dire. En quoi ils furent pires que tous les Sarrafins, qui ont toûjours confervé quelque refpect pour les SS. lieux. Ce recit fait voir avec quelle précaution on doit lire les relations modernes de l'état des mêmes lieux faints.

La lettre continuë: Ne pouvant fouffrir de fi grands maux&voulant empêcher les Coresmiens de détruire tout le païs, nous refolumes de nous opposer à eux

AN. 1244, avec les deux fultans qui ont été nommez,

AN.1244.

& le qua triéme jour d'Octobre nôtre armée fe mit en marche près d'Acre, & s'avança fuivant la côte par Cesarée & fes places maritimes. Les Corefmiens camperent devant Gazare, attendant le fecours que devoit leur envoïer le fultan de Babylone. Quand ils l'eurent reçû nous étant approchez nous donnâmes la bataille la veille de la faint Luc, c'eft-à-dire, le lundi dix-feptiéme d'Octobre. Les Sarrafins qui étoient avec nous furent battus & prirent la fuite, & nos gens demeurez feuls contre les Corefmiens & les Babyloniens fe trouverent en fi petit nombre › que nonobftant

leurs efforts ils fuccomberent. Des trois ordres militaires il ne fe fauva que trente-trois Templiers, vingtfix Hofpitaliers & trois chevaliers Teutoniques: La plûpart des feigneurs & des chevaliers du païs furent tuez ou pris.

Nous avons prié le roi de Chipre & le prince d'Antioche d'envoïer des troupes pour la défense de la ter're fainte en cette extrêmité : mais nous ne favons ce qu'ils feront. Cependant quelque grande que foit notre affliction pour le paffé, nous craignons encore plus pour l'avenir. Car le païs que les Chrétiens avoient conquis fe trouve deftitué de tout fecours humain ; & les infideles font campez dans la plaine d'Acre à deux milles de la ville. Ils courent librement par tout le païs jufqu'à Nazaret & Saphet,& reçoivent des païfans & des autres habitans les contributions les Chrétiens en tiroient: Car tous ces habitans que fe font revoltez contre nous pour s'attacher aux Corefmiens. Enforte qu'il ne reste aux Chrétiens que quel ques fortereffes, qu'ils ont grande peine à défendre.

La conclufion de la lettre eft que la terre fainte eft per- AN. 1245. duë, fi elle ne reçoit du fecours au passage du mois de Mars prochain. Les porteurs de cette lettre furent Galeran évêque de Beryte & Arnould de l'ordre des freres Prefcheurs, qui s'embarquerent le premier dimanche de l'Avent vingt-feptiéme de Novembre 1244. nonobftant la rigueur de la faifon; & après fix mois d'une navigation très-perilleuse arriverent à Venise vers l'Afcenfion, qui cette année 1245. étoit le dou

ziéme de Mai.

18. 47.

Rain 1144 n.

L'empereur Frideric reçût plûtôt la nouvelle de l'irruption des Corefmiens, comme il paroît par deux Petr, de Vin 1. lettres qu'il écrivit fur ce fujet. Dans la premiere p adreffée à tous les princes du monde, il dit en avoir 2. reçû l'avis de la part du patriarche d'Antioche, après en avoir oui déjà quelque bruit; & il ne parle en cette lettre que de la venue des Corefmiens, de la fuite des Chrétiens en Jerufalem, du carnage qui en fut fait, & de la profanation des lieux faints. Il témoigne être dans l'impatience d'apprendre le fuccés de la jonction des Chrétiens avec les fultans de Damas & de Carac : mais il fe plaint de ce qu'on a rompu la tréve que le comte de Cornouaille avoit faite avec le fultan d'Egypte; & que la guerre d'Italie & fes differends avec les papes l'ont empêché de secourir la terre fainte comme il defiroit.

La feconde lettre de l'empereur eft adreffée au comte de Cornouaille fon beau-frere, & dattée de Fogia le vingt-fixiéme de Fevrier indiction troifiéme, c'est-à-dire l'an 1245.Il y déplore la malheureuse journée du dix-feptiéme d'Octobre, & en rejette la faute fur le patriarche de Jerufalem, qui voulant avoir seul

Matth. Parif an. 1244. f

546.

AN. 1245.

XX. Convocation d'un concile

general.

375.

ap. Rain.

l'honeur de la victoire a fait donner la bataille à contre-tems. Il fe plaint encore de la rupture de la tréve qu'il avoit faite avec le fultan d'Egypte, & de la fimplicité de ceux qui fe font fiez à l'alliance des fultans de Damas & de Carac; & finit par la guerre d'Italie qui le retient, & les propofitions avantageufes de paix qu'il accuse le pape d'avoir refufées.

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Cependant le pape Innocent fit expedier des lettres circulaires aux archevêques pour la convocation du to.x、 concil.. concile general, où il dit : J. C. a donné ce privilege 114, P. Ram à fon églife, que par fon miniftere la juftice obtient fon effet, & les guerres font appaifées. Voulant donc rétablir dans fa fplendeur l'églife agitée par une hor1. M. Parif. rible tempête, pourvoir au peril de la terre fainte, relever l'empire de Romanie, reprimer les Tartares & les autres infideles, & terminer l'affaire entre l'église & le prince: nous avons refolu d'appeller les rois, les prélats & les autres princes. C'eft pourquoi nous vous mandons de venir en perfone à nôtre prefence dans la S. Jean prochaine, afin que l'églife reçoive de vous un confeil utile. Or vous devez favoir nous avons cité publiquement ce prince, c'est-à-dire Frideric, pour comparoître dans le concile par lui ou par les envoiez, répondre aux plaintes propofées contre lui & y fatisfaire. Vous aurez foin de moderer le nombre des perfones & des chevaux de vôtre fuite,enforte que vous ne foïez point trop à charge à vôtre églife. Vous ordonnerez auffi de nôtre part à vos fuffragans de venir dans le même terme, & à leurs chapitres d'envoïer des députez. Ces lettres étoient dattées de Lion,les unes au commencement,les autres à la fin de Janvier 1245. Elles étoient adressées en parti

que

culier aux chapitres des églises métropolitaines, aux AN. 1245. cardinaux abfens & aux rois. Il eft remarquable que pape ne demande aux évêques, que leur confeil, comme s'ils ne devoient pas être juges avec lui dans le concile.

le

XXI.

Suantopcule.
Dusbourg Cl.

Apoftate, de

fart 3. c. 3.32.

Cependant le pape Innocent aïant appris l'apoltafie des Chrétiens de Pruffe écrivit à Suantopoulc duc de Pomeranie qui en étoit l'auteur. Ce prince méchant & artificieux étant irrité contre les chevaliers o Teutoniques, avoit traité avec les nouveaux Chrétiens de Pruffe, & quoiqu'il fût Chrétien lui-même, il leur perfuada de chaffer du païs ces chevaliers & tous les autresChrétiens, pour recouvrer leur anciene liberté. Cette revolte fut la premiere contre les chevaliers Ep. at. Rain. Teutoniques & arriva l'an 1242. Herman de Salfe maître general de l'ordre en inftruifit le pape Innocent IV. qui monta l'année fuivante fur le S. fiege, & qui renvoïa en Pruffe en qualité de legat Guillaume qui étant évêque de Modene y avoit prêché la foi environ vingt ans auparavant.

Pendant cette legation le pape Innocent le fit cardinal évêque de Sabine à la fin de l'année 1244. & l'année suivante il écrivit à Suantopoulc, lui reprochant avec vehemence d'emploïer fes armes contre les religieux hospitaliers de l'ordre Teutonique & contre les pelerins, c'est-à-dire les croifez. Prenez garde, dit il, d'attirer fur vous la colere de Dieu & du faint fiege; on dit qu'il y a déja huit ans que vous êtes excommunié pour d'horribles impietez, fans vous être mis en peine de vous foûmettre aux ordres de l'église. Il l'exhorte à fe convertir, finon il déclare qu'il procedera contre lui d'une maniere à le faire rentrer en

1243.7 32.

Sup. liv.

LXXIX. . 6.

Rain. 1245 %.

85.

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