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de Juillet 1 245. Elle fut envoyée au roi d'Angleterre,& AN. 1245. apparemment à d'autres princes.

La premiere lettre avoit rendu Frideric odieux,com- Matth. Parif. me voulant diminuer la liberté & la nobleffe de l'églife $96. que l'on croyoit alors infeparable des richeffes & de la grandeur temporelle ; & cette lettre appuyoit le soupçon d'herefie formé contre lui. Mais la feconde fit un d. p. 516. effet contraire, & aliena du pape plufieurs princes, qui craignoient la hauteur de la cour de Rome fi Frideric venoit à fuccomber.

Id.

Le chapitre general de Cifteaux se tint fuivant la coûtume à l'exaltation de la fainte Croix, qui eft le quatorziéme de Septembre; & le pape écrivit à cette affemblée une lettre où il difoit: L'églife eft en un terrible peril, qui demande qu'on redouble les prieres. Nous ne nous mettrons plus en peine d'employer contre Frideric jadis empereur le glaive materiel,mais feulement le fpirituel. Ne foyez point touchez des difcours de ceux qui ne favent pas la verité, & qui disent que nous avons prononcé avec precipitation contre cet ennemi de l'églife,nous ne nous souvenons point qu'aucune cause ait jamais été examinée avec tant de soin, & pefée par des personnes fi habiles & si vertueuses, jufques-là que dans les deliberations fecretes quelques cardinaux ont fait le perfonnage d'avocat, les uns pour lui, les autres contre, afin de difcuter à fonds la verité, comme dans les difputes des écoles, & nous n'avons point trouvé de moyen pour proceder autrement que nous avons fait, fans offenfer Dieu, nuire à fon église & bleffer nos confciences, quoique ce fut à regret & avec compassion pour la mifere de ce prince. Nous fommes donc prêts à foûtenir ce jugement Tome XVII.

V u

XXXII.

tient la fenten.

Le pape fou

ce,

1

AN. 1245.

XXXIII.

Croifade en

France..

p. 344.

..600.

avec une fermeté inébranlable, & à mourir s'il eft be foin nous & nos freres, en combattant pour la cause de Dieu & de fon église. Les moines de Cifteaux aïant receu cette lettre, deteftoient le parti de Frideric & s'attachoient fortement à celui du pape, priant Dieu pour la confervation de l'églife. Or leur autorité étoit encore grande dans le monde.

Dés le mois d'Août 1245. le pape à la priere de S. Louis avoit envoïé à Paris en qualité de legat Eudes Duchesne to. s. de Châteauroux cardinal évêque de Tufculum & fuc Matth. Parif. ceffeur de Jacques de Vitri. Eudes étoit François natif de Châteauroux en Berri & avoit été chanoine & chancelier de l'églife de Paris. Le fujet de fa legation étoit d'exhorter la nobleffe de France à la croifade 2 pour le recouvrement de Jerufalem occupée par les Corefmiens. Quand il fut arrivé le roi tint à Paris un grand parlement dans l'octave de la S. Denis, c'eftà-dire vers la mi-Octobre, où se trouverent plufieurs prelats & plufieurs barons de France. Là à l'exhortation du legat & du roi se croiferent Juhel archevêque de Tours, Philippe archevêque de Bourges, Robert évêque de Beauvais, Garnier de Laon, Guillaume d'Orleans, Robert comte d'Artois frere du roi ; Hugues de Châtillon comte de S.. Paul & de Blois, Gaucher fon neveu, Jean comte de Bar, Pierre comte de Bretagne, Jean fon fils, Hugues comte de la Marche, Jean de Montfort, Raoul de Couci, & plufieurs autres tant clercs que laïques qui fe croiferent à diverfes fois.

XXXIV.

Ambaffade de

L'empereur Frideric envoya cependant en France Frideric à S. Pierre des Vignes & un clerc nommé Gautier d'Ocre avec une lettre où il difoit : Le pape & quelques-uns

Louis

de fes predeceffeurs nous ont donné de justes sujets de plaintes, à nous & à plufieurs autres princes, en s'attri- AN. 1245. buant l'autorité d'inftituer & deftituer de leurs états les Ducang. fur Joinu. p. $6. empereurs, les rois & tous les feigneurs temporels, & d'abfoudre les vaffaux du ferment de fidelité, pourvû qu'il y ait feulement une fentence d'excommunication prononcée contre les feigneurs. De plus s'il arrive conteftation entre les feigneurs & les vaffaux,ou entre deux feigneurs voifins, le pape à la requifition d'une des parties interpofe fa mediation, voulant obliger l'autre à compromettre entre fes mains malgré elle, ou bien il prend le parti de l'une, pour contraindre l'autre à fai re la paix. Enfin fur la demande des particuliers il retient ou renvoye au tribunal ecclefiaftique les caufes temporelles & feodales, au prejudice de la jurisdiction

feculiere.

C'est pour montrer ces entreprises par des preuves évidentes, & pour y remedier, que nous envoïons Pierre des Vignes & Gautier d'Ocre au roi de France nôtre très-cher ami, le priant instamment d'assembler en fa prefence les pairs laïques &les autres nobles de fon roïaume, pour écouter nos raifons fur ce fujet. S'il ne veut pas fe charger de cette affaire, nous le prions de nous la laiffer poursuivre, fans s'opposer à nous, ni permettre qu'aucun de fes fujets s'y oppofe, & ne donner aucun fecours au pape contre nous durant la prefente conteftation. Mais fi le roi juge à propos, comme il est digne de lui, d'employer fa mediation, d'engager le pape à reparer ces torts & en particulier à revoquer ce qu'il vient de prononcer contre nous au concile de Lion, nous voulons bien pour l'honneur de Dieu & l'affection finguliere que nous portons au roi

de France, remettre entre fes mains notre different AN. 1245. avec le pape, étant prêt de donner à l'église telle fatisfaction qu'il jugera convenable par le confeil de fa nobleffe. Le reste de la lettre contient les offres que l'empereur fait au roi de fon fecours, pour l'exécution de la croifade, quand même fon accommodement avec le pape ne réüffiroit pas. Elle eft adreffée à tous les François, & datée de Cremone le vingt-deuxième de Septembre 1245. la quatriéme indiction étant com

XXXV.

Entrevûë du

Clugni.

Chr. Senon. c.9..

367

p. 598.

Bibl. Clun. p.

1666.

mencée.

S. Louis, qui n'aprouvoit point la dépofition de Fripape & du roi à deric, entreprit de faire fa paix avec le pape; & l'on crut que c'étoit le principal fujet de leur conference. to. 3 Spicil. p. Car le roi pria le pape de venir à Clugni, ne voulant Math. Parif. pas qu'il entrât plus avant en France; le pape s'y rendit à la mi-Novembre, & le roi quinze jours après. Le jour de S. André le pape celebra la messe au grand autel de la grande église de Clugni accompagné de douze carninaux, de deux patriarches Latins d'Antioche & de C. P. de trois archevêques, Reims, Lion & Besançon, de quinze évêques & de plufieurs abbez tant noirs que blancs. Quant aux princes feculiers, S. Louis étoit accompagné de la reine Blanche fa mere avec Ifabelle fa foeur & de fes trois freres, Robert comte d'Artois, Alfonfe de Poitiers, & Charles d'Anjou. Là fe trouverent auffi Baudouin empereur de C.P. l'infant d'Arragon & l'infant de Caftille,le duc de Bourgogne, le comte de Ponthieu & plufieurs autres feigneurs. Ils logerent la plûpart dans l'enceinte du monaftere, fans que les moines en receuffent aucune incommodité, tant il contenoit de bâtimens..

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M. Par.

S. Louis furent très-secretes, & tout se paffa entre eux AN. 1245. deux & la reine Blanche; mais perfonne ne doutoit qu'ils ne traitaffent de la paix entre le pape & l'empereur. Car le roi ayant refolu d'aller à la croifade, fes troupes fans cette paix ne pouvoient paffer en sûreté ni par mer, ni par les terres de l'empereur; & quand le paffage eût été libre, il n'étoit pas à propos d'aller faire la guerre dans la terre fainte, laiffant dans la Chrétienté une divifion fi dangereuse. On crut aufsi qu'ils avoient traité de la paix entre la France & l'Angleterre, ou du moins de la prolongation de la tréve, afin que S. Louis fit fon voyage plus sûrement; & il prit jour avec le pape pour une autre conference à la quinzaine de Pâque, où l'on efperoit que Frideric fe

trouveroit.

Avant que le pape retournât à Lion, l'abbé de Clu- Id. p. 600. gni obtint de lui la permiffion de lever une decime fur tout l'ordre pendant une année pour se dédommager, tant des grands prefens qu'il lui avoit faits à fon arrivée à Lion, que de l'hofpitalité qu'il lui avoit donnée pen-dant prés d'un mois, le défrayant magnifiquement lui & toute fa fuite. Mais il devoit revenir au pape trois mille marcs d'argent de cette decime.

Le roi S. Louis revint à Paris vers Noël. Or c'étoit p.604.. Fufage que les princes donnoient à leurs officiers aux grandes fêtes des habits que l'on appelloit les Robes neuves. Le roi fit faire des chapes, c'étoit les manteaux du tems, en plus grand nombre qu'à l'ordinaire, d'un drap très-fin,& fourrées de vair; mais il fit coudre pendant la nuit fur les épaules des croix d'une broderie delicate d'or & de foye, & ordonna que les gentilshommes revêtus de ces chapes vinffent à la messe

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