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AN. 1247.

pe.

LIV.

Entreprise

Matth. Parif. 1.631. 632.

biens & on les mettoit en prifon, où on leur faifoit fouffrir la faim & divers tourmens, & on en condamnoit même plufieurs à mort, en forte qu'ils étoient reduits à quitter des lieux qu'eux & leurs peres avoient habitez de temps immemorial, & vivre dans un miferable exil. Sur cet exposé le pape écrivit à tous les évê→ ques d'Allemagne de fe rendre favorables aux Juifs; de faire reparer les torts qui leur avoient été faits par les prelats, les nobles & autres perfonnes puiffantes, & de ne pas permettre qu'à l'avenir on les maltraitât fans fujet. La lettre eft dattée de Lion le cinquiéme de Juil let 1247. & le pape l'adressa auffi aux évêques de France. Par cet exemple on peut juger que nous ne devons pas croire legerement tant d'histoires d'enfant tuez par les Juifs, que nous trouvons dans les auteurs de ces tems-là.

Quelque tems auparavant un chevalier de Frideric, fur la vie du pa- nommé Raoul étant mécontent de lui vint à Lion, où il fe trouva logé en même hôtellerie avec le docteur Gautier d'Ocre, confeiller de l'empereur. Celuici l'exhorta de rentrer à fon fervice, & lui perfuada de tuer le pape, pour mieux regagner les bonnes graces de fon maître. Ils engagerent dans la conjuration leur hôte nommé Renaud, qui étant connu du pape & de fes officiers, devoit leur donner les moyens pour l'exécution. Là deffus Gautier partit, mais Renaud étant tombé malade; & fe voyant prêt à mourir, découvrit tout à fon confeffeur. Si-tôt qu'il fut mort le confesfeur en avertit le pape: Raoul fut pris ; il nia d'abord, mais étant mis à la question il confeffa tout. Vers le même tems on prit à Lion pour le même fujet deux chevaliers Italiens, qui affurerent qu'environ quaran

te autres tres-braves avoient conjuré la mort du pape; & que quand même Frideric ne feroit plus au monde, AN. 1247. aucune crainte de la mort ne les empêcheroit de mettre en pieces le pape, croyant en cela faire une œuvre agréable à Dieu & aux hommes. Depuis ce tems le pape fe tint caché dans fa chambre gardé jour & nuit par environ cinquante hommes armez; & il n'ofoit fortir de fon palais, pas même pour aller à l'églife dire la meffe.

LV.

Ligues des Ba-contre le clergé.

rons de France

Dés la fin de l'année precedente les barons de France voulant s'opposer aux entreprises des ecclefiaftiques, firent dreffer un acte en latin où ils difoient: Le clergé fuperftitieux ne confidere pas que le royaume de France a été converti à la foi par les armes fous Charlemagne & les autres. On voit ici l'ignorance de Pres. Libert.ch. celui qui compofa cet acte, d'attribuer à Charlemagne. Par. L'établissement du chriftianisme en France, & y ap- p. 628. pliquer les guerres qu'il fit contre les Saxons & les autres infideles de Germanie. L'écrit continuë: Le cler gé nous a d'abord féduit par une humilité artificieuse; & fe prevalant des châteaux que nous avons fondez, ils abforbent la jurifdiction des princes feculiers. Enforte que les enfans des ferfs jugent felon leurs loix, les hommes libres, quoique felon les loix des anciens vainqueurs, nous devrions plûtôt les juger, & on ne devroit pas déroger aux coûtumes de nos ancestres par de nouvelles conftitutions. Car ils nous font de pire condition que les payens mêmes, de qui Dieu a dit : Rendez à Cefar ce qui eft à Cefar. Les clercs font ici nommez enfans des ferfs, parce qu'en effet plufieurs étoient roturiers & de condition fervile. L'écrit continue; C'eft pourquoi nous tous qui

A aa iij

AN. 1247.

fommes les plus grands du roïaume confiderant qu'il a
été conquis, non par le droit écrit ni par l'arrogance des
clercs, mais par les travaux de la
guerre défendons
par le prefent decret, que perfonne clercs ou laïques,
n'apelle un autre en jugement devant un juge ordinai-
re ou délegué, il faut fousentendre juge ecclefiaftique,
finon pour caufe d'herefie, de mariage, d'ufure, fous
peine de perte de tous fes biens & de mutilation d'un
membre. Sur quoi nous députerons des executeurs.
Ainfi notre jurifdiction fe relevera, & les clercs en-
richis à nos dépens feront ramenez à l'état de la primi-
tive église & à la vie contemplative, nous laissant l'ac-
tion qui nous convient, & nous faisant voir les mira-
cles qui ont ceffé depuis long-tems.

Les executeurs de ce decret furent nommez par une patente en François qui porte: Nous tous dont les feaux pendent à ce prefent écrit, avons promis par ferment pour nous & nos fuccefleurs, de nous aider l'un l'autre & tous ceux qui voudront être de cette compagnie à poursuivre & défendre nos droits & les leurs, contre le clergé. Et parce qu'il feroit difficile de nous affembler tous pour cet affaire, nous avons élû d'un commun accord le duc de Bourgogne, le comte Pierre de Bretagne, le comte d'Angoulême & le comte de S. Paul, afin que fi quelqu'un de cette compagnie avoit affaire contre le clergé, nous lui donnions tel fecours que ces quatre jugeront à propos. Pour cet effet chacun promettra par ferment de mettre le centiéme de fon revenu: ces deniers feront levez à la Purification de N. Dame, & remis où il fera befoin, fuivant les lettres des quatre feigneurs, ou de deux d'entre eux. Si quelqu'un avoit tort & ne vouloit ceder à l'a

vis des quatre, il ne feroit point aidé par la compagnie. Si quelqu'un de la compagnie étoit excommunié à tord au jugement des quatre, il ne laiffera pas de poursuivre fon droit, s'ils n'en ordonnent autrement. Si deux des quatre feigneurs mouroient ou fortoient du païs, les deux reftans en mettroient deux à la place; fi trois ou quatre fortoient ou mouroient, les dix ou douze plus confiderables de la communauté en éliroient quatre autres. La communauté approuvera ce que feront les quatre, ou un particulier par leur ordre. Cet accord durera à toûjours,& fut fait l'an 1246. au mois de Novembre.Plufieurs ecclefiaftiques furent allarmez de cette conjuration des barons de France, & crurent qu'ils agiffoient de concert avec Frideric, principalement à. cause de la menace de reduire le clergé à l'état de la primitive église, qui étoit le langage de ce prince. Les évêques & les autres prelats de France s'en plai- 4. epift. cur 35gnirent au pape, qui leur répondit: Nous fommes environnez d'affliction de tous côtez. Nous voyons la cruelle impieté du perfecuteur de l'églife, il parle de Frideric; mais nous fommes plus vivement touchez de la nouvelle entreprise des Catholiques aufquels nous avions notre plus grande confiance, & dont nous craignons que l'exemple ne foit pernicieux aux autres nations. Il oppose ensuite à l'ordonnance des barons 6. capit. 366.al. de France la prétendue loi de Theodofe en faveur de la jurifdiction des évêques confirmée par Charlemagne,,Sup. liv. & inferée par Gratien dans fon decret; mais j'ai marqué en fon lieu que cette loi eft fufpecte avec raifon. Le pape Innocent ajoûte, que les barons de France ne favent peut-être pas que ceux qui font des ftatuts contre la liberté ecclefiaftique,font excommuniez

ap. Rain. 1247.

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n. 8,

Sup. liv.

LXXVI I. n.

tis. 49. de fent. excom.

LV. ep. cur. 36. Rain. n. 53.

Le

de plein droit, fuivant la conftitution d'Honorius II. AN. 1247. C'eft pour quoi il recommande aux évêques de les inftruire, de leur réfifter avec la derniere fermeté, & 40. c.nover de proceder comme il convient contre les rebelles, leur promettant de fa part toute forte de fecours. écrivit en même tems au cardinal Eude de pape Châteauroux évêque de Tufculum fon legat en France, lui ordonnant de fe trouver au concile que les évêques devoient tenir fur ce fujet, & lui prescrivant ainfi la maniere dont il devoit proceder contre les barons. Premierement, dit-il, vous dénoncerez excommuniez tous ceux qui feront observer les statuts & les coûtumes contraires à la liberté de l'église, ceux qui les auront écrits, & qui les fuivront dans les jugemens, vous déclarerez nuls ces ftatuts & les ferment de les obferver. Vous excommunierez tous ceux qui font entrez ou qui entreront dans cette conjuration, ou en attireront d'autres. Tous ceux qui payeront ou recevront la contribution du centiéme denier. Ceux qui à l'occafion de cette conjuration troubleront la jurifdiction ecclefiaftique. Les défobéïffans feront privez de tout privilege accordé par le S. fiege & des fiefs qu'ils tiennent de l'églife,& leurs enfans exclus de la clericature & des benefices. Les clercs qui ne fe retireront pas de leur service aussi-tôt après votre monition, feront dépouillez de tous benefices, & même du privilege cleriM. Par. p. 623. Cal. Le pape voyant que ces menaces n'avoient pas grand effet, donna plufieurs benefices aux parens des barons de France, il leur accorda des difpenfes d'en avoir plufieurs à la fois, leur donna grand nombre d'indulgences,& fit beaucoup de prefens aux feigneurs mêmes. Par ces moyens il en ramena grand nombre, & l'affaire

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