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c. 35.

B. c. 20.

B. 6. 22.

& à tous les Chrétiens, favoir de fe foûmettre à lui, car il ne craint aucun païs dans le monde que la chrétienté. Or leur intention eft de fe foûmettre toute la terre, fuivant l'ordre que Ginguiz-can leur en a

donné.

Nous fûmes donc appellez devant lui au lieu même où il avoit été intronifé. Gingaï fon premier fecretaire écrivit nos noms & de ceux qui nous avoient envoyez, & les recita à haute voix devant l'empereur. c.37. Nous fûmes du petit nombre de ceux qui furent admis en fa prefence. Il nous renvoya prés de fa mere, pendant qu'il fit la ceremonie de lever l'étendart contre l'Occident, ne voulant pas que nous en eussions connoiffance, puis nous revînmes & fûmes bien un mois auprès de lui, fouffrant beaucoup de faim & de foif, car ce qu'on nous donnoit pour quatre jours fuffifoit à peine pour un. Enfuite l'empereur nous envoïa querir, & nous fit dire par Gingaï fon fecretaire d'écrire nos propofitions & les lui prefenter. Puis on nous demanda s'il y avoit auprès du pape des gens qui feuffent lire le Ruffien, l'Arabe ou le Tartare. Nous dîmes que nous n'avions point d'ufage de ces écritures, mais que des Arabes pourroient écrire en Tartare ce qu'on leur diroit & nous l'expliquer, que nous l'écririons en notre langue, & porterions au pape l'original & la traduction. On nous appella le jour de Saint Martin. Alors Cadac premier miniftre, Gingaï, Bala & plufieurs écrivains vinrent à nous, nous expliquerent mot à mot la lettre de l'empereur que nous écrivîmes en Latin, & nous en donnerent la traduction en Arabe, pour nous fervir quand nous trouverions quelqu'un qui l'entendît.

L'empereur

AN. 1247.

L'empereur fe proposoit d'envoyer avec nous des gens de fa part, & un des Tartares qui nous accompagnoient, nous exhorta à le demander. Nous répon- c. 38. B. 6. 23. dîmes, que fi l'empereur les envoyoit de lui-même, nous les conduirions volontiers. Mais il ne nous paroiffoit pas expedient que ces envoyés vinffent pour plufieurs raifons. Nous craignions que voyant nos divifions & nos guerres, ils ne fuffent plus encouragés à marcher contre nous; nous craignions que ces envoyés ne fuffent des efpions, qu'ils ne fuffènt tués par nos gens, dont nous connoiffions l'infolence, ou qu'on ne nous les ôtât de force. Enfin nous ne voyions aucune utilité à leur voyage, puisqu'ils n'auroient autre charge que de porter les lettres de leur empereur au pape & aux princes, & nous avions ces lettres. Nous fûmes congediés le troifiéme jour après, favoir le jour de faint Brice treiziéme de Novembre, & pendant notre retour nous passâmes tout l'hiver dans des deserts, où fouvent nous étions reduits à coucher fur la neige. Nous marchâmes ainfi B: c. 143 jufqu'à l'Afcenfion, c'eft-à-dire, au neuviéme de Mai 1247. Alors nous arrivâmes prés de Batou-can & le famedi d'après la Pentecôte nous vînmes au quartier de Mofii, où on avoit arrêté nos compagnons & nos ferviteurs. Nous nous les fimes ramener; puis nous arrivâmes à Corenza, qui nous donna deux Comains pour nous conduire en Ruffie.

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Nous arrivâmes à Kiovie quinze jours avant la S. Jean; & les habitans vinrent au-devant de nous pleins de joye, nous felicitant comme fi nous étions reffufcités on nous en fit autant par toute la RufTome XVII. Ddd

AN. 1247.

LXIV. Mifion des fre

XXXI. c. 2..

6. 40.

2. 57.58. c.

fie, la Pologne & la Boheme. Daniel & Vafilico for frere nous firent une grande fête & nous retinrent bien huit jours contre notre deffein. Cependant ils delibererent entre eux & avec les évêques & les autres gens de bien fur les propofitions que nous leur avions faites allant en Tartarie. Leur réponse fut, qu'ils vouloient tenir le pape pour leur feigneur & pere, & la fainte églife Romaine pour leur maî-tresse, confirmant tout ce qu'ils avoient mandé au pape fur ce fujet par un de leurs abbés, & ils lui envoyerent encore des nonces avec nous. Telle: eft la relation de frere Jean de Plan-Carpin, & des freres Mineurs qui l'accompagnerent en ce voyage.

Le pape Innocent envoya vers le même tems aux res récheurs. Tartares des freres Prêcheurs qui pafferent en Vine. Bell. lib. Egypte, s'adrefferent au fultan Melicfaleh, & lui prefenterent des lettres du pape, où il exhortoit ce prince à fe faire Chrétien, & le prioit de faciliter aux freres le paffage chez les Tartares. Le fultan lui fit faire réponse en fon nom par Salchin qui devoit être quelqu'un de fes principaux officiers, & dont la ap. Rain. 1247 lettre commence par de grands lieux communs de theologie Musulmane, pour relever l'unité de Dieu & fa fingularité, fans compagnons, fans focieté de femme ni d'enfans, fans partage, fans nombre fans compofition, qui font les expressions dont ils fe fervent pour exclure la trinité des perfonnes divine. Il relève enfuite la miffion de Mahomet audeffus de celle de Moïfe & de J. C. difant que Dieu a rassemblé en lui tous les dons qu'il avoit diftribués aux autres prophêtes: puis venant à la lettre

:

du pape il dit nous ne favons quelle eft fon in-
tention; car fi c'eft d'établir la verité par des
preuves & des demonstrations,
il faudroit pour
cet effet s'affembler & propofer de vive voix les
objections & les réponses, & on trouveroit chés
nous des gens capables de le contenter. Et enfui-

te:

Nous avons voulu conferer avec les freres Pref cheurs qu'il avoit envoïés; mais il n'étoit pas tout à fait für pour eux de difputer de vôtre religion & de la nôtre dans nôtre païs, en prefence de nos favans. De plus la langue étoit un obftacle, ils ne favoient pas l'Arabe, & n'étoient accoûtumés à difputer qu'en Latin ou en François. Leur pauvreté & leur vie monaftique nuifoit encore, quoiqu'on vît réluire en eux la fcience & la vertu le mépris du monde, la religion & la pureté des

mœurs.

La lettre du pape marquoit qu'ils vouloient aller vers les Tartares, & il nous exhortoit à les aider dans leur deffein ; mais nous ne leur avons pas confeillé d'entreprendre ce voïage. La fureur & la cruauté des Tartares va bien au delà de ce que vous en dites : l'Antechrift lui-même ne retiendroit pas fes larmes s'il voïoit feulement une partie des maux qu'ils commettent. Mais Dieu par fa mifericorde a confolé les Mufulmans en la perfonne d'un fultan qui fera fentir aux Tartares l'ardeur du feu qu'ils ont allumé, c'eft Melicfaleh nôtre maître, à qui cette année ils ont envoyé des ambaffadeurs pour lui demander la paix; mais il ne leur a pas permis de venir à fa porte, ni de baiser la pouffiere

AN. 1247.

AN. 1247.

A

de fes pieds. Telle eft en fubftance la lettre de Sal chin au pape.

Les freres Prefcheurs dont il parle étoient apparemment Ascelin & fes trois compagnons, dont l'un nommé Simon de faint Quentin écrivit la rélation de leur voyage en Tartarie: elle commence ainfi : L'an 1247. le jour de la translation de faint Dominique, c'est-à-dire le vingt-quatriéme de Mai, frere Afcelin envoyé par le pape arriva avec fes compagnons à l'armée des Tartares en Perfe, commandée: par Baïothnoi, qui l'ayant apris leur envoïa quelques-uns de fes grands officiers avec son égip ou principal confeiller & des interpretes. Ils leur demanderent de quelle part ils venoient. Frere Ascelin ré-· pondit: Je fuis envoyé du pape, qui chez les Chrétiens eft eftimé le plus grand de tous les hommes en dignité, & reveré comme leur pere & leur feigneur. Les Tartares fort indignés de ce difcours dirent Comment ofez-vous dire : que le pape vôtre maître eft le plus grand de tous les hommes ? ne fait-il pas que le Can eft le fils de Deu, & que Baïothnoi & Batho sont des princes foûmis à lui ? Afcelin répondit: Le pape ne fait qui eft le Can, ni qui font Baïothnoi & Batho, il n'a jamais oui leurs noms; s'il les avoit fçus il n'auroit pas manqué de les mettre dans les lettres dont il nous a chargés. Ib a feulement apris qu'une certaine nation barbare nommée les Tartares eft fortie de l'Orient, a conquis plufieurs païs & paffé une infinité d'hommes au fil de l'épée. Etant donc touché de compassion, par le confeil de fes freres les cardinaux, il nous a envoyés à la premiere armée de Tartares que nous

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