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AN. 1251.

jumeau & fes compagnons. I dirent que s'étant embarquez en Chypre, ils aborderent au port d'Antioche, & que de-là, jusques au lieu où étoit le can des Tartares, ils mirent bien un an à marcher, faifant dix lieuës par jour. Tout le pays qu'ils traverserent, étoit soûmis aux Tartares; & en plufieurs lieux ils trouvoient dans les villes & les villages de grands monceaux d'os d'hommes morts. Caïouccan étoit mort quand ils arriverent, & fa veuve fut regente jufques à l'élection, qui fut deferée à Abulfdr. p. 326. Batou comme l'aîné de la famille. Il choifit Mon

caca, autrement Mangou, petit fils de Ginguiz can comme lui, & fût élû l'an 649. de l'hegire 1251. de Jefus-Chrift. Les freres Prêcheurs furent témoins de cette élection: on les receut avec honneur, & ils trouverent le nouveau can affez favorable aux Chrétiens, mais ils n'apprirent rien d'Ercalthaï, Ap.Rain. 1253; dont on avoit apporté une lettre à faint Louis. Sur leur relation, le roi écrivit au pape, que plufieurs Tartares avoient receu le baptême, & qu'il s'en. convertiroit un plus grand nombre, fi on leur prêchoit la foi. Mais, ajoûtoit-il, la puissance du calife: de Bagdad fait qu'il y a tres peu d'évêques dans le païs, c'est pourquoi il feroit à propos d'ordonner évêques quelques freres Prêcheurs ou Mineurs que l'on y doit envoyer, afin qu'ils puffent conferer les ordres & les autres facremens, qui appartiennent aux évêques, & donner les difpenfes ne-cessaires touchant les mariages & l'observation des jeûnes.

XXXIII.

Plaintes contre le pape.

De Cefarée faint Louis écrivit à la reine Blanche fa mere, à fes freres, & à fes fujets, leur deman

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dant un prompt fecours d'hommes, de vivres & d'argent. La reine ayant reçû la lettre, affembla AN. 1251. tous les nobles du royaume pour les confulter fur ce sujet, & ils se plaignirent hautement de la conduite du pape qui excitoit une nouvelle guerre dans la Chrétienté. C'eft que Conrad fils de l'empereur Frideric étoit entré en Italie dès le mois de Mai Chr. Matth. de cette année 1251. pour prendre poffeffion du Spin. royaume de Sicile ; & les Venitiens lui ayant fourni une flotte, il defcendit à Pescaire le vingt-fixiéme d'Août. Tous les barons du païs allerent audevant de lui: il marcha avec toutes fes troupes contre les comtes d'Aquin & de Sore qui s'étoient déclarez pour le pape, & les défit le jour de faint Martin. Or le pape faifoit prêcher la croisade contre Conrad, particulierement en Brabant, en Flan- Matth. Paris dres & en France; même avec une indulgence plus P. 713. grande que celle de la terre-fainte, car elle devoit s'étendre au pere & à la mere du croisé.

La nobleffe de France difoit donc à cette occafion: Le pape fait prêcher une nouvelle croifade contre des Chrétiens, pour étendre fa domination, & oublie le roi nôtre maître qui fouffre tant pour la foi. La reine Blanche touchée de cette remontrance fit faifir les terres de tous ces nouveaux croisez, difant: Que le pape entretienne ceux qui vont à son fervice, & qu'ils partent pour ne plus revenir. Les feigneurs en uferent de même à l'égard des croisez de leurs térres: ce qui fit tomber la croifade. Ils firent auffi de fortes reprimandes aux freres Prêcheurs & aux freres Mineurs qui l'avoient prêchée. Nous vous bâtiffons, difoient-ils, des églises & des

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AN. 1252.

Id. p. 717.

maifons, nous vous recevons, nous vous nourrif
fons & vous entretenons. Quel bien vous fait le
pape
? il vous fatigue & vous tourmente il vous
fait les receveurs de fes impôts, & vous rend odieux
à vos bienfaicteurs. Ils s'excufoient fur l'obéiffance
qu'ils lui devoient.

ques,

:

Vers le commencement de l'an 1252. le pape écrivit au roi d'Angleterre, pour lui perfuader d'aller au fecours du roi de France à la terre-fainte, ou s'il n'y alloit pas en perfonne, du moins qu'il n'empêchât pas ceux qui vouloient y aller. Ce qui fervit de pretexte à ce prince, pour exiger de nouvelles 719 taxes des Juifs de fon royaume. Vers la fête de Pâil affembla à Londres tous les feigneurs croifez, pour deliberer fur le fecours de la terre-fainte, & le jeudi de la feconde semaine d'après Pâques, 720. il fit prêcher folemnellement la croifade à Oüeftminster, mais il s'y trouva peu d'auditeurs, à cause de l'indignation contre les exactions de la cour de Rome, car le roi, fous pretexte de ce voyage qu'il ne fit point, avoit déja obtenu du pape une decime pour trois ans, fur le clergé & le peuple de fon royaume. Ce qui l'avoit fait foupçonner de n'avoir pris la croix que pour cet effet. Toutefois il jura de partir de la faint Jean en trois ans, & fit ce ferment mettant la main à la poitrine comme les prêtres, puis fur les évangiles, mais les affiftans ne s'y fierent pas davantage.

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ap. Rain. n.

26.

Pour exciter à la croifade d'outre-mer, le pape ajoûta de nouvelles graces à l'indulgence pleniere, donnant pouvoir à l'évêque d'Avignon, d'abfoudre ceux qui avoient frapé des clers, ou brûlé des égli

:

fes de difpenfer les clercs des irregularitez qu'ils avoient encouruë: permettre aux bâtards de recevoir les ordres facrez & des benefices: commuer au vœu de la croisade tous les autres vœux, excepté celui de religion. La lettre eft du treiziéme de Février 1252. C'est ainfi qu'on prodiguoit les dispenses, au préjudice de la difcipline.

Dés l'année precedente, pendant que le pape étoit à Milan, il avoit repris Lodi, auparavant attachée au parti de Frideric, jufques là que le pape Gregoire IX. l'avoit privée de l'évêché, pour avoir commis de grands excés contre des ecclefiaftiques & des religieux, & même avoir brûlé un frere Mineur. Ottobel alors évêque de Lodi, fut tellement affligé de voir fa ville ainfi dégradée, qu'il en mourut de déplaifir l'an 1242. & il n'eut point de fucceffeur pendant dix ans. Mais enfin la ville étant rentrée en grace auprès d'Innocent IV. il lui rendit la dignité épiscopale, & approuva l'élection de Bonjean pour leur évêque, comme il paroît par fa lettre du neuvième de Janvier 1252.

La petite ville d'Atri dans l’Abbruzze̟ ulterieure, s'étant declarée pour le pape, le cardinal Pierre de Colmieu évêque d'Albane, l'érigea en cité par l'autorité du pape, & en ville épifcopale, fans toutefois lui donner d'évêque particulier; mais l'unissant à perpetuité à l'évêché de Penna dont elle dépendoit, & dont Beralde étoit alors évêque. Le pape confirma cette érection par fa bulle du quinziéme Mars 12.52. & ces deux évêchez de Penna & d'Atri, font toûjours depuis demeurez unis & dépendans immediatement du faint fiege. Or j'avouë que je ne

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AN. 1252

XXXIV. Evêchez de Lod

& d'Atri. Mon. Pad. het. 4. Rain.n. si

p.920. 921.

AN. 1252.

XXXV.

Pierre de Vero

ne.

to.

vois pas quel avantage fpirituel revenoit de cette érection d'évêchez.

Cependant Pierre de Verone inqufiteur à MiMartyre de S. lan combatoit fortement les heretiques. Il leur offroit fouvent de fe jetter dans un feu pour preuve Vita ap. Boll de la foi Catholique, s'ils vouloient y entrer avec 1. 11. p. 696 lui: Il difoit qu'il ne mourroit jamais que de leur main, & assuroit qu'il feroit enterré à Milan. Sa priere ordinaire à l'élevation de l'hoftie étoit de ne p. 698. mourir que pour la foi. Le dimanche des rameaux vingt-quatrième de Mars 1252. prêchant à Milan devant près de dix mille personnes, il dit à haute voix Je fai certainement que les heretiques ont concerté ma mort & qu'ils ont mis de l'argent en dépôt pour cet effet. Mais qu'ils faffent ce qu'ils voudront, je ferai plus contre eux après ma mort que je n'ai fait de mon vivant. Ensuite il s'en re tourna à Come où il étoit prieur.

p. 681.

Les conjurez étoient Etienne Gonfalonier d'AliaCorio. p. 263 te, Mainfroi, Clitoro de Giuffano, petite ville entre Milan & Come, Guidot Sachella & Jacques de Clufe: le prix convenu pour payer les assassins étoit de quarante livres monnoye de Milan, qui furent déposées entre les mains de Thomas de Giuffano. Ils prirent pour executeur Pierre Balfamo furnommé Carin, & celui-ci choifit pour compagnon Aubertin Porro furnommé Mignifo. Ils laifferent paffer les fêtes de Pâque; & Carie demeura trois jours à Come, où s'allant informer tous les jours au convent des freres Prêcheurs quand Pierre devoit en partir pour aller à Milan, il aprit qu'il étoit parti avant le jour, le famedi dans l'octave de Pâques

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