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fixiéme d'Avril. Carin pria Mainfroi de lui prêter fon cheval, pour joindre plus aifément frere Pierre, qui étoit à pied, mais Mainfroi le refusa, de peur que ce ne fut un indice contre lui. Carin fe mit donc à courir à pied, pour ne pas perdre une fi belle occafion; & il n'eut pas de peine à atteindre le religieux, qui marchoit fort lentement, étant affoibli par une fiévre quarte, qu'il avoit euë long

tems.

Il le joignit au milieu du chemin, prés un lieu nommé Barlafine, dans un bois épais, ou Aubertin fon compagnon l'attendoit. Carin frappa le faint homme fur la tête avec une ferpe, qui lui ouvrit le crane d'une playe large & profonde, sans qu'il fe détournât, ni qu'il fit aucun effort pour éviter le coup. Il fe recommanda à Dieu, & prononçoit le symbole, pour la défense duquel il donnoit fa vie. Cependant frere Dominique compagnon du faint homme, faifoit de grands cris, & appelloit au secours; mais le meurtrier se jetta fur lui,› & lui fit quatre bleffures, dont il mourut quelques jours après. Puis voyant que frere Pierre palpitoit encore, il prit un coûteau, dont il lui perça le côté, & l'acheva ainfi. Son corps fut porté d'abord à l'abbaye de faint Simplicien, au fauxbourg de Milan, & le lendemain il fut enterré folemnellement dans la ville à faint Eustorge, qui étoit l'église des freres Prêcheurs.

Peu de tems après le meurtrier Carin fut arrêté, fur quelque indice, & mis dans la prifon du Podefta de Milan, nommé Pierre Lavocat; mais fes officiers gagnez par argent, le laifferent évader au bout

AN. 1252.

AN. 1252.

de dix jours; & le peuple s'en prenant au Podesta, courut à fon palais qui fut pillé, & lui-même accufé au tribunal de l'archevêque, où il fut déposé de fa charge, & eut peine à fauver la vie. L'archevêque étoit Leon de Perege, de l'ordre des freres Mip. 682. neurs, Le meurtrier Carin s'enfuit à Forli, où touché de repentir, il entra dans l'ordre des freres Prêcheurs, en qualité de frere convers, & finit saintement fes jours.

XXXVI.

Bulles pour les

Rain. n. 6.

Vers le même tems le pape Innocent déchargea Freres Prêcheurs les freres Prêcheurs du gouvernement des religieufes, pour ne les pas détourner de l'étude & de la predication. Il excepta feulement deux maisons, qu'il laiffa fous leur conduite, celle de faint Sixte à Rome, & celle de Prouille en Languedoc, la preId. n. 34. miere de toutes. Le general de cet ordre frere Jean le Teutonique fe plaignit au pape, que quelques-uns de leurs freres, au prejudice du vou d'obéïssance, confentoient aux élections de leurs perfonnes pour des évêchez, sans demander la permission de leurs provinciaux; & que les archevêques ne faifoient point de difficulté de les facrer, ce qui caufoit du fcandale dans l'ordre. Sur quoi le pape défendit à aucun des freres Prêcheurs, de confentir à fon élection pour l'épiscopat, & à aucun archevêque ou autre prelat, même aux legats du faint fiege, de le declarer évêque ou le facrer fans la permiffion du general de l'ordre, ou du provincial, ou un mandement special du faint fiege. La lettre eft du quinziéme de Juillet. Vading. 1252. 1252. Le vingt-deuxième d'Avril de la même année, le pape en avoit donné une toute femblable pour les freres Mineurs,adreffée à leur general Jean de Parme.

n. 22.

S. Louis

S. Louis étoit toûjours en Palestine. De Cefarée il alla à Jaffe le quinziéme d'Avril 1252. & s'y arrêta AN. 1252. pour la fortifier. Là on lui dit que le fultan lui per- Mort de la reine

XXXVII.

Joinu. p. 104.

mettoit d'aller à Jerufalem en toute feureté; & il Blanche. l'eût fait volontiers; mais les feigneurs du païs qu'il Sanut. p. 220. confulta fur ce fujet, l'en détournerent, ne pouvant confentir qu'il laiffât la ville entre les mains des infideles. Ils lui alleguerent l'exemple du roi Richard d'Angleterre, qui étant venu tout proche de Jerufalem, ne voulut pas la regarder; mais mit sa cotte d'armes devant fes yeux, & dit en pleurant : Ha Seigneur, que je ne voye pas votre fainte cité, puifque je ne puis la délivrer des mains de vos ennemis. Après avoir rapporté cet exemple, les seigneurs dirent à faint Louis : Vous êtes le plus grand roi des Chrétiens, fi vous faites votre pelerinage à Jerusalem fans la délivrer, tous les autres rois qui viendront à à ce voyage fe tiendront quittes de leur vou, en faifant ce que vous aurez fait.

Louis étoit encore à Jaffe quand il apprit la mort de la reine Blanche fa mere, arrivée le premier dimanche de l'Avent, premier jour de Decembre 1252. Eftant tombée malade à Melun, elle fe fit porter à Matth. Parif Paris, où elle manda l'abbeffe de Maubuiffon, mo- p. 740. nastere de l'ordre de Cifteaux, qu'elle avoit fondé prés de Pontoise : la reine receut l'habit, & fit profeffion entre fes mains. Après fa mort, on la revêtit des habits royaux par deffus celui de religieufe, & on lui mit la couronne en tête fur fon voile: on la porta ainfi à Maubuiffon, où elle avoit choisi fa fepulture, & elle fut extrêmement regretée de toute la France.

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La nouvelle en étant venuë en Palestine, le legat AN. 1253. Eude de Chafteauroux, qui la receut le premier, prit avec lui Gilles archevêque, de Tyr, garde du fceau du roi, & Geofroi de Beaulieu fon confeffeur, de l'ordre des freres Prêcheurs. Le legat dit au roi qu'il vouloit lui parler en fecret dans fa chambre, en presence des deux autres ; & le roi comprit à fon visage ferieux, qu'il lui apportoit quelque trifte nouvelle. Il les fit paffer de fa chambre dans fa chapelle, & il s'affit devant l'autel, & eux avec lui. Alors le legat reprefenta au roi les au roi les graces que Dieu lui avoit faites depuis fon enfance, entre autres de lui avoir donné une mere qui l'avoit élevé fi chré◄ tiennement; & fi fagement gouverné fon royaume. Enfin il ajoûta qu'elle étoit morte,, ne pouvant plus retenir fes fanglots & fes pleurs; & le roi jetta un grand cri, puis fondant en larmes, il s'agenouilla devant l'autel, & joignant les mains,-il dit avec une fenfible devotion: Je vous rends graces, Seigneur de m'avoir prêté une fi bonne mere, vous l'avez retirée quand il vous a plû. Il est vrai que je l'ai mois plus qu'aucune creature mortelle, comme elle le meritoit bien; mais puifque c'est votre bon plaifir, votre nom foit beni à jamais. Ensuite le legat ayant fait une courte priere pour la défunte, le roi dit qu'il vouloit demeurer feul dans fa chapelle; & retint feulement fon confesseur, qui lui representa modeftement qu'il avoit afsez donné à la nature, & qu'il étoit tems d'écouter la raifon éclairée par la grace. Auffi-tôt le roi fe leva & paffa dans fon oratoire, où il avoit accoûtumé de dire fes heures: là il recita avec fon confeffeur

pas

AN. 1253

tout l'office des morts, c'est-à-dire, les vêpres & les vigiles à neuf leçons ; & le confeffeur admira que nonobftant la douleur dont il étoit penetré, il ne fit la moindre faute en recitant un filong office. Il fit dire pour la reine fa mere une infinité de meffes & de prieres dans les maisons religieuses, & il entendoit tous les jours une meffe particuliere à fon intention. Il garda la chambre deux jours, fans parler à per- Joinu. p. 110. sonne, & demeura à Jaffe jusques à la fin du mois de Juin. Outre les fervices qu'il fit faire en Palestine pour fa mere, il envoya en France la charge d'un cheval de pierreries, pour distribuer aux églises, demandant des prieres pour elle & pour

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lui.

Six mois avant la mort de cette princeffe, le pa- Rain.n.317 pe Innocent écrivit aux évêques, aux abbez, & à tous les ecclefiaftiques du royaume, pour abolir une coûtume très-ancienne, mais barbare, d'obliger les ecclefiaftiques à prouver par le duel le droit qu'ils avoient fur les ferfs des églifes, quand ils vouloient reconnoître d'autres feigneurs; autrement les ecclefiaftiques n'étoient point receus à prouver leur droit fur ces ferfs, quoiqu'ils puffent le faire par témoins ou par d'autres voyes legitimes. Le pape défend d'en ufer ainfi àl'avenir, puifque le duel n'eft permis aux clercs, ni par eux-mêmes ni par d'autres ; & il declare nuls les jugemens rendus contre eux fur ce fujet. La bulle eft du vingt-troifiéme Juillet

1252.

XXXVIII Monnoye des

Chrétiens d'O

Le legat Eude de Châteauroux avoit écrit au pape quelque tems auparavant, que les Chrétiens qui faifoient battre monnoye à Acre & à Tripoli, Rainald. n. 52è

ént.

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