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apprenons avec douleur que tous les clercs quittant AN. 1254.
la philofophie, pour ne point parler maintenant de
la theologie, s'appliquent à l'étude des loix fecu-
lieres ; & ce qui eft plus condamnable, dans la plû-
part des païs, les prélats ne prennant plus pour les
benefices & les dignitez ecclefiaftiques que des
profeffeurs de droit ou des avocats, qu'on devroit
plûtôt en éloigner, s'ils n'étoient recommandables
d'ailleurs. Ainfi ceux qui étudient la philofophie
demeurent dans la mifere, manquant de subsistance
& fi mal vêtus qu'ils n'ofent fe montrer, tandis que
les avocats marchent avec pompe fur des chevaux
bien enharnachés, vêtus de foye, brillants d'or,
d'argent & de pierreries, attirant l'indignation des
laïques; non feulement contre eux, mais contre
toute l'églife.

Voulant donc reprimer leur infolence & relever
l'étude de la theologie, ou du moins de la philofo-
phie, qui bien que fans pieté conduit à la science
& détourne de l'avarice: nous ordonnons qu'à l'a-
venir aucun profeffeur de loix, ni aucun avocat
quelque diftingué qu'il foit dans fa profeffion, ne
foit promû aux dignitez, ou aux benefices eccle-
fiaftiques, s'il n'eft inftruit des arts liberaux, & re-
commandable par fes mœurs. Si quelque prélat
entreprend de violer cette conftitution, la provi-
fion fera nulle, & il fera privé par cette fois du
pouvoir de conferer. En cas de recidive il pourra
craindre de perdre fa prélature. Et parce que
les mêmes royaumes les caufes des laïques font dé-
cidées par leurs coûtumes, & non pas par les loix im-
periales ; & que d'ailleurs les caufes ecclefiaftiques.

sff iij

dans

AN. 1254.

LI.

munié.

Mon. Pad. p.

594.

peuvent être jugées par les canons fans le fecours des loix: nous défendons d'enseigner à l'avenir les loix feculieres dans ces royaumes; pourveu que les rois & les princes y confentent. Dès l'année 1219. le pape Honorius III. avoit défendu d'enfeigner le c. 28. extrá droit civil à Paris par la fameufe decretale Super de Privileg. fpecula, dont celle-ci fait mieux entendre les motifs. Depuis prés de deux ans un capitaine du parti de Ecelin excom- Frideric nommé Ecelin Romain, exerçoit dans la marche Trevifane des cruautés inouies. Il commença vers la fin d'Août 1252. en faifant mourir Carnorole chevalier Veronois qu'il croyoit chef d'une conjuration formée contre lui, & il continua de faire un grand massacre à Verone, à Padouë, à Vicence, & dans tout le pays. On tuoit les cheva◄ liers & les notables citoyens par grandes troupes dans les places publiques; puis on mettoit les corps en pieces & on les raffembloit pour les brûler. Les amis, les parens, les freres fe livroient l'un l'autre ou s'entre-tuoient de leurs propres mains: croyant gagner les bonnes graces du tyran, qui peu de jours après les faifoit mourir eux-mêmes. Il faifoit aveugler les enfans des nobles, qui les laissoit mourir de faim dans fes prisons, où periffoient auffi quantité de dames & de filles nobles. Chaque jour on faifoit mourir des perfonnes dans les tourmens ; & on entendoit jour & nuit leurs cris lamentables. Toutefois aucun n'ofoit fe plaindre publiquement de tant de maux: il falloit louer Ecelin, le traiter de jufte, de fage & de confervateur de la patrie, lui fouhaiter la vie & la victoire; encore ne gagnoit-on rien par ces flateries: toûjours éga

lement impitoyable, il n'épargnoit ni âge, ni fexe AN. 1254ni profeffion : il traitoit le clergé comme le peuple, les religieux comme les seculiers. Il prenoit les biens des évèchez, des abbayes & des autres benefices, & s'en fervoit pour commettre plus facilement fes crimes. Il n'y avoit plus ni predication, ni confesfion, ni vifite des faints lieux, ni autre pratique exterieure de devotion.

to. Ir. conc:

Le pape Innocent le fit admonefter plufieurs fois, Rain. 1151.n.36. & le cita à comparoître devant lui, comme fufpect d'herefie. Ecelin envoya des députez, offrant de jurer qu'il croyoit tout ce que croit l'églife; mais le pape ne reçut pas fa purgation, prétendant que pour un tel crime, il devoit venir fe juftifier en perfonne. Enfin après l'avoir cité plufieurs fois, & lui avoir donné plufieurs délaisal l'excommunia folemnellement à Rome, le jeudi faint, neuvième d'Avril 1254. La fentence porte qu'il a fous l'apparence d'un visage humain, le cœur d'une bête feroce, p. 610. qu'il est alteré du fang des Chrétiens, implacable ennemi du genre humain, & quantité de reproches femblables. Enfin elle le declare excommunié, comme heretique manifefte, & foûmis à toutes les peines de l'herefie. Le pape prétendit par cette fentence être en droit de difpofer des biens d'Ecelin. Com- Rain.n. 40. me en effet il en difpofa en faveur d'Alberic, frere d'Ecelin même; mais pour lors attaché au parti de l'églife. La difficulté devoit être d'en prendre poffeffion.

ap. Rain. 1254.

n. 35.

LII.

Mort du roi

Le pape avoit auffi cité le roi Conrad fils de l'empereur Frideric, pour répondre fur divers chefs Conrad. d'accufation touchant la foi & les mœurs,

& ce

AN. 1254.

Ughel. to. ult. 1.765.

prince avoit envoyé des ambassadeurs en cour de Rome, qui propoferent publiquement ses défenses. Enfuite le pape lui donna un délai jufques à la miCarême de cette année 1254. à la priere de Jean comte de Montfort, & de Thomas comte de Savoye. Mais Conrad continuoit fes progrés dans la Anonym. ap. Pouille, quand fa mort en arrêta le cours. Il mourut le vingt-uniéme de Mai, âgé d'environ vingt-six ans, laiffant un fils nommé auffi Conrad ou Conradin, âgé de deux ans, qui étoit demeuré en Allemagne avec la reine Elizabeth fa mere. Le pere en mourant lui donna pour bail ou tuteur, un seigneur Allemand qu'il avoit auprès de lui en Italie, nommé Bertold, marquis d'Honebruc, & lui recommanda de mettre le jeune prince fous la protection du .766. faint fiege. C'est pourquoi Bertold envoya des ambaffadeurs au pape, qui promit de prendre la défenfe du pupile, mais à la charge que le faint fiege entreroit dés lors en poffeffion du royaume de Sicile, pour le garder jufques à ce que l'enfant fut ap. Rain. n. 47. en âge. C'eft ce qui paroît dans une lettre du pape, où il declare qu'il veut conferver à Conradin le royaume de Jerufalem, le duché de Suaube, & tous les droits qu'il peut avoir au royaume de Sicile ou ailleurs. Et nous permettons, ajoûte-t'il, que tous les fujets de ce royaume, en nous prêtant ferment de fidelité, y ajoûtent: Sauf le droit du jeune Conrad.

!

Id. n. 52. Cependant le pape vint à Anagni, pour donner ordre de plus prés aux affaires du royaume; & là il fit publier folemnellement le jour de l'Affomption quinzième d'Août, une monition au marquis d'Ho

nebruc

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nebruc à Mainfroi, & aux autres de leur parti, de laiffer à l'église Romaine la libre poffeffion du roïau. me de Sicile & de fes dépendances, leur donnant pour tout délai, jusques à la Nativité de la Vierge, huitiéme de Septembre, le tout fous peine d'excommunication & de privation de toutes dignités & autres droits. Et le terme étant échû, fans qu'ils euffent fatisfait, le pape declara qu'ils avoient encouru toutes ces peines, & le fit favoir à Guillaume de Hollande roi des Romains, par fa lettre du douzième de Septembre.

En même tems le pape envoya pour legat au roïaume de Sicile, Guillaume de Fiesque fon neveu, cardinal diacre du titre de faint Eustache, & encore jeune. Il lui donna une armée & des pouvoirs trèsamples, savoir: d'emprunter au nom de l'église Romaine, autant qu'il jugeroit à propos, de prendre tous les revenus des églifes vacantes du royaume, cathedrales & autres ; & même de celles qui ne feroient pas vacantes, mais dont les prelats n'aideroient pas à fon gré l'affaire de l'églife Romaine. Il avoit auffi pouvoir d'impofer & d'exiger de nouvelles collectes, & de faire battre de nouvelle monoye. De priver de leurs biens tous les fauteurs de Frideric & de ses enfans, & tous les autres qui étant admonestés ne reviendroient pas à l'obéïffance de l'églife, de retirer tous les domaines de la couronne & revoquer toutes les infeodations & les autres conceffions: enfin de prendre tous les dépôts des rebelles. La commiffion eft du fecond jour de Septembre.

AN. 1254.

LII.

Mainfroi fe foût

Mainfroi étoit devenu tuteur de Conradin fon met au page.

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P. 769.

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