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toire contre vous, voulant auffi nous rendre tous AN. 1295. coupables de l'avoir écouté avec plaifir; & par le moyen de Gregoire votre nonce, qui paffoit à Paris, ils ont porté leur plainte contre ce docteur, au roi & à l'évêque de Paris. Le docteur appellé devant l'évêque, a demandé que le nonçe fût auffi cité, pour dire de qui il avoit appris ce qu'on lui reprochoit, & reprefenter les memoires qu'il difoit avoir receus contre lui. L'évêque n'ofa citer le nonce, ni le nonce comparoître en jugement; mais variant en fes difcours, & niant enfuite ce qu'il avoit dit d'abord, il fe retira fubitement de la ville. Enfin l'évêque après plufieurs délais n'aïant trouvé aucune preuve contre Guillaume de faint Amour, qui offrit de fe purger canoniquement devant quatre mille clercs, le déchargea juridiquement de cette pourfuite.. Ces infultes & plufieurs autres, qui feroient longues à rapporter, nous ont obligé de fufpendre jusques à present nos le

cons.

Les docteurs concluent en priant le pape de dé- p. 2917. clarer nulle l'excommunication prononcée par les deux évêques, & leur rendre la liberté qu'ils avoient lors de fon avenement au pontificat. Autrement, ajoûtent-ils, fachés que nous tranfporterons notre école à un autre roïaume, ou bien nous nous retirerons chacun chez nous, pour y jouir de notre liberté naturelle, plûtôt que de fouffrir la fervitude de cette focieté forcée. Alors l'église seroit en danger de tomber dans l'ignorance & l'aveuglement, & d'être ravagée par les heretiques. Nous yous fupplions donc, faint Pere, de nous donner

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AN. 1255.

p. 292.

promptement une derniere réponse, sans nous te nir plus long-tems en fufpens, afin que nous puiffions pourvoir à nous & à notre école.

Dés l'année precedente l'évêque de Paris envoïa au pape Innocent, un petit livre intitulé Introduction à l'évangile éternel; & le pape Alexandre le fit examiner par trois cardinaux, favoir les évêques de Tufculum & de Palestrine, & Hugues de faint Cher prêtre du titre de fainte Sabine, de l'ordre des frères Prêcheurs. Il fut jugé fi mauvais, que le pape manda à l'évêque de Paris de le fuprimer, fous 2.193. peine d'excommunication. La lettre eft du vingttroifiéme d'Octobre 1255. Mais le douzième de Novembre, il manda au même évêque de prendre garde que la fuppreffion de ce livre, n'attirât aucun reproche aux freres Mineurs. C'est que Jean de Parme leur general, étoit tenu pour l'auteur de l'Evangile éternel.

Le pape n'eut point d'égard à la remontrance des docteurs de Paris, ni à leur prétenduë separation du corps de l'université; au contraire il écrivit au chancelier de fainte Geneviève, de n'accor der la licence de regenter à Paris en aucune faculté à ceux qui refuferoient d'obferver la bulle E. 194. Quafi lignum vita. La lettre eft du vingt-cinquiéme de Novembre. Elle fait voir que le chancelier de fainte Geneviève donnoit alors les licences dans les quatre facultez. Le pape écrivit à même fin aux évêques d'Orleans & d'Auxerre; mais ils remirent l'exécution de ce nouvel ordre, jusques au concile qui se devoit tenir à Paris la même année,

Cependant à la priere du roi faint Louis, le pape AN. 1255.

Alexandre donna au provincial des freres Prêcheurs

France.

X V.

en France, & au gardien des freres Mineurs de Pa- Inquifition en ris l'office de l'inquifition dans tout le roïaume, ex- Rain. n. 95v cepté les terres du comte de Poitiers & de Toulouse Alfonfe frere du roi, dans lesquelles il y avoit des commiffaires particuliers pour l'affaire de la foi. Le pape ordonne aux Inquifiteurs, de se faire délivrer les informations, & les autres procedures faites contre les heretiques, par tous ceux qui les ont entre les mains; & de proceder contre ceux qui feront coupables du même crime, ou feulement diffamés, s'ils ne fe foûmettent entierement à l'églife, & d'implorer, s'il eft befoin, le secours du bras feculier. Il leur donne pouvoir d'abfoudre les heretiques qui abjureront fincerement, & de faire toutes les procedures neceffaires pour l'exercice de leur charge, nonobstant la liberté accordée aux religieux, de ne point recevoir de pareilles commiffions. Mais il veut que pour juger les heretiques, ou les condamner à une prifon perpetuelle, ils prennent le confeil des évêques diocefains. La lettre eft dattée de Rome le treiziéme de Decembre. Cette inquifition generale en France est remarquable, fur tout étant établie à la priere du roi faint Louis.

XVI

Relation de

Guill. de Rubraquis.

Vers la fin de cette année 1255. faint Louis receut des nouvelles du cordelier Guillaume de Rubruquis, qu'il avoit envoyé en Tartarie deux ans auparavant. Voici la substance de fa relation: votre fainte majefté faura que l'an 1253. le feptiéme de Bergeron, p. zi Mai, nous nous embarquâmes fur le pont-Euxin

Haeluyt. to I

p. 71.

que les Bulgares nomment la grande mer; & nous abordâmes à Soldaïa dans la petite Tartarie, le vingt-uniéme du même mois. Nous dîmes que nous allions trouver Sartach, parce qu'on nous avoit dit qu'il étoit Chrétien, & que nous lui portions des lettres du roi de France: fur quoi nous fûmes receus agréablement, & l'évêque du lieu nous dit beaucoup de bien de Sartach, que nous ne trouvâmes pas depuis conforme à la verité. Nous étions cinq perfonnes, moi, frere Barthelemi de Cremone mon compagnon, notre clerc nommé Gofet, porteur des prefentes, Homodei notre truchement, & un jeune esclave nommé Nicolas, que j'avois achepté à C. P. Nous partîH. p. 79. mes de Soldaïa vers le premier de Juin. Le troiB. p. 4. fiéme jour après nous trouvâmes les Tartares, & étant entré parmi eux je m'imaginois être venu dans

un autre monde.

A l'octave de l'Afcenfion qui étoit le cinquiéme de Juin, j'eus audiance de Scacataï parent de Baatou, & lui rendis une lettre de l'empereur de C.P. pour obtenir la liberté de paffer outre. Scacataï nous demanda fi nous voulions boire du cofmos, certain bruvage fait avec du lait de jument, & je m'en excufai pour lors. Or les Chrétiens du pays, Ruffes, Grecs, & Alains font confcience d'en boire & leurs prêtres mettent en penitence ceux qui en boivent: comme s'ils avoient apoftafié. Scacataï me demanda ce que nous dirions à Sartach. Je répondis que nous lui parlerions de la foi Chrétienne. Il demanda ce que c'étoit, difant qu'il l'entendroit volontiers. Alors je lui expliquai

pas

pliquai le fymbole comme je pûs par mon interprête, qui n'avoit point d'efprit, & ne favoit s'exprimer. Après l'avoir oui, il fecoüa la tête fans dire mot.

La veille de la Pentecôte, des Alains qui font Chrétiens du rit Grec vinrent à nous. Ils ne font pas fchifmatiques comme les Grecs; mais ils honorent tous les Chrétiens fans diftinction. Ils nous apporterent de la viande cuite, nous priant d'en manger, & de prier Dieu pour un d'entre eux qui étoit mort. Je leurs dis qu'il ne nous étoit pas permis de manger de la viande ce jour-là, qui étoit la vigile d'une fi grande fête, fur laquelle je les inftruifis; & ils en furent extrêmement rejoüis, car ils ignoroient tout ce qui regarde la religion, hors le feul nom de Jefus-Chrift. Ils nous demanderent, & plusieurs autres Chrétiens aussi Russes & Hongrois, s'ils pouvoient faire leur salut, étant obligez à boire du cosmos; & à manger des bêtes mortes d'elles-mêmes, ou tuées par des Sarrafins, ou d'autres infidelles; qu'ils ignoroient les jours de jeûne, & ne pourroient les obferver, quand même ils les connoîtroient. Je les redreflai comme je pûs, les inftruifant & les fortifiant dans la foi.

Le jour de la Pentecôte huitiéme de Juin, vint à nous un Sarrafin, avec lequel entrant en conversation, nous commençâmes à lui expliquer la foi. Ayant entendu les biens que Dieu avoit faits au genre humain par l'incarnation de Jesus-Christ, la refurrection des morts, & le jugement futur, & les pechez font lavez par le baptême : il dit Tome XVII.

que

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