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verfelle comme l'évêque l'eft de son églife particu- AN. 1257 liere. Qu'il peut changer tout ce que les conciles ont décidé n'être que de droit pofitif & en difpenfer felon les occurences. Car, ajoûte-il, les peres affemblez dans les conciles ne peuvent rien statuer fans l'autorité du pape, fans laquelle on ne peut même affembler de concile. Ces maximes touchant l'autorité du pape étoient nouvelles, & la derniere eft manifeftement tirée des fauffes decretales.

c. z.

Sup. liv.

xx. n. 34.

Quant au travail des mains, quelques moines, Dift. 174. 'dit faint Thomas, ont été anciennement dans cette erreur, de dire que le travail étoit contraire à l'abandon parfait à la providence, & que le travail recommandé par faint Paul font les œuvres fpirituelles. C'eft contre cette erreur que faint Auguftin a écrit fon traité du Travail des moines, d'où quel ques-uns donnant dans l'excés oppofé, ont pris occafion de dire, que les religieux font en état de damnation s'ils ne travaillent de leurs mains. Nous montrerons au contraire, que les religieux font en état de falut même fans ce travail. Le travail des mains eft de precepte ou de confeil. Si ce n'eft qu'un confeil, perfonne n'y eft obligé s'il ne s'y eft engagé par vœu : donc les religieux dont la regle ne le prefcrit pas, n'y font point obligés. Si c'est un precepte les feculiers y font obligez comme les religieux; & en effet quand faint Paul difoit: Que celui qui ne veut point travailler ne mange point, il n'y avoit point encore de religieux diftinguez des feculiers. De plus faint Paul ne recommande le travail qu'en trois cas pour éviter le larcin, pour ne point defirer le bien d'autrui, pour guerir l'inquiétude & la Tome XVII.

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2. Theff. 115

10.

Eph 1:28:

1. Theff. iv.

2. Theff. 111

8.

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curiofité. Donc ceux qui peuvent fubfister de quelque maniere que ce foit, fans tomber dans ces inconveniens, ne font point obligés à travailler. Or les religieux à qui le miniftere de la prédication est confié en peuvent subsister, puisque le seigneur a ordonné que ceux qui annoncent l'évangile vivent de l'évangile : & les moines oififs contre lesquels écrivoit faint Augustin, n'étoient point miniftres de l'églife. Enfin le travail des mains doit ceder à des occupations plus utiles, telle qu'eft la prédication : les apôtres étoient infpirés, mais les prédicateurs d'aujourd'hui font obligés de s'inftruire par une étude continuelle.

Guillaume de Saint-Amour prétendoit qu'il n'eft pas permis à celui qui a du bien de s'en dépouiller entièrement fans pourvoir à sa subsistance, soit en entrant dans une communauté rentée, foit en fe propofant de vivre du travail de fes mains. Il fit fur ce fujet un petit traité intitulé: De la quantité de l'aumône, pour montrer qu'elle doit avoir des bornes, & que ne fe rien referver c'est tenter Dieu, s'expofant au peril de mourir de faim, ou à la neceffité de mandier. Saint Thomas dit que c'est renouveller les erreurs de Jovinien & de Vigilence, qui blâmoient la pratique des confeils évangeliques, & en particulier la vie monaftique. Ce n'eft pas feulement, dit-il, dans la pauvreté habituelle que confifte la perfection de l'évangile, c'est-à-dire dans le détachement interieur des biens que nous poffedons réellement ; mais dans la pauvreté actuelle & le dépouillement effectif de ces biens ; & cette perfection ne demande pas qu'on poffede des biens

en commun, ou qu'on travaille des mains. Ici il montre bien que les moines les plus parfaits de l'antiquité renonçoient aux biens même poffedés en commun, mais il n'ajoûte pas qu'il vivoient de leur travail fans rien demander à perfonne.

AN. 1257.

Il foûtient enfuite qu'il eft permis à un religieux de vivre d'aumônes aprés avoir tout quitté pour Jesus-Christ. Que les predicateurs envoïés par les fuperieurs ecclefiaftiques peuvent recevoir leur subfiftance de ceux qu'ils inftruifent: qu'ils peuvent même la demander & mandier quoique valides, & qu'on doit leur donner preferablement aux autres pauvres. Il fuppofe que les religieux rentez peuvent vivre de leurs revenus fans travailler, en quoi il paroît faire plus d'attention au relâcpement des moines de fon temps qu'à la regle de faint Benoît. Il prétend que Jefus-Christ a mandié son pain quand il a dit a Zachée : Defcendez promptement je dois Luc xix loger aujourd'hui chez vous. Il apporte l'exemple de faint Alexis, dont l'histoire n'eft d'aucune autorité ; & des pelerinages en demandant l'aumône que l'on impofoit pour penitence, fuivant la nouvelle discipline & contre l'efprit de l'ancienne. Il dit que la mandicité n'infpire la flaterie & la baffeffe fervile qu'à ceux qui demandent par cupidité & pour s'enrichir, non à ceux qui fe contentent du neceffaire que loin de nuire aux autres pauvres, ils leur procurent par leurs exhortations & leurs confeils des aumônes abondantes. Il met grande difference entre la mandicité forcée & la volontaire, & prétend que celle-ci n'expofe pas aux mêmes perils que l'autre. Les mandians valides condamnez par Hhhh ij

les loix ne font d'aucune utilité au public; mais AN. 1257. l'aumône donnée aux religieux qui prêchent, eft plûtoft une recompenfe dûe à leur travail, qu'une liberalité. Et les prélats ne font point de tort aux peuples en leur envoïant ces prédicateurs extraordinaires, puifque s'il en coûte plus au peuple, il en reçoit auffi plus d'utilité fpirituelle. Le plus mauvais effet de cette dispute eft d'avoir rendu odieux aux religieux le travail des mains, & leur avoir fait croire que la mandicité est plus honorable.

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Saint Thomas répond enfuite aux reproches malins que l'on faifoit aux religieux mandians : sur la pauvreté de leurs habits, fur les affaires dont ils fe mêloient par charité, leurs frequens voyages pour procurer le falut des ames, leurs études pour 13. 14. prêcher plus utilement. On leur reprochoit encore des actions de foi indifferentes, que l'on interpretoit en mal. De fe faire valoir eux & leur inftitut & prendre des lettres de recommandation : de résister à leurs adverfaires, les poursuivre en justice & les faire punir : de vouloir plaire aux hommes, se réjouir des grandes chofes que Dieu faifoit par eux, & de frequenter les cours des rois 20. 21. c. & les maifons des grands. De plus leurs ennemis s'efforçoient de décrier leurs personnes en diverses manieres; & avoient pour but de les détruire abfolument. Ils relevoient & exageroient leurs défauts ils les accufoient de chercher la faveur du monde & leur propre gloire : ils les traitoient de faux apôtres & de faux prophetes : ils leur imputoient les maux que l'églife fouffre dans toute la

Tuite des temps, difant qu'ils font les loups, les voleurs & ceux qui s'infinuent dans les maifons. Ils leur attribuoient auffi les maux que l'on craint pour les derniers temps de l'églife, voulant perfuader que ces temps font proches & que ces religieux font les envoïez de l'Antechrist : enfin ils s'efforçoient de rendre fufpectes leurs prieres, leurs jeûnes & les autres œuvres manifeftement bonnes. Saint Thomas montre l'injustice de tous ces reproches, & finit ainfi cet ouvrage beaucoup plus folide & mieux fuivi que celui de Guillaume de SaintAmour.

Nous avons plufieurs traitez de faint Bonaventure fur ce fujet, dans lesquels il emploïe les mêmes preuves que faint Thomas, infiftant comme lui fur la puiffance du pape, & foûtenant que de lui eft émanée toute autorité ecclefiaftique. Toutefois nous voïons par fon propre témoignage, que le relâchement étoit dés-lors confiderable chez les freres Mineurs. Car nous avons une lettre de lui en qualité de general de l'ordre adreffée à tous les provinciaux & tous les cuftodes, où il dit : Cherchant les caufes de ce que la fplendeur de nôtre ordre s'obscurcit, je trouve une multitude d'affaires pour lesquelles on demande avec avidité de l'argent, & on le reçoit fans précaution, quoique ce foit le plus grand ennemi de nôtre pauvreté. Je trouve l'oisiveté de quelques-uns de nos freres, qui s'endorment dans un état monftrueux entre la contemplation & l'action. Je trouve la vie vagabonde de plufieurs, qui pour donner du foulagement à leurs corps font à charge à leurs hôtes, & fcandalifent au lieu d'édi Hhhh iij,

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