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AN.1234.

de la charité qui préfere l'utilité commune à l'interêt
particulier : ils attendroient jufques à la fin de Mars,
le priant de faire le plus de diligence qu'il pourroit.
A la fin de Mars le patriarche leur manda : "J'ai reçû
vôtre lettre, qui m'a sensiblement affligé. Je fuis feul
à Nicée, & ne puis rien vous répondre de décifif, par-
ce que
le traité d'union & l'examen de la foi eft une
affaire generale. Si vous vous retirez, nous croirons
que vous n'êtes pas venus pour faire la paix,mais feu-
lement pour nous fonder.

Le patriarche écrivit auffi à deux freres Mineurs, qui étoient alors à CP. savoir,Benoist d'Arezzo miniftre de Romanie, & Jacques de Roffane miffionnaire de Georgie, les priant de perfuader aux nonces ce qu'il defiroit : & promettant que s'ils venoient au concile, ils retourneroient à Rome avec une grande joye. Les nonces reçûrent auffi une lettre de l'empereur Vatace qui les prioit de le venir trouver à Lefcare fans y manquer: parce qu'il leur avoit préparé un vaiffeau, avec tout ce qui étoit neceffaire pour leur paffage & celui des ambassadeurs qu'il vouloit envoïer au pape.

Cependant les Latins de CP. étoient prefque deftituez de tout secours. L'empereur Jean de Brienne étoit pauvre : tous les chevaliers qu'il avoit à fa folde s'étoient retirez : les vaiffeaux des Venitiens, des Pifans, de ceux d'Ancone & des autres nations étoient prêts à partir, quelques-uns même deja partis. Les Latins étoient environnez d'ennemis de tous côtez: c'est pourquoi les nonces refolurent de retourner chez Vatace, & de negocier une tréve d'un an entre lui & Jean de Brienne. Mais pour ne pas prendre de leur

feule autorité une telle réfolution, ils confulterent le chapitre de fainte Sophie, les prélats du païs & l'empereur Jean de Brienne lui-même, qui tous leur conTeillerent de retourner.

Ils partirent donc le troifiéme dimanche de Carême, qui cette année 1234. étoit le dernier dimanche du mois de Mars; & aïant paffé la mer ils arriverent le lundi à un lieu nommé Chalongore, d'où ils enxoïerent par differens couriers deux copies de la même lettre au patriarche Germain à Nicée, le priant de fe rendre au plûtôt à Lescare, où il les trouveroit prêts. Ils écrivirent auffi à l'empereur Vatace, pour lui faire favoir leur venuë; & arriverent à Lefcare le lundi de la quatrième semaine de Carême,troisiéme jour d'Avril.Le jeudi ils reçûrent une lettre de l'empereur qui les prioit de venir à Nymphée, où il les attendroit; ils attendirent des nouvelles du Patriarche & en aïane reçû ils fe rendirent à Nymphée, où il arriva le jeudi de la Paffion. Le vendredi quatorziéme d'Avril ils l'allerent trouver, le priant de les expedier au plûtôt. Il répondit: Je fuis prêt, & voilà les prélats affemblez qui demandent auffi d'être expediez, afin de pouvoir être dans leurs églifes à ces jours folemnels. Les nonces comptant fur la parole du patriarche retournerent joïeux à leur logis.

fes

Le lundi de la femaine fainte voïant qu'on ne les mandoit point, ils envoïerent deux d'entre eux au patriarche en demander la raison. Il répondit que prélats n'étoient pas encore affemblez. Les nonces voïant qu'il cherchoit à traîner l'affaire en longueur le preffoient plus vivement de les expedier. Sur quoi il répondit en colere: Je vous admire, nous avons

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XXXVI. Concile de Nymphéc.

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trente articles à propofer contre vous, & vous voulez être expediez en un moment. Puis il ajoûta: Que vos freres viennent s'ils veulent, & on difputera. Les nonces raporterent le tout à l'empereur, croïant qu'il obligeroit les prélats Grecs à tenir leur parole; mais il commença à les excufer de n'être pas assemblez, difant que quelques-uns venoient de loin, & que le patriarche d'Antioche n'étoit pas encore arrivé. Deplus, ajoûta-t-il, nous fommes dans un tems de devotion & de penitence; & vous ne devez pas vous étonner s'ils ont repugnance d'affifter ces jours-ci à une difpute. Je vous prie d'attendre jufques après la fête; les prélats & les patriarches s'affembleront cependant, & ils vous répondront le lundi de Pâques. Les nonces lui accorderent ce délai.

Le vingt-quatrième d'Avril qui étoit le lundi de Pâques, les prélats s'affemblerent après le dîné au logis du patriarche; on envoïa querir les nonces, & il leur dit: Nous avons eu une conference à Nicée fur le S. Efprit, mais alors j'étois feul ; les prélats qui font maintenant presens, feroient bien-aises d'entendre comment fut traitée cette queftion. Les nonces virent par ce difcours qu'il vouloit éviter la queftion des azymes & les ramener à celle du faint Efprit. C'eft pourquoi ils commencerent à expofer le sujet de leur voïage, la conference faite à Nicée, la promesse du patriarche de leur envoïer vers la mi-Mars fa réponse fur le Sacrement de l'autel; & combien de fois il avoit changé les conditions dont il étoit convenu avec eux. Puis ils ajoûterent: Nous avons bien voulu neanmoins paroître devant vous, fans y être obligez par aucune promeffe de nôtre part, ni par l'ordre de nos

l'amour de

fuperieurs, mais de bonne volonté & par
la paix & de l'union, fondez sur la promesse du pa-
triarche qu'il nous renvoïeroit contens à celui qui
nous a envoïez. C'eft l'efperance d'un fi grand bien &
la charité fraternelle qui nous ont fait mépriser les pe-
rils de la mer, la fatigue & l'ennui d'un long voïage,
avec la perte du tems, pour vous fatisfaire. Nous fom-
mes donc venus pour entendre vôtre réponse.

Sur quelle question, dirent les Grecs? Sur la quef-
tion, reprirent les nonces, fur laquelle le patriarche
a promis de vous confulter. Les Grecs répondirent:
Nous n'y étions pas, nous n'avons pas oüi cette quef-
tion. Les nonces dirent: La voici, nous vous la pro-
pofons encore: Si nous pouvons confacrer le corps
de J. C. avec du pain azyme ou non. Les Grecs répon-
dirent: Il y avoit deux queftions entre-nous, fur la
Proceffion du S. efprit & fur le corps de N. S. Il faut
donc premierement traiter devant tout le concile la
queftion du S. Efprit, qui eft la premiere. Les non-
ces repliquerent: Vous avez répondu à cette quef-
tion ; & nous favons fort bien ce qui s'eft paffé fur
ce sujet, mais nous n'avons point encore eu de ré-
ponse touchant le corps de J. C. c'eft pourquoi nous
la demandons maintenant au concile. Les Grecs ne
cherchant qu'à fuir, répondirent: Ce feroit confon-
dre l'ordre de la theologie de ne pas commencer
la matiere la plus relevée. Ils repeterent plufieurs fois
cette raison, que les nonces rejetterent; & après qu'on
en eût difputé quelque tems, le patriarche dit : Puif-
que vous nous y contraignez, nous écrirons nôtre
réponse à l'une & à l'autre question & nous vous la
donnerons. Les nonces voïant qu'ils ne cherchoient

par

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24. April.

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24. Avril.

a

qu'à éluder, répondirent : Nous ne nous foucions pas de vôtre écrit, répondez de vive voix puisque nous fommes presens, l'écriture eft pour les abfens. Le patriarche reprit : Si vous voulez rapporter devant le concile la fuite de toute la conference de Nicée, nous répondrons auffi à vôtre question. Les nonces dirent Vous nous répondrez à la question des azymes, & quand vous nous aurez fatisfaits fur ce point, nous vous rapporterons la fuite de la difpute fur le S. Efprit. Le patriarche fe leva & fe retira à part avec les autres prélats pour tenir confeil; puis étant revenus, ils dirent: Nous demandons du tems jufques à mercredi, & alors nous vous répondrons, comme nous avons promis. Les nonces craignant d'être encore trompez repeterent les conditions qu'ils avoient propofées; & ainsi on se separa.

I. VI. conc. p. main, où il trouvoit que le

326. A.

ap. Rain.

1253. n. 10,

Le mercredi vingt-fixiéme d'Avril lés nonces vinrint dès le matin chez le patriarche où le concile étoit affemblé; & l'archevêque de Samastro ou Amaftris en Paphlagonie leur propofa une difficulté qu'il difoit avoir fur la lettre du pape au patriarche Gerpape parloit de l'euchariftie des Grecs & de celle des Latins comme de deux facremens. Les nonces voïant l'artifice des Grecs, pour éluder la question des azymes & détourner la difpute ailleurs, dirent: C'est au pape à expliquer fa lettre, & vous pouvez lui en écrire. Les Grecs infifterent; cette vaine conteftation dura jufques à midi; & les nonces ennuiez & indignez de leur mauvais procedé, leur dirent: Nous voïons bien que vous ne cherchez qu'à gagner du temps, & que vous évitez de répondre à nôtre question, n'ofant declarer vôtre

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