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Matth.xxvi.26.

AN.1234. voulons savoir si c'est par ignorance ou par malice 29. Avril. que vous avancez celle-ci. Et comme nous n'avons point de juges, confultons les livres, l'ancien & le nouveau testament & les peres. On chercha des livres, mais entre tous les affiftans on ne trouva pas un feul exemplaire de l'écriture fainte, de quoi les nonces furent furpris. Ils demanderent aux Grecs pourquoi ils difoient que N. S. avoit fait fon corps avec du pain levé. Ils répondirent: Parce que nous trouvons dans l'évangile qu'il prit du pain arton; or ários fignifie du pain parfait, du pain levé. Les nonces leur demanderent fi artos fignifioit toûjours du pain levé. Les Grecs répondirent, qu'il le fignifie toûjours quand il est seul, mais qu'on y joint quelquefois le mot d'azyme, comme on joint mort au nom d'homme quand on dit un homme mort. Les nonces infifterent: Artos mis feul fignifie-t-il toûjours du pain levé? Non, reprirent les Grecs, ce n'eft que quand il eft pris proprement. Car quelquefois on le prend improprement pour l'azime. Donc,dirent les nonces ártos fignific du pain en general, & l'évangile fait auLevit. v11. 12. tant pour nous que pour vous. Nous trouvons dans le Levitique où il s'agit du facrifice pacifique, ártos dans le texte grec appliqué au pain fans levain & au pain levé, donc ce mot eft generique & convient indifferemment aux deux efpeces; & par confequent vôtre diftinction du fens propre & impropre eft nulle.

73.

Matik.xxv1.19.

Mais nous prouvons au contraire par l'évangile que N. S. fit fon corps avec du pain fans levain. Car il eft dit dans S. Matthieu que le premier jour des azymes les disciples vinrent lui demander où il vouloit qu'ils lui preparaffent la Pâque. Or, dites-nous quel

81. in Matth.

Ex XII.'S.

chryf.ibid.kom. 0.20. Epipho 30 n.22.6

ad v.

her

hares. 42. refus.

étoit ce premier jour des azymes ? Les Grecs répon- AN. 123 4. dirent fuivant l'explication de S. Chryfoftome : C'é- 29. Avril. toit le premier jour avant les azymes. Les nonces dirent: S. Chryfoftome dit en cet endroit : Les difci-Chryfoft bom. ples vinrent trouver Jesus le jour de devant les azy- init. mes, au foir duquel on immoloit la Pâque. Donc ce foir-là c'étoit déjale tems de la Pâque & des azymes; pendant lequel il étoit défendu aux Juifs d'avoir chez eux ni levain, ni pain levé, comme on lit dans l'Exode. J. C. fit donc fa Pâque avec du pain fans levain; car il observa la loi jusques à la fin de fa vie, comme disent S. Chryfoftome & S. Epiphane. Il fit donc fon corps en azyme. Or vous prétendez qu'on ne peut le faire qu'avec le même pain dont il l'a fait; d'où il s'enfuivroit que vous ne pourrez le faire avec du pain levé, ce que toutefois nous ne difons pas. Mais comme les nonces n'avoient pas les livres en main, les Grecs ne voulurent pas convenir de ces autoritez des Jo. XVIII. 13, peres; & leur objecterent l'évangile de S. Jean, qui dit, que les Juifs n'entrerent point dans le pretoire: afin de n'être point fouillez & de pouvoir manger la pâque. Les nonces répondirent: Il ne faut pas croire que S. Jean ait dit le contraire des autres évangeliftes; il a nommé pâque les viandes pafchales, comme nous lifons qu'elles font nommées dans l'ancien teftament; & les Juifs parloient ainsi le quinziéme de

la lune.

Comme la nuit étoit bien avancée, l'empereur confentit que l'on terminât la conference. Il n'y en eut point le dimanche trentiéme d'Avril ni les trois jours fuivans lundi, mardi & mercredi ; & les nonces ne fachant ce que les Grecs attendoient,envoïerent à l'em

1,

AN. 1234.

pereur pour obtenir la permiffion de fe retirer. Mais il envoïa les fonder fi on ne pouvoit point trouver quelque accommodement pour faire la paix entre l'église Romaine & la Grecque. Ils dirent à fon envoïé : Quand nous ferons devant l'empereur nous favons ce que nous devons lui répondre. Il les fit donc venir au palais le lendemain ; & leur dit : Quand les rois ou les princes ont quelque differend fur une place ou fur une province, c'est l'ufage que chacun relâche quelque chofe de fes prétentions, pour parvenir à la paix. C'eft ainfi, ce me femble, qu'il en faut user entre vôtre église & la nôtre. Il y a deux questions, de la proceffion du S. Efprit & de l'euchariftie; fi vous voulez la paix, relâchez-vous fur l'une des deux. Nous approuverons & revererons vôtre faint Sacrement, abandonnez - nous vôtre symbole; dites - le comme nous, en retranchant vôtre addition puifqu'elle nous fcandalife. Ils répondirent: Sachez que le pape & l'église Romaine ne retranchera pas un ïota de fa foi, & de ce que nous difons dans nôtre fymbole. Et comment donc, reprit l'empereur, pourronsnous faire la paix ? Les nonces repondirent: Si vous en voulez favoir la maniere, la voici: Vous devez croire fermement & enfeigner aux autres qu'on peut confacrer le corps de N. S. avec des azymes comme avec du pain levé; & condamner & brûler tous les livres que les vôtres ont écrit au contraire. Quant au faint Elprit, vous devez croire qu'il procede du Fils comme du Pere, & il est necessaire de l'enseigner au peuple; mais le pape ne vous obligera pas à le chanter å vôtre fymbole fi vous ne voulez ; feulement tous les livres écrits au contraire feront condamnez & brû

lez. L'empereur fut extrêmement choqué de cette réponse & dit : Je ne voi point de moïen de paix ; il asfembla donc les prélats, & leur raporta ce que les nonces lui avoient dit. Les Grecs en furent indignez contre les nonces, & chercherent à les confondre par quelque artifice.

AN.1234.

21. to. XI. cone

Le mercredi de la troifiéme semaine d'après Pâques, 10. May. qui étoit le dixiéme de Mai, les nonces furent avertis Yading. 1233.7. de fe trouver le lendemain au concile, pour en voir la p. 464. C. conclufion, & fe feparer amiablement les uns des autres. Ils trouverent que la féance étoit chez le patriarche dans une grande falle remplie d'une foule de peuple à portes ouvertes. Quand ils furent affis le patriarche dit: Tant que nous avons efperé la paix nous vous avons témoigné toute forte d'affection; maintenant frustrez de nôtre efperance, écoutez-nous paisiblement, & cette feule journée consommera l'affaire. Puis il ajoûta: Vous nous avez donné par écrit la créance de l'église Romaine, nous l'avons vûë & nous voulons la publier dans nos provinces. Mais parce qu'elle nous eft inconnue, nous voulons que tout le monde l'entende; en êtes-vous contens? Les nonces répondirent: Nous en fommes contens, & nous fouhaitons que vous & toute l'églife Orientale connoiffe & fuive la foi de l'église Romaine.

Alors un Grec fe leva au milieu du concile, tenant un grand papier, où il lut la profeffion de foi des nonces; mais avec quelque alteration, qu'ils releverent. Car il y avoit des expreffions que les Grecs n'avoient pas entendues. Après cette lecture, les Grecs citerent quelques paffages des peres en faveur de leur opinion; premierement du pape S. Damale, qui dit :

AN. 1234. Quiconque ne croit pas que le S. Efprit procede proprement du Pere, qu'il foit anathême. Les nonces repeterent cet anathême, & ajoûterent: Nous croïons auffi fuivant S. Cyrille, que le S. Efprit procede proprement du Fils, & nous difons anathême à qui ne le croit pas. Les Grecs avancerent encore cette propo fition tirée de S. Bafile, que le S. Efprit procede du Pere & non d'ailleurs; ce que les nonces admirent volontiers, puifqu'il ne procede pas d'une autre fubftance. Les Grecs citerent plufieurs autres paffages des peres, mais ceux-ci paroiffoient les plus contraires aux Latins. Voïant donc qu'ils n'avoient rien avancé, le patriarche imposa le silence de la main & de la voix, car le peuple faifoit grand bruit. Les nonces crurent que le dessein du prélat étoit de se servir de ce filence pour émouvoir le peuple contre eux. C'est pourquoi ils le prévinrent, & voïant le peuple fort attentif, ils dirent : Croïez-vous que le S. Efprit procede du Fils, ou non? Le patriarche répondit : Nous croïons qu'il ne procede point du Fils. Mais, reprirent les nonces, S. Cyrille qui préfida au troifiéme concile a anathematisé tous ceux qui ne le croïent pas. De plus vous dites qu'on ne peut confacrer le corps de J. C. avec des azimes; mais c'eft une herefie. Vous trouvant donc heretiques & excommuniez, nous vous laiffons comme tels. Aïant ainfi parlé, ils fortirent du concile, les Grecs criant après eux : C'est vous-mêmes qui êtes heretiques.

Les nonces convinrent entre-eux de ne point manger ce jour-là qu'ils n'euffent obtenu de l'empereur la permiffion de fe retirer. Ils l'obtinrent; mais l'empereur leur montra un vifage trifte, comme étant af

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