Images de page
PDF
ePub

Getaf.cp.8.
Hift. liv. xxx.

3.31.

Hft.liv. LXVII.

7.26.

Geofr. opus. 4. Polisrat, lib. v. 6.3.

n.35.

dant fept ou huit fiecles au moins, on les a prifes à la lettre fans y chercher aucune interpretation myfterieufe. Vous avés vû comme tous les anciens, entre-autres le pape S. Gelafe, diftinguent nettement les deux puiffances, & ce qui eft plus fort, vous avés vû que dans la pratique ils fuivoient cette doctrine, & que les évêques & les papes mêmes étoient parfaitement foûmis, quant au temporel, aux rois & aux empereurs, même païens ou heretiques.

Le premier auteur où je trouve l'allegorie des deux glaives eft Geofroi de Vendôme au commencement du douziéme fiecle. Jean de Sarifberi l'a pouffée jufques à dire, que le prince aïant reçû le glaive de la main de l'églife, elle a droit de le lui ôter; & comme d'ailleurs il enfeigne Hift. liv. LXX. qu'il eft non feulement permis mais loüable de tuer les tyrans, on voit aifément jufques où vont les confequences de fa doctrine. La plupart des docteurs du même fiecle ont infifté fur l'allegorie des deux glaives;. & ce qui eft plus furprenant, les princes mêmes & ceux qui les défendoient contre les papes, ne la rejettoient pas : ils fe contentoient d'en reftraindre les confequences. C'étoit l'effet de l'ignorance craffe des laiques, qui les rendoit efclaves des clercs pour tout ce qui regardoit les lettres & la doctrine. Or ces clercs avoient tous étudié aux mêmes écoHiß. liv. 1x111. les & puifé la même doctrine dans les mêmes livres. Auffi avés vous vû que les défenfeurs de l'empereur Henri IV. contre le pape Gregoire VII. fe retranchoient à dire qu'il ne pouvoit être excommunié ; convenant que s'il l'eût été il devoit perdre l'empire. Frideric II. fe foûmetLiv. LXXXI. 21. toit au jugement du concile univerfel; & convenoit que s'il étoit convaincu des crimes qu'on lui imputoit, particulierement d'herefie, il meritoit d'être dépofé. Le confeil de S. Louis n'en favoit pas davantage & abandonoit Frideric au cas qu'il fût coupable: & voilà jufques où vont les effets des mauvaises études.

7.10.

LXXXII. . 34.

2.Tim. 11. 4.

XIII. Tradition.

Car un mauvais principe étant une fois pofé, attire une infinité de mauvaises confequences quand on le veut réduire en pratique: comme cette maxime de la puiffance de l'églife fur le temporel. Depuis qu'elle a été reçûë vous avés vû changer la face exterieure de l'églife: les évêques ne fe font plus occupés de la priere & de la converfion des pecheurs: mais de negocier entre les princes des traités de paix ou d'alliance,de les exciter à la guerre contre les ennemis de l'églife, ou même les y contraindre par les cenfures ecclefiaftiques & fouvent par les armes. Et comme l'argent eft le nerf de la guerre, il a fallu, pour fubvenir à ces pieufes entreprises, faire des impofitions fur le clergé & fur le peuple: foit en donant des indulgences foit en menaçant des cenfures. Ainfi joignant ces affaires generales à celles que donoient à chaque prelat fes feigneuries, ils fe font trouvés accablés d'affaires feculieres contre la défenfe de l'apôtre : & ont crû fervir plus utilement l'églife, que s'ils rempliffoient leurs devoirs effentiels.

Revenons à l'étude de la théologie. Outre l'écriture elle s'appuïe fur la tradition: mais pour fonder un article de foi la tradition doit être perpetuelle & univerfelle: reçûe de tout tems & atteftée par le confentement de toutes les églifes, lorfque la queftion a été examinée & ap

profondie

profondie. Tels font les dogmes contenus dans les fymboles & les autres décifions des conciles generaux, ou dans les écrits autentiques de la plupart des docteurs depuis la naiffance de l'églife. Il faut donc rejetter toutes les prétenduës traditions fondées fur des pieces fauffes, ou fur des opinions particulieres ou nouvelles ; & on appelle nouveau en cette matiere tout ce dont on connoît le commencement depuis les apôtres. Car, comme dit Tertullien, il ne nous eft pas permis d'inventer ni mê- Praferipr.c.6.8° me de rien chercher après l'évangile. On ne peut donc appuier aucun Hist.liv. v.n. 20 raifonnement theologique fur des pieces faufles comme les décretales d'Ifidore: on ne peut en appuier fur l'opinion particuliere d'aucun docteur quelque venerable qu'il foit d'ailleurs, comme celle des Millenaires

avancée par quelques anciens. Enfin il fuffit qu'on fache le commence- Hift. liv. 111. ment d'une opinion pour être affûré qu'elle ne fera jamais déclarée être 15.liv.v11 n.51. de foi, quoi qu'en puiffent dire ceux qui s'échauffent le plus à la foûtenir: puifqu'il eft de foi que l'église ne croira jamais que ce qu'elle a toûjours crû, quoi qu'elle puiffe l'expliquer plus clairement quand elle le juge neceffaire. On a beau raifonner pour montrer que la chofe a dû être ainfi, & que ce que l'on avance eft plus digne de la fageffe ou de la bonté de Dieu : il faut prouver qu'il l'a voulu & qu'il nous l'a revelé: il faut prouver, non pas que l'églife a dû le croire, mais qu'elle l'a crû en effet.

La tradition commence par l'inftruction de víve voix, mais pour la perpetuer le fecours de l'écriture eft très-utile. Auffi Dieu a-t-il pourvû

17.

fur ce point à fon églife. La longue vie de S. Jean l'Evangeliste & de S. Hift. liv. 1v m. Polycarpe fon difciple, firent paffer la tradition jufques à S. Irenée qui la confervoit fi foigneufement dans fa mémoire, & qui vivoit à la fin

du fecond fiecle. Il nous en a beaucoup laiffé dans fes écrits, auffi-bien 1. Strom .274: que S. Clement Alexandrin inftruit comme lui par ceux qui avoient vû Hift. liv Iv... les apôtres; & c'est ce qui rend fi précieux les écrits de ces peres & des 35. autres des deux premiers fiecles. La même providence nous a donné d'âge en âge d'autres faints docteurs fideles dépofitaires de la tradition, qu'ils ont eu foinde tranfmettre à leurs fucceffeurs; & de-là nous viennent tant d'écrits des peres des fix premiers ficcles. Mais ces trefors font inutiles à caux qui ne les connoiffent pas ou qui les negligent.

Or c'étoit le malheur des docteurs du treiziéme & du quatorziéme fiécle, de ne connoître que peu d'ouvrages des peres, principalement des plus anciens, & de manquer des fecours neceffaires pour les bien en-. tendre. Ce n'eft pas que les livres fuffent perdus, ils exiftoient puifque nous les avons encore: mais les exemplaires en étoient rares & cachés dans les bibliotheques des anciens monafteres, où on en faifoit peu d'ufage. C'eft où le roi S. Louis les fit chercher pour les tranfcrire & les Hift. l. LXXXIV. multiplier au grand avantage des études; & delà vint le grand ouvrage n. 4. 5. de Vincent de Beauvais, où nous voions les extraits de tant d'anciens auteurs même profanes. Dès le fiecle précedent nous en voïons un grand nombre de cités dans les écrits de Jean de Sarisberi : mais c'étoit la curiofité de quelques particuliers. Le commun des étudians & même des docteurs fe bornoit à peu de livres, & principalement à ceux des auteurs modernes, qu'ils entendoient mieux que les anciens,

Tome XVIL

XIV.

Reputation des fcolastiques.

Il faut fe fouvenir que ceux qui étudioient le plus alors étoient les religieuxMandians. Or la rigoureufe pauvreté dont ils faifoient profeffion ne leur permettoit guere d'acheter des livres qui étoient très-chers; & leur vie active & toûjours ambulante ne leur donoit pas le tems de les tranfcrire eux-mêmes, comme faifoient les moines rentés & fedentaires, qui pendant plufieurs fiécles en firent leur principale occupation. Delà vint fans doute que les nouveaux theologiens donerent fi fort dans le raifonnement, les queftions curieuses & les fubtilités, qui ne demandent que de l'efprit fans lecture & fans examen des faits.

Mais ils ne confideroient pas que cette maniere d'étudier alteroit infenfiblement la tradition de la difcipline. Par exemple voulant raifoner fur les facremens fans la conoiffance exacte des faits, ils ont fuppofé qu'on les avoit toûjours adminiftrés comme on faifoit de leurs tems, & ont pris quelquefois pour effentielles des ceremonies acceffoires: comme l'onction, & la tradition du calice à la prêtrife, au lieu qu'en ce facrement l'effentiel eft l'impofition des mains. C'eft par le même principe qu'on a voulu affujettir les Grecs à pafler par les quatre ordres Mineurs avant que d'arriver au foûdiaconat; & que l'on a crû neceffaire d'avoir des ornemens & des autels portatifs, même dans les plus grands voïages & les miffions les plus éloignées. Ce n'eft que l'ignorance de l'antiquité qui a fait regarder ces regles comme inviolables, tandis qu'on en negligeoit de plus importantes.

Je ne laiffe pas d'admirer que dans des tems fi malheureux & avec

fi
peu
de fecours les docteurs nous aient fi fidelement confervé le dé-
poft de la tradition, quant à la doctrine. Je leur donne volontiers la
louange qu'ils meritent; & remontant plus haut je benis, autant que
j'en fuis capable, celui qui fuivant fa promelle n'a jamais ceffé de foû
tenir fon églife. Je demande feulement qu'on fe contente de mettre
ces docteurs en leur rang, fans les élever au-deffus : qu'on ne préten-
de pas qu'ils ont atteint la perfection & qu'ils nous doivent fervir de
modeles: enfin qu'on ne les prefere pas aux peres des premiers ficcles.

Les titres magnifiques que l'on a donés à quelques-uns de ces docteurs, ont impofé aux ficcles fuivans; on a dit Albert le Grand, comme s'il étoit autant diftingué entre les theologiens, qu'Alexandre entre les guerriers. On a nommé Scot le docteur Subtil. On a doné à d'autres les épithetes d'Irrefragable, d'Illuminé, de Refolu, de Solemnel, d'Univerfel. Mais fans nous laiffer éblouir par ces grands titres, voïons s'ils ne montrent point le mauvais goût de ceux qui les ont donnés, plûtôt que le merite de ceux qui les portent:jugeons-en par leurs ouvrages, nous les avons entre les mains: pour moi j'avoue que je ne vois rien de grand dans ceux d'Albert que la groffeur & le nombre des volumes.

Souvenons-nous que ces theologiens vivoient dans un tems dont tous les autres monumens ne nous paroiffent point eftimables, du moins par raport à la bonne antiquité: du tems de ces vieux Romans dont nous Hift. de la poë- voions des extraits dans Fauchet: du tems de Joinville & de Villefit. Hardouin, dont les hiftoires quoi qu'utiles & plaifantes par leur naiveté nous paroiffent fi groffieres: du tems de ces bâtimens gothiques fi

chargés de petits ornemens & fi peu agréables en effet qu'aucun architecte ne voudroit les imiter. Or c'eft une obfervation veritable qu'il regne en chaque fiécle un certain goût qui fe répand fur toutes fortes d'ouvrages. Tout ce qui nous refte de l'anciene Grece eft folide, agréable & d'un goût exquis: les reftes de leurs bâtimens, les ftatuës, les medailles, font du même caractere en leur genre que les écrits d'Homere, de Sophocle, de Demofthene & de Platon: par tout regne le bon fens & l'imitation de la plus belle nature. On ne voit rien de femblable dans tout ce qui nous refte depuis la chûte de l'empire Romain jusques au milieu du quinziéme fiécle, où les fciences & les beaux arts ont commencé à fe relever, & où fe font diffipées les ténebres que les peuples du Nort avoient répandues dans toute l'Europe.

Par là fe détruit un préjugé aflès ordinaire, que les fciences vont toûjours fe perfectionant, qu'il eft facile d'ajoûter aux inventions des autres, que des hommes plus médiocres qu'eux le peuvent faire ; & qu'un nain monté fur les épaules d'un geant, voit plus loin que le geant même. J'accorde ces propofitions generales, mais je nie qu'on puifle les appliquer à nôtre fujet. Pour ajoûter à la doctrine ou à la methode des anciens, il eût fallu la connoître parfaitement, & c'eft ce qui manquoit à nos docteurs, comme je viens de montrer: ainfi le nain demeurant à terre, fa vûë étoit très-bornée. D'ailleurs les fciences & les arts qui fe perfectionent de jour en jour font des inventions humaines : mais la vraïe religion eft l'ouvrage de Dieu, qui lui a doné d'abord fa perfection toute entiere. Les apôtres & leurs difciples ont fçû toute la doctrine du falut & la meilleure maniere de l'enfeigner.

XV. Methode des

2. 14. 15.

Mais n'eft-ilpas vrai que les fcolaftiques ont trouvé une methode plus commode & plus exacte pour enfeigner la theologie, & leur ftile n'eft-il pas plus folide & plus précis que celui de la plupart des anciens? Je fcolaftiques. l'ai fouvent oui dire, mais je ne puis en convenir; & on ne me perfuadera jamais que jufques au douziéme fiécle la methode ait manqué dans les écoles Chrétienes. Je crois l'avoir montré dans le fecond de ces difcours, où je vous prie de vouloir bien recourir. Il eft vrai que la plûpart des anciens n'ont pas entrepris de faire un corps entier de theologie, comme ont fait Hugues de S. Victor, Hildebert de Tours, Robert Pullus & tant d'autres à leur exemple. Mais ils n'ont pas laiffé de nous doner dans quelques-uns de leurs ouvrages le plan entier de la religion: comme S. Auguftin, qui dans fon Enchiridion montre tout ce que l'on doit croire, & la maniere de l'enfeigner dans le livre de la Doctrine Chrétiene. Nous voions encore l'abregé de la doctrine dans les expofitions du fymbole & les catechefes; & l'abregé de la morale dans quelques autres traités,comme dans le Pedagogue de S. Clement Alexandrin.

Que manque t-il donc aux anciens? Eft-ce de n'avoir pas doné chacun leur cours entier de theologie, recommençant toûjours à divifer & à définir les mêmes matieres & à traiter les mêmes queftions? J'avoue que les modernes l'ont fait, mais je ne conviens pas que la religion en ait été mieux enfeignée. L'effet le plus fenfible de cette methode eft d'avoir rempli le monde d'une infinité de volumes, partie imprimés,

tiques.

XVI.

partie encore manufcrits, qui demeurent en repos dans les grandes bibliotheques, parce qu'ils n'attirent les lecteurs, ni par l'utilité, ni par l'agrément: car qui lit aujourd'hui Alexandre de Halés, ou Albert le grand? On a peine à comprendre comment ces auteurs, dont plufieurs n'ont pas atteint un grand âge, ont trouvé le tems de tant écrire, & il eft à craindre qu'ils n'en priffent pas affès pour méditer.

que

S'ils vouloient comme il eft vrai-femblable fuivre la methode des geometres, il falloit commencer par des principes autant inconteftables font leurs définitions & leurs axiomes : c'eft-à-dire dans la matiere theologique, par des paffages formels de l'écriture ou des propofitions de lumiere naturelle. Or je viens de vous faire obferver, que nos fcolaftiques prenent fouvent l'écriture dans des fens figurés & détournés; & pofent pour principes des axiomes d'une mauvaise philofophie, ou des autorités de quelque auteur profane. Les confequences tirées de tels principes ne font point concluantes : on les peut nier fans bleffer la foi, ni la droite raifon, & de tels argumens n'ont que l'apparence du raifonement. Mais nous ne voïons encore que trop de gens qui s'en contentent: qui n'étudient que par mémoire, & croient raifoner quand ils repetent les argumens qu'ils ont apris par cœur, fans les avoir examinés au poids du bon fens. Delà vient qu'ils rejettent les meilleures raisons quand elles leur font nouvelles, & ne penfent que comme ils ont accoûtumé de penfer.

Si les fcolaftiques ont imité la methode des geometres ils ont encore Stile des fcolaf- mieux copié leur ftile fec & uniforme. Mais ils n'ont pas confideré que dans l'étude de la geometrie l'imagination eft foûtenue par les figures: au lieu qu'elle n'a point d'appui dans les matieres philofophiques, fur tout en morale: fi ce n'eft par des exemples & des peintures vives des paffions, des vices, ou des vertus. Ce ftile fec a encore un autre défaut : c'eft de ne point montrer les mœurs de celui qui enfeigne, un fcelerat peut parler ainfi de morale. Au refte je ne puis fouffrir qu'on veuille faire un merite aux fcolaftiques de ce ftile, comme s'il étoit plus folide & plus court. J'avoue que le ftile dogmatique doit être fimple, & qu'on n'y doit chercher que la clarté & la précifion fans aucun autre ornement: mais cette fimplicité ne laiffe pas d'avoir fa noblefle & fa grace; le bas, le plat & le pefant ne font jamais bons à rien. La fimplicité du ftile dogmatique n'empêche pas de parler purement la langue qu'on y emploie, au contraire mieux on la parle, micux on fe fait entendre; & rien n'eft moins propre à enfeigner, que l'affectation d'un langage fingulier, qui ajoûte à l'étude principale une étude préliminaire du langage. Je fai que chaque fcience & chaque art a fes termes propres inconnus au commun des hommes: mais ils ne doivent être emploïés que pour les chofes qui n'ont point de nom dans la langue populaire, parce que le peuple ne les conoît pas ou n'y fait pas d'attention. C'eft une marque de la groffiereté de nos peres d'avoir fait du blafon une fcience myfterieufe, qui ne confifte prefque qu'à doner des noms extraordinaires aux chofes les plus communes, & s'être fait un merite de dire gueules & finople, au lieu de rouge & de vert. J'en dis de même du jargon de

« PrécédentContinuer »