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se servit bien de la puissance que Dieu lui

avoit donnée.

Gelase Ier a excellemment marqué, et trèsdistinctement, la différence des deux puissances, et a très-bien établi la règle, pour empêcher que l'une n'entreprenne sur l'autre.

C'est dans la lettre qu'il écrivit à l'Empereur Anastase, où il parle en ces termes: Il y a lesdeux puissances, grand Empereur, par quelles le monde est principalement gouverné; celle des Pontifes et celle des Rois de la terre. Jésus-Christ considérant la fragilité humaine, et accommodant toutes choses par une excellente disposition au salut des chrétiens, a tellement séparé les devoirs de l'une et de l'autre des deux puissances, en distinguant leurs dignités par des actions qui leur sont propres, voulant pourvoir au salut de ceux qui sont à lui, par une humilité médicinale, et empêcher que l'orgueil humain n'y fasse encore obstacle, il a ordonné Empereurs chrétiens eussent besoin des Pontifes pour acquérir la vie éternelle; et que les Pontifes, dans le cours des choses temporelles, fussent soutenus par l'autorité des Empereurs, afin que les actions spirituelles fussent séparées des temporelles, et que par ce moyen, quiconque se seroit donné à Dieu,

que

les

ne fût point embarrassé des affaires séculières, et que réciproquement ceux à qui la Providence a donné le soin de ces sortes d'affaires, n'eussent pas l'intendance de ce qui touche la religion et le culte divin.

Je ne crois pas, Messeigneurs, qu'après un témoignage si formel, on puisse dire qu'on fasse le moindre tort au Saint-Siége, ni à toute l'Eglise, quand pour marquer les justes bornes de la puissance ecclésiastique, on dira que Dieu l'a resserrée dans les choses purement spirituelles, et qui regardent le salut des fidèles.

Ce n'est pas que ceux qui gouvernent les ames ne puissent et ne doivent même souvent prendre connoissance, au moins indirectement, des choses temporelles, parce que l'usage qu'on en fait peut conduire à Dieu, ou en éloigner. Les pasteurs doivent marquer les règles de conscience, et les fidèles doivent écouter leur voix. Mais par rapport au temporel, les pasteurs ne se peuvent servir que de l'instruction, du conseil, de l'avertissement, de correction fraternelle, de répréhension, de prédication.

Dieu leur a donné le pouvoir de la parole pour exhorter, et non pour commander. L'autorité absolue qu'ils ont reçue de Jésus-Christ,

ne regarde que l'administration des sacremens, la puissance de lier et de délier, de remettre et de retenir les péchés. C'est de ce pouvoir seulement dont ils sont ministres indépen dans de toute puissance humaine, et de l'usage duquel ils doivent, comme l'a dit saint Cyprien, rendre compte à Jésus-Christ.

Pélage I, écrivant à Childebert, Roi de France, auquel il envoyoit une profession de foi, parle en ces termes : Avec quel soin ne devons-nous pas prendre garde de déclarer aux Rois quelle est notre religion, et de leur rendre cet office et cette sainte déférence, pour éter tout Soupçon de scandale, nous à qui l'Ecriture-Sainte ordonne de leur obéir, et de nous assujétir à leur commandement!

Je vous supplie, Messeigneurs, de faire réflexion sur ce que saint Grégoire écrivit à 'Empereur Maurice, touchant un édit, par lequel ce prince défendoit de recevoir les gens de guerre à l'état monastique. Ce saint Pape croit cet édit contre les lois de Dieu; cependant, il ne laisse pas de le publier; mais en même-temas il en représente l'injustice à l'Empereur, et dit qu'il a satisfait à Dieu et au prince, en obéissant à l'Empereur, et en lui disant la vérité sur ce qui touche la religion.

Un si grand Pape obéit à l'Empereur, même

en une chose qu'il croyoit injuste. Il falloit qu'il eût une idée bien présente de l'obligation qu'il avoit de se soumettre aux puissances de la terre, et il étoit fort éloigné de la pensée de ceux qui s'efforcent de persuader aux ministres de Jésus-Christ qu'ils sont au-dessus de tous les princes de la terre dans les choses temporelles, et qu'ils peuvent disposer de leurs Etats.

Grégoire II et Grégoire III sont dans les mêmes sentimens ; mais nous en parlerons dans la réponse aux objections que nos adversaires font contre là doctrine que nous expliquons maintenant.

Les conciles ont parlé comme les Papes de l'autorité des Rois. Le quatrième concile de Tolède, tenu en 633 (je suis bien aise de rapporter celui-ci, pour montrer que cette doctrine est la doctrine d'Espagne, aussi bien que celle de France); ce concile, dis-je, Messeigneurs, parle en ces termes Enfin, notre sentiment est de tout ce que nous sommes d'évéques, pour la sûreté de nos Rois et pour l'affermissement de la nation des Goths... Et nous déclarons pour la troisième fois, que quiconque d'entre nous et de tous les peuples d'Espagne, pour quelque dessein ou affection que ce puisse être, violera le ser

ment de fidélité qu'il a prété pour le salut de la patrie et l'état de la nation Gothique, ou pour le soutien de la puissance royale, ou qui entreprendra de faire mourir le Roi, ou le priver de son royaume, ou qui par un orgueil tyrannique, usurpera la couronne, soit anathème devant le Saint-Esprit.

La même chose est rapportée dans les cinquième et sixième conciles de Tolède.

Vous voyez, Messeigneurs, que sous quelque couleur que ce soit, qualibet meditatione vel studio, il n'est pas permis à personne de toucher à la sacrée autorité des Rois. Cela marque que la royauté est indépendante de toute autre puissance que de celle de Dieu.

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Le concile de Meaux, tenu sous Serge II au tems de Charles-le-Chauve, en l'année 845, qui renouvelle les constitutions de plusieurs conciles précédens, a un canon conçu en ces termes : Quiconque aura la présomption de résister avec opiniâtreté à la puissance royale, qui ne vient que de Dieu, selon l'apótre, et quiconque s'opposera par une contumace et avec un esprit d'orgueil à son autorité, et refusera d'obéir, selon l'ordre de Dieu et de l'Eglise, et selon le droit civil, à ses justes et raisonnables commandemens, qu'il soit anathème.

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