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comme fes Satellites. Ainfi il eft déformais démontré que, fi d'une part les Anglois dépenfèrent des fommes confidérables pour acheter Jeanne d'Arc & pour foudoyer les Juges, de l'autre il fe trouva en France des hommes affez vils, affez fanatiques, pour con damner au dernier fupplice une fille vertueufe dont le crime unique fut d'avoir relevé le courage de fes com. patriotes & arrêté le cours des armes de nos ennemis.

Cet évènement, unique dans l'Hiftoire, les Orléannois le confacrent chaque année le 8 Mai par une fête qui eft bien attendriffante pour des cœurs François. Ce jour-là, dès le matin, le Corps de Ville ferend en cérémonie à la Cathédrale, où, après un Difcours en l'honneur de Jeanne d'Arc *, on chante une Mefle folem

* Ce Difcours a été, cette année-ci, prononcé par M. Vervoort, Chanoine Régulier de Sainte Geneviève & Prieur-Curé de Rofni. Des perfonnes de goût qui l'avoient entendu avec la plus grande fatisfaction, ont vivement follicité l'Orateur de faire imprimer fon Difcours; mais la modeftie de M. Vervoort s'eft conftamment refufée à ces follicitations.

nelle, fuivie d'une Proceffion géné rale qui paffe par-devant le monument de la Pucelle autrefois placé fur le Pont, & depuis quelques années dans la rue Royale. M'étant trouvé cette année ci, à cette fête, j'ai été curieux de voir le portrait de Jeanne d'Arc que l'on conferve dans une des falles de l'Hôtel-de-Ville, portrait dont M. de Marcenai a donné en 1769 une Gravure digne du burin favant & délicat de cet Artiste célèbre. Dans ce tableau, la figure de la Pucelle préfente tous les traits de modeftie & de douceur qui caractériserent conftamment fa conduite, & l'on n'y trouve ni cette groffe & vigoureufe fille bien découplée, telle que l'Hiftorien Anglois Thomas Carte nous l'a repréfentée, ni ces robuftes appas dont il a plû à un de nos Poëtes modernes de la gratifier. Au bas de tableau, on lit l'infcription fuivante tracée avec le pinceau & fur la toile même du tableau.

In Iconem Jana Vocauloria Viraginis Aurelia.

Virgo redit Gallo mutâ vel imagine fœlix

Quam Numen quondam patriæ non Ma

china mifit

Subfidio. Augurium, bone Rex Henrice,

faluta.

De Cœlis excita tuis Virgo altera votis Fortunet Regni aufpicium, lancemque retractet,

Utraque ut antiquum tua fœecla recu

dat in aurum.

C. V. C. PP. 1581.

Ce Portrait confervé à Orléans m'a donné la curiofité de revoir celui qui eft au Tréfor de S. Denis, & que j'avois toujours entendu donner pour un tableau ancien fait du temps de la Pucelle. Il paroît néanmoins plus récent que celui d'Orléans. On y a rapporté l'infcription que je viens de tranfcrire, & que j'ai aifément démêlée au travers des Lettres dont on l'a couverte pour la faire difparoître, je ne fçais dans quelle vue. Au refte, le fens de cette infcription n'eft pas facile à faifir. On y voit bien que ce Portrait de Jeanne d'Arc fut préfenté en 1581 à Henri III. Mais qu'est-ce que cette Virgo altera de cælis

excita dont parle l'auteur de l'infcription? A qui ce mot fait-il allufion? C'est ce que je n'entreprendrai point d'expliquer. Je me borne à obfèrver que l'Eftoille, fi attentif à raffembler toutes les Anecdotes, tous les Vers du temps, ne fait, dans fon Journal de Henri III, aucune mention de ce Portrait préfenté en 1581 & que le Portrait qui eft au Tréfor de SaintDenis paroît n'avoir jamais porté la date & les lettres C. V. C. PP. qui terminent l'infcription du Portrait d'Orléans.

J'ai l'honneur d'être, &c.

P. S. puifque je vous ai entretenu, Monfieur, de la Pucelle d'Orléans, je profiterai de cette occafion pour vous faire connoître une Pièce relative au fameux fiége d'Orléans par les Anglois, & qui eft auffi dans le cabinet de Saint-Martin des Champs. Je veux parler des Lettres Patentes données par Henri VI à Paris le 3 Mars 1428, accompagnées d'un Mandement des Tréforiers & Gouverneurs Généraux des finances du 17 Mars fuivant, &

vifées par Simon Morhier, Garde de la Prévôté de Paris, le Vendredi 18 du même mois. Par ces Lettres, le Roi ordonne » à tous les Officiers pre»nans gage de lui à cause de leurs of »fices, de lui prêter un quartier d'an de leurs gages pour les deniers qui en viendront employer à la con»duite & entretenement du fiége » d'Orléans & non ailleurs », fous peine contre les contrevenans d'être privés de leurs gages pour demi an. Le Préambule de ces Lettres mérite de trouver place ici. » Confidérant, dit » le Prince, la très grant & exceffive » finance que avoir convient nécef>> fairement pour la conduite & en» tretenement du fiége mis de par » Nous devant la ville d'Orléans » pour ycelle mettre en notre obéif» fance, lequel fiége a déja duré lon» guement & pourroit encore plus » durer fi pour icelui mener à conclu»fion n'étoit procédé puiffament » ainfi que le cas le requiert; attendu » mefmement que la dépenfe pour ce » néceffaire par chacun mois, monte à la fomme de quarante mil francs &

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