» plus, & que pour cefte caufe notre » très-chier & très-amé Oncle le Ré»gent le Roiaume de France, Duc » de Bedford a libéralement fait » bailler & délivrer en preft grant » fomme de fes finances, par l'avis » de notre dit Oncle & des Gens » de notre Grand'Confeil, avons or » donné, &c. >> Pygmalion. Scène Lyrique de M. JEANJACQUES ROUSSEAU, mise en Vers par M. Berquin. A Paris chez les Marchands de Nouveautés ; in-8° de 28 pages avec des Gravures. M. ROUSSEAU de Genèvea imaginé il y a quelques années une nouveauté fingulière: c'est une fcène lyrique de Pygmalion, deftinée à être déclamée ou plutôt récitée avec la fimplicité & la chaleur convenables à un fi beau fujet. Cette fcène doit néceffairement donner lieu à beaucoup de filences, d'exclamations, d'extafes; tous ces intervalles font remplis par d'excellens morceaux de Mufique qui ex priment les tranfports & l'ivreffe de I'Artiste pour fon propre ouvrage. Cette fcène a été exécutée à Lyon avec un grand fuccès; mais elle étoit en Profe, & il femble qu'il étoit naturel qu'un fujet fi Poëtique fût traité en Vers. C'est d'après cette idée que M. Berquin a entrepris de revêtir la Profe de M. Rouffeau des charmes de la verfification; il déclare qu'il efpère fe faire pardonner cette espèce. de témérité par l'attention fcrupuleufe avec laquelle il a employé le plus qu'il lui a été poffible les expreffions du célèbre Génevois. Dans le commencement de cette fcène, Pygmalion, au milieu de fon attelier, rêve dans l'attitude d'un homme inquiet & trifte; il va donner de temps en temps quelques coups de cifeau fur plufieurs de fes ébauches, & les regarde d'un air inquiet & découragé. O mon premier génie, s'écrie-t-il, ô mon talent, qu'êtes-vous devenus? Tout mon feu s'eft éteint. Pygmalion, ta gloire eft éclipfée; & vous, odieux, inftrumens, ne désho norez plus la main qui fit des Dieux! C'en eft fait, c'en eft fait, j'ai perdu mon génie Si jeune, hélas ! furvivre à mon talent! Mais quel est ce transport brûlant Dont mon ame eft encor saisie? Eh quoi! dans les langueurs d'un génie épuisé, Sent-on des paffions cette ivreffe orageuse, Cette inquiétude fougueuse, Tous ces feux dévorans dont je suis embrasé ? Sous la trifte épaiffeur d'un voile injurieux Plus trifte & non pas moins diftrait, Vers lui mon ame eft fans ceffe emportée; Que tu dois m'être cher, incomparable objet, O ma divine GALATHÉE ! Lorfqu'atteignant ma dernière saison, Mes efprits, fans vigueur, ne pourront rien produire, En te montrant, du moins je pourrai dire Voilà ce que j'ai fait ! Voilà PIGMALION! La Statue eft dans un pavillon que le Sculpteur n'ofe entr'ouvrir; enfuite il lève le voile en tremblant ; il la découvre enfin; il prend fon cifeau, héfite,&, au premier coup-d'œil qu'il donne, faifi d'épouvante, il le laiffe tomber en pouffant un grand cri... Il a cru fentir la chair palpitante qui repouffoit le cifeau. L'ivreffe de la paffion s'empare de toutes les facultés de fon ame; il invoque l'Amour. Et toi, qui par l'Amour signales ta puissance, Inféconde chaleur du plus bouillant transport Prens le tout, qu'elle vive, & je meurs fans regrets. Toi qui t'énorgueillis du noble & tendre hom mage Que nous aimons à te devoir, Qui ne fent rien, infulte à ton pouvoir: Bienfaifante Divinité, Voudrois-tu que ces traits fuffent la froide image D'une fantastique beauté? Il s'arrête quelques momens pour refpirer; enfin, il voit fa Statue fe mouvoir & defcendre les gradins. Il fe jette à genoux, lève les mains & les yeux au Ciel: Dieux immortels!.. Vénus!.. O Galathée! N'abandonnez jamais mes fens ! GALATHEE faisant quelques pas & touchant un marbre. |