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» Conftantinople, & y demeura afféz » long-temps fans pouvoir approcher » de la perfonne de l'Empereur. Il » s'entretenoit un jour dans fes pensées » fous la fenêtre d'un appartement » où étoit ce Prince, & il commença » à chanter ce Verfet d'un Pfaume: » qui venturus eft veniet, & non tardabit » celui qui doit venir viendra & ne tar» dera pas. Un des Gardes s'étant » avancé pour le chaffer, l'Empereur » qui prenoit plaifir à l'entendre, fit » un figne de la fenêtre pour qu'on » ne l'interrompît pas. Quand il eut » ceffé de chanter, ce Prince donna » ordre de le faire monter au Palais, » s'informa du fujet de fon voyage, » commanda qu'on lui expédiât un » Diplôme en bonne forme pour la » sûreté des biens de fon Monaftère.... » L'Abbé fatisfait ne fongea plus qu'à "fon retour; il alla le foir même au » port de Conftantinople pour » cher un Vaiffeau qui pût le conduire » à Ravenne ou du moins en Sicile ; » mais il n'en trouva aucun. Affligé de » ce contre-temps, la nuit étoit déja » close, qu'il fe promenoit encore fur

cher.

» le port, quand il vit tout-à-coup » trois hommes vêtus de noir qui lui » demandèrent le fujet du chagrin qui » parciffoit fur fon vifage. Il les en » inftruifit, & ils lui dirent que s'il » avoit le courage de faire tout ce » qu'ils lui prefcriroient, il feroit le » lendemain dans fon païs au milieų » de fes Moines. L'Abbé confentit. Ils

lui mirent en main une baguette, » & lui ordonnèrent de s'en fervir » pour tracer fur le fable la figure » d'un vaiffeau avec fes voiles, fes » rames, & d'y représenter auffi les » Mariniers; ce qu'il exécuta fidelle» ment. Ils lui enjoignirent enfuite de » fe coucher fur un matelas, du côté » de la fentine de ce vaiffeau, & ajou»tèrent que, s'il entendoit le bruit » des vents, les cris de gens en danger, » les éclats de la tempête & les mu » giffemens d'une mer en fureur, il >> ne devoit avoir aucune peur; mais » ils lui défendirent de prononcer une » feule parole, & même de faire le » figne de la Croix. Jean, s'étant couché comme il avoit été prefcrit, » commença à entendre un bruit hor

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»rible de vents déchaînés, de rames » brisées, de Matelots plus noirs que » du charbon, qui jettoient des cris » affreux, fans qu'on dife comment » il les put voir dans cette obfcurité ; » & il demeura dans la même pofi» tion, n'ofant prefque refpirer. Au » milieu de la nuit, il fe trouve fur »le toît de fon Monaftère, & appelle »fes Moines, pour qu'ils l'aident à » defcendre. On le prend pour un fpec» tre, & aucun d'eux n'ofe appro» cher; mais il les falue tous par leur » nom. Ils fe raffûrent peu à peu, le >> reconnoiffent lui apportent des » échelles, & marquent la plus grande »joie de le revoir. C'étoit l'heure de » Matines; il leur ordonne de fonner la » cloche, va au choeur avec eux, & fe >> retire enfuite dans fa chambre pour » prendre le repos dont ceux qui ont » été voiturés par le Diable, ont, dit» on, le plus grand befoin. Le lende» main l'Abbé fe rendit à Ravenne, » & préfenta le Diplôme à l'Exarque, » qui le reçut avec refpect; mais » quand il remarqua que la date de » cette pièce étoit du jour précédent,

»il le traita de fauffaire, parce qu'il » falloit alors au moins trois mois

pour

faire le voyage de Conftantinople. » Jean protesta que le Diplôme étoit » de l'Empereur, promit d'en faire » conftater la date, & dit que, du »furplus, il en rendroit compte à fon »Evêque. En effet, il alla trouver » Damien qui occupoit alors (en 682) » le fiége de Ravenne, lui dit tout ce » qui s'étoit paffé, & exécuta la pé» nitence que lui impofa le Prélat ».

Ces deux nouveaux Tomes de l'Hiftoire Générale d'Italie font très-intéreffans, & ceux qui les fuivront le feront encore davantage, fi l'auteur s'attache à ferrer un peu fa narration. Le Fin Matois ou Hiftoire du Grand Taquin, traduite de l'Espagnol de Quévédo, avec des Notes Hiftoriques & Politiques, néceffaires pour la parfaite intelligence de cet Auteur. Trois Par ties in-12 d'environ 200 pages chacune; prix 3 livres 12 fols au Palais Royal & fur le Quai de Gévres. DON François Quévédo de Villegas nâquit en 1570 d'une famille noble,

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à Villa-Nueva-del-Infantado * & non à Madrid, comme il eft dit dans le Moréri, dans le Dictionnaire Historique, de l'Abbé Ladvocat & dans plufieurs autres Dictionnaires. Il compofa un grand nombre d'ouvrages facrés, profanes, férieux, bouffons, les uns en Profe, les autres en Vers, qui tous eurent le plus grand fuccès dans fa Patrie, & lui procurèrent de la confidération, de la fortune & des honneurs. Il fut décoré de la Croix de l'Ordre de Saint-Jacques. Sur la fin de sa carrière, il eut à fouffrir l'exil & même. la prifon pour avoir déplu au ComteDuc d'Olivarez par des vers dans lef quels il cenfuroit fon Gouvernement. Ce ne fut qu'après la difgrace de ce Miniftre qu'il recouvra fa liberté. Il mourut dans le lieu de fa naiffance en 1647, âgé d'environ 77 ans.

Un des Ecrits les plus confidérables de Quévédo est l'Hiftoria y Vida del Grand-Tacano, ò del Bufcon, c'està-dire, l'Hiftoire & la Vie du Grand

*Infantado eft le nom d'une petite Contrée d'Espagne avec titre de Duché, ainsi appellée parce que plusieurs Infants l'ont poffédée.

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