Images de page
PDF
ePub

Les feuilles de marronier, épuisées successivement par l'alcohol et par l'eau de tout ce qu'elles contenaient de soluble dans ces deux agens, séchées et soumises ensuite à la distillation, ont fourni une vapeur ammoniacale si forte qu'on pouvait à peine la supporter, et un produit liquide qui était très-alcalin. Ce dernier saturé par l'acide muriatique précipitait la dissolution de sulfate de fer en bleu noirâtre ; ce qui prouve qu'il restait encore dans ces feuilles une certaine quantité de la combinaison de matière animale et de tannin que l'alcohol ni l'eau n'avaient pu dissoudre.

§. V. Tentatives pour imiter le composé végétal ci-dessus

1 décrit.

Quoique nous fussions bien convaincus par les propriétés que nous venons de rapporter, et par plusieurs autres expériences sur les feuilles du marronier, que la matière dont il s'agit est une véritable combinaison d'un principe animal et de tannin, cependant nous étions embarrassés pour expliquer sa dissolution dans l'eau cette combinaison ne l'étant en effet que très-peu par ellemême.

Soupçonnant que les acides qui se trouvent souvent dans les plantes, et le tannin lui-même quand il est en excès, pouvaient favoriser cette dissolution, nous crûmes devoir faire quelques essais pour vérifier cette conjecture: en conséquence, après avoir saturé une dissolution du tannin de la noix de galle avec de la colle animale fondue dans l'eau, nous traitâmes le précipité bien lavé avec de l'acide acétique d'une part et avec de l'acide phosphorique de l'autre ; ees deux acides opérèrent, à l'aide d'une douce chaleur, la dissolution complète du tannate de gélatine ou de la gélatine tannée.

Voici quelles sont les propriétés que nous a présentées celle de ces dissolutions faite par l'acide acétique : 1o si l'on élève sa température jusqu'à l'ébullition, elle se trouble

et devient blanche comme du lait, mais ne précipite rien; 2o la dissolution de gélatine ni celle du tannin n'y produisent aucun changement; 3° elle précipite le fer en noir, et l'acétate de plomb en jaune ; 4o l'alcohol très-déflegmé précipite en flocons blancs, qui deviennent bruns en se rassemblant, le tannate de gélatine de sa dissolution acide.

Cette dernière expérience annonce que quand on traite par l'alcohol des parties de végétaux qui contiennent en même tems des acides solubles dans cet agent, et du tannate de gélatine ou d'albumine, les premiers sont enlevés, et l'autre devient insoluble dans l'eau, s'il ne se trouve pas dans la matière végétale quelqu'autre acide insoluble dans l'alcohol. Aussi, lorsqu'on traite directement ces sortes de plantes par l'eau, l'on obtient, comme nous l'avons dit plus haut, beaucoup plus de la combinaison de tannin et de matière animale en dissolution dans ce fluide.

L'on voit par ce qui précède qu'il y a entre les propriétés de tannin et de gélatine animale, et celles de la combinaison naturelle que nous avons découverte dans plusieurs végétaux astringens, la plus remarquable analogie : seulement, il y a plus de tannin dans la combinaison naturelle: l'artificielle contient plus de matière animale et donne plus d'ammoniaque à la distillation.

§. VI. Vues sur l'existence de ce composé dans beaucoup de végétaux et sur ses usages.

Quoique nous n'ayons encore recherché la combinaison dont il s'agit que dans un petit nombre de végétaux, nous avons lieu de penser qu'elle est assez fréquemment répandue dans ces êtres. C'est elle qui quelquefois trouble les infusions végétales, ou s'en sépare sous la forme de pellicules plus ou moins colorées, lorsqu'on les fait bouillir ou évas porer. C'est à elle que nous paraissent être dus les sédimens qui se forment dans quelques infusions, à mesure qu'elles refroidissent, et qui ne se dissolvent ensuite que plus ou

moins difficilement. C'est peut-être aussi cette matière qui, ainsi que quelques autres combinaisons de différens principes végétaux auxquelles elle peut se trouver mêlée, a été prise depuis plus d'un demi-siècle pour un principe unique qu'on a nommé extrait des plantes. Cela est certainement vrai pour les plantes astringentes et spécialement pour les racines, les bois, les écorces, etc., qui ont ce caractère. Il serait très-intéressant d'examiner avec soin, et sous le rapport que nous indiquons ici, les extraits qu'on prépare en pharmacie, et de rechercher si le nom d'extractif, adopté depuis 1787 pour désigner un principe homogène dans les plantes, doit rester dans l'état actuel de la science.

:

En attendant qu'on se livre à ce travail utile, nous assurerons ici que les substances végétales qu'on emploie en teinture pour donner des pieds de couleur et des brunitures aux draps communs, contiennent une combinaison de tannin et de matière animale de ce nombre sont principalement l'écorce d'aune, de hêtre, le brou de noix, la racine de noyer, etc.; on peut y joindre le marronier, puisque le composé de tannin que contiennent ses feuilles s'unit très-bien aux étoffes de laine, de soie, même au coton; et puisque cette teinture nous a paru assez solide,

Il est permis de croire, d'après ces observations sur l'usage tinctorial des végétaux astringens, que la théorie de la teinture pourra tirer quelques lumières nouvelles de la connaissance plus exacte d'un composé jusqu'ici inconnu dans les plantes; et qui joue un rôle particulier dans la production des couleurs appliquées sans apprêts sur les tissus.

Par exemple, il résulte immédiatement de nos recherches, que pour fixer la matière colorante fauve des bois et écorces sur les tissus végétaux, il serait peut-être avantageux de donner à ces tissus un apprêt avec des liqueurs animales, afin de précipiter plus abondamment le tannin et la matière tannée qu'il rend trop soluble.

Sera-t-il également permis d'attribuer au même composé un usage physiologique par rapport aux graines, et de voir dans la composition chimique de leurs enveloppes un soin de la nature pour les conserver en les couvrant d'une substance indissoluble et imputrescible? Ce que nous avons trouvé dans les fèves et les lentilles se trouvera certaine¬ ment dans une foule d'autres graines soumises au même examen. Celles qui n'offrent pas la même nature dans leurs tuniques, montrent tantôt des enveloppes ligneuses, cornées, ou des pellicules sèches enduites ou pénétrées de substance cireuse, d'huiles âcres et aromatiques, dans lesquelles le naturaliste doit reconnaître une égale propriété défensive et conservatrice.

OBSERVATIONS

Sur l'état du Mercure dans l'Onguent mercuriel, par P. F. G. BOULLAY; en réponse à un Mémoire de M. WAHREN sur le même objet.

(Lues à la Société de Pharmacie de Paris, le 15 mai 1810.)

DANS le dernier No du Bulletin de Pharmacie, M. Wahren a cherché, par des expériences multipliées, à mettre hors de doute l'oxidation du mercure pendant la préparation de l'onguent mercuriel. Cette opinion fut celle de plusieurs chimistes d'un grand nom, à l'époque de la révolution mémorable qui a renversé le phlogistique de Staal, et l'on pensa généralement que les métaux n'agissaient sur l'économie animale que par l'oxigène qui leur était uni. Cependant, un grand nombre de pharmaciens habitués à bien observer les phénomènes de leurs opérations, ne pa¬ raissaient pas convaincus du rôle que l'on attribuait à l'oxigène dans ce genre de composition, ou dans ses analogues, pour le modus faciendi, telles que le mercure gommeux, l'emplâtre de vigo cum mercurio, etc..... Les expé

riences de M. Vogel (1) semblaient avoir détruit tous les doutes sur cette matière. Elles avaient même servi de base aux notes que j'ai publiées sur le même objet.

Aujourd'hui, M. Wahren considère non- seulement comme oxidé au minimum le mercure entrant dans la composition de l'onguent mercuriel, mais encore il en fait une véritable combinaison saline, à laquelle il donne le nom de sous-carbonate oxidulé de mercure.

Je ne discuterai pas en détail les expériences nombreuses sur lesquelles se fonde M. Wahren; je ne m'attacherai pas à prouver qu'on aurait peut-être tort d'admettre une foule de degrés d'oxidation du mercure, lesquels peuvent être les résultats d'une oxidation partielle ou du mélange des oxides connus à différens états. Je me défierai des intermèdes d'une grande activité, et sur-tout de l'emploi des alcalis si propres à favoriser la fixation de l'oxigène (2). Je tâcherai seulement, dans l'examen qui fait l'objet de la discussion, de prouver par une expérience simple, facile à répéter, la manière d'être du métal dans le médicament connu sous le nom d'onguent mercuriel à parties égales. Je la crois propre à faire cesser une incertitude déjà trop prolongée sur la véritable nature de ce composé pharmaco-chimique.

L'éther sulfurique est un bon dissolvant des graisses, ainsi qu'on l'a vu dans la notice qui précède cet article. Le contact à froid de cette liqueur a lieu avec les différens oxides de mercure, pendant plusieurs jours, sans que leur couleur subisse le moindre changement, et sans qu'il se manifeste aucune espèce de réduction. Je considère donc cet agent comme propre à mettre en évidence ce que je me propose de démontrer. A une haute température, l'éther peut

(1) Annales de chimie, tome LVIII, page 172 et suiv.

(2) Je citerai pour exemple les savons desquels on ne retire l'huile lá plus fluide au moment du mélange, que dans un état concret.

« PrécédentContinuer »