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DE PHARMACIE.

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N° Ier. -2° Année.-JANVIER 1810.

PHARMACOLOGIE LITTÉRAIRE.

Ox vient de publier à Londres la septième édition du

N

Dispensary, poëme en six chants de Garth. La singularité de cet ouvrage et la célébrité de son auteur nous engageraient à en parler, quand même nous n'y serions pas excités par

les sarcasmes que le journaliste anglais, en annonçant cet ouvrage, se permet de lancer contre les pharmaciens.

Samuel Garth, poëte et médecin anglais de la province d'Yorck, se distingua et par ses talens poétiques et par son habileté dans sa profession. Il sut mériter la faveur de Guillaume III par des louanges données avec esprit, et profita de son crédit pour fonder dans le collége de médecine à Londres (où il avait été reçu en 1693) une pharmacie publique connue sous le nom de Dispensary. Les pauvres y obtenaient des consultations gratuites et des remèdes au-dessous du prix ordinaire. C'est cette louable institution que la Société philanthropique de Paris a imitée en créant ses dispensaires. Les pharmaciens, et même plusieurs médecins de Londres, employèrent tous les moyens imaginables pour s'opposer à cet établissement. Le docteur Garth les ridiculisa dans un poëme auquel il donna le nom de Dispensary. Ce poëme, que les Anglais comparent au Ilme Année. - Janvier.

Lutrin de Boileau, eut un succès prodigieux. C'est une bataille entre les médecins et les apothicaires. La satire n'est pas toujours fine, mais elle est très-piquante : on y trouve de l'imagination, de la vivacité, de la naïveté et du savoir; il y est même trop prodigué. L'auteur a traduit mot à mot la fable de Lafontaine qui met en scène le médecin Tant pis et le médecin Tant mieux (fable 12, liv. V). Les descriptions de Garth sont toujours riantes et pittoresques souvent neuves, mais trop chargées à la manière anglaise. Voltaire a imité l'exorde du Dispensary, de la manière suivante :

Muse, raconte-moi les débats salutaires

Des médecins de Londres et des apothicaires,
Contre le genre humain si long-tems réunis.
Quel dieu pour nous sauver les rendit ennemis?
Comment laissèrent-ils respirer leurs malades.

Pour frapper à grands coups sur leurs chers camarades?
Comment changèrent-ils leur coiffure en armet,
La seringue en canon, la pilule en boulet?

Ils connurent la gloire ; acharnés l'un sur l'autre,

Ils prodiguaient leur vie et nous laissaient la nôtre.

Cette ingénieuse épigramme rappelle un mot très-heureux du président Molé. Dans le tems de la grande dispute entre la médecine et la chirurgie, on sollicita ce magistrat. d'élever un mur entre ces deux professions. Je le veux bien, répondit-il, mais de quel côté mettrez-vous le malade?

Samuel Garth, dont Pope fait un très-grand éloge, mourut le 18 janvier 1719; il fut membre de la fameuse Société de Kic-cat-Klub, composée d'environ trente gentilshommes distingués par leur dévouement à la maison d'Hanovre. Comme Garth avait montré beaucoup de zèle pour la succession de la couronne dans cette maison, le roi Georges Ier le fit chevalier et lui donna les titres de son médecin ordinaire et de premier médecin de ses armées.

Le journal anglais, au lieu de donner ces détails histo riques ou de présenter une analyse du poëme, se contente

d'observer que les pharmaciens du tems n'ont point répondu aux plaisanteries de Garth. « Eh! qu'auraient-ils répondu, s'écrie-t-il? qui peut et doit être plus étranger à » la littérature qu'un apothicaire? Quoique son art tienne » à la médecine, et que les médecins se disent enfans » d'Apollon, le pharmacopole doit se borner à la manipu»lation, et se renfermer dans son officine, où les objets qui » l'entourent ne sont nullement propres à réveiller l'imagi>> nation. Le beau sujet poétique que la description des » drogues ou des opérations d'un laboratoire ! Médecins,' » faites des ordonnances; apothicaires, exécutez-les scru» puleusement, et laissez la plume littéraire à ceux qui » n'ont pas des fonctions aussi graves, aussi froides que » les vôtres. Garth a réussi une fois : heureusement il n'a » pas eu d'imitateur. >>

N'en déplaise au sévère journaliste de Londres, les médecins et les pharmaciens ont toujours été regardés comme faisant partie de la famille d'Apollon. En parodiant la fable de Daphné, le poëte Dassoucy fait dire à Phébus:

Je suis le dieu qui tout éclaire,

Bon chantre, bon apothicaire,

Bon médecin.

Dans le même sujet Dumoustier fait parler Apollon de la même manière.

Je suis le bâtard de Jupin ;

Je suis poëte, médecin,
Apothicaire et botaniste.

Si le journaliste de la Tamise ne faisait pas sa feuille comme on fait les feuilletons à Paris, il saurait que les poëtes de l'antiquité n'ont pas dédaigné la description des remèdes. L'aveugle de Méonie et le Cygne de Mantoue ont admis dans leurs immortels ouvrages des détails pharmaceutiques; Andromaque a fait un poëme élégiaque sur son électuaire, et l'a dédié à Néron; Nicandre a chanté les poisons que la médecine peut convertir en remèdes. S'il est vrai que Garth n'ait pas eu d'imitateur en satire, il a eu

des émules en poésie, et il est impossible qu'on ne connaisse pas à Londres la Pedotrophia de Scevole de Sainte-Marthe, la Callipédie de Claude Quillet; l'Hygienæ poema de Geoffroy, et le poëme célèbre de Fracastor. Sans doute on peut trouver des sujets plus inspirateurs que la matière médicale; cependant notre illustre Lafontaine a fait un poëme sur le quinquina, et Gilles de Corbeil, médecin du roi Philippe-Auguste, est auteur d'un grand ouvrage en vers Sur la vertu des médicamens composés. Faut-il rappeler OEmilius Macer, poëte latin, natif de Véronne, ami d'Ovide et de Tibulle, et qui publia des poëmes sur les vertus des plantes des serpens et des oiseaux; Martianus Mineus Felix Capella, né à Carthage vers l'an 490, dont le poëme intitulé De nuptiis physologiæ et mercurii, et de septem artibus liberatibus est rempli de détails de matière médicale; l'anglais Jean Clement, qui vivait au seizième siècle, professa la médecine et la pharmacie, et composa diverses poésies fort estimées en Angleterre? Faut-il rappeler Mar cellus Empyricus, dont les écrits sont si connus; Louis Nonius, Médecin d'Anvers au dix-septième siècle, qui, dans ses vers sur la géographie, n'oublie pas les applications à la pharmacie; Jules-César Scaliger, né en 1484, d'une imagination si féconde et tout-à-la-fois médecin, philosophe et poëte? Aurait-on oublié ce fameux Jean, milanais, qui, vers l'an 1100, composa au nom des médecins du collège de Salerne l'ouvrage connu sous le nom de l'École de Salerne, dont il ne nous reste que trois cent soixante-douze vers sur douze cent trente-neuf qu'il renfermait? Ne se souviendrait-on plus d'un poëme sur les eaux minérales, composé par Guillaume Ségaud, célèbre prédicateur jésuite, né à Paris en 1674? enfin, les bibliothèques de médecine ne nous offrent-elles pas le poëme que Quintus Sérénus Sammonicus publia sur les bienfaits de son art sous le règne de Sévère et de Caracalla? On trouve encore beaude détails thérapeutiques dans les vers de Sulpitia,

Coup

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